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03/02/2022 | FRANCE | N°20NC00463

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 03 février 2022, 20NC00463


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la cotisation de taxe sur les logements vacants à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016 et des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1703140 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 20 février 2020 et les 15 et 31 décembre 2021

, Mme A..., représentée par Me Coissard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 mar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la cotisation de taxe sur les logements vacants à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016 et des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1703140 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 20 février 2020 et les 15 et 31 décembre 2021, Mme A..., représentée par Me Coissard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 mars 2019 ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est intervenu au terme d'une procédure qui n'a pas respecté le principe du contradictoire, en méconnaissance de l'article R. 711-2 du code de justice administrative, dès lors que n'ayant pas été avertie du jour de l'audience, elle n'a pas pu y être présente ni s'y faire représenter ;

- l'administration et les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur de fait au regard des dispositions de l'article 232 du code général des impôts dès lors que la vacance des deux logements en litige est indépendante de sa volonté ; le conseil constitutionnel dans sa décision n°98-403 DC du 29 juillet 2018 et n°2012-662 DC du 29 décembre 2012 a jugé que ne saurait être assujettis à la taxe annuelle sur les logements vacants ceux d'entre eux qui ne pourraient être rendus habitables qu'au prix de travaux importants dont la charge incomberait nécessairement à leurs détenteurs ; le constat d'huissier du 7 mai 2019, produit en appel, prouve l'état de vétusté des deux logements en cause, lesquels ne pourraient être rendus habitables qu'au prix d'importants travaux ; il est illogique de considérer qu'au titre de l'année 2016, elle ne démontre pas que la vacance des deux logements en litige est indépendante de sa volonté alors qu'elle a bénéficié d'un dégrèvement total à raison de ces mêmes biens, au titre des années 2015, 2017 et 2018.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 23 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 15 décembre 2021 à 12 heures et par ordonnance du 16 décembre 201, reportée au 31 décembre 2021 à 12 heures.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stenger,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Coissard, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... est domiciliée 1, rue Richard Brunck à Strasbourg, dans le quartier des Quinze. Elle est propriétaire d'une villa dont elle occupe l'appartement du rez-de-chaussée, les deux autres étages étant composés de trois appartements dont deux, situés au premier et au second étages ont eu des périodes de vacance. Mme A... a ainsi été assujettie à une cotisation de taxe sur les logements vacants au titre de l'année 2016 à hauteur de 1 369 euros à raison de ces deux appartements. Elle relève appel du jugement du 19 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette taxe.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience / (...) ". Aux termes des articles R. 431-1 et R. 431-2 du même code : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire " et " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat (...) lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d'une somme d'argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d'un litige né de l'exécution d'un contrat. La signature des requêtes et mémoires par l'un de ces mandataires vaut constitution (...). ".

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance, notamment de la fiche télérecours, qu'un avis d'audience ait été envoyé par le tribunal administratif à Mme A... ou à son conseil. En outre, le jugement du 19 mars 2019 ne fait état d'aucune présence ou représentation de la requérante à l'audience du 26 février 2019. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que ce jugement a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur le bien-fondé de l'impôt :

5. Aux termes de l'article 232 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " I.- La taxe annuelle sur les logements vacants est applicable dans les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social. Un décret fixe la liste des communes où la taxe est instituée. / II.- La taxe est due pour chaque logement vacant depuis au moins une année, au 1er janvier de l'année d'imposition, à l'exception des logements détenus par les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte et destinés à être attribués sous conditions de ressources. /III.- La taxe est acquittée par le propriétaire, l'usufruitier, le preneur à bail à construction ou à réhabilitation ou l'emphytéote qui dispose du logement depuis le début de la période de vacance mentionnée au II. (...) / VI. - La taxe n'est pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable. (...) ". Le Conseil constitutionnel, dans ses décisions n° 98-403 DC du 29 juillet 1998 et n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, n'a admis la conformité à la Constitution des dispositions instituant la taxe sur les logements vacants que sous certaines réserves en précisant que : " Ne sauraient être assujettis des logements dont la vacance est imputable à une cause étrangère à la volonté du bailleur, faisant obstacle à leur occupation durable, à titre onéreux ou gratuit, dans des conditions normales d'habitation, ou s'opposant à leur occupation, à titre onéreux, dans des conditions normales de rémunération du bailleur ;(...)" et il a également jugé ": " (...) ne sauraient être assujettis des logements qui ne pourraient être rendus habitables qu'au prix de travaux importants et dont la charge incomberait nécessairement à leur détenteur ; / (...). Il appartient au juge de l'impôt, saisi par un contribuable qui fait valoir qu'un logement est exclu pour une telle raison du champ d'application de la taxe sur les logements vacants, de se prononcer sur cette question au terme de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet.

6. Mme A... a été assujettie à la taxe sur les logements vacants en 2016 à raison de deux logements inhabités situés 1, rue Richard Brunck à Strasbourg dont elle est propriétaire. Elle soutient que ces deux biens ne pouvaient pas être loués en raison de leur état de vétusté et que cette vacance était indépendante de sa volonté dès lors que leur rénovation nécessitait d'importants travaux qu'elle était dans l'incapacité financière de prendre à sa charge, étant seule depuis son divorce. A l'appui de ses prétentions, la requérante produit pour la première fois en appel un constat d'huissier, daté de mai 2019, et deux avis de dégrèvement se rapportant à la taxe sur les logements vacants pour les années 2017 et 2018.

En ce qui concerne l'appartement situé au premier étage :

7. Il résulte de l'instruction que Mme A..., par le constat d'huissier précité, établit le caractère inhabitable de cet appartement d'une surface de 149 m², qui est notamment dépourvu d'électricité, de chauffage et de sanitaires, n'est pas raccordé au réseau d'eau et dont les murs sont fissurés et les vitres cassées. La circonstance que ce document soit intervenu postérieurement à l'année d'imposition en litige n'est pas, en l'espèce, de nature à remettre en cause le caractère inhabitable de cet appartement au titre de l'année 2016, eu égard aux constats précités qui lui préexistaient nécessairement et à l'absence de tout autre élément contraire apportés par l'administration. La requérante justifie en outre que l'état de vétusté de cet appartement nécessitait, pour être rendu habitable, des travaux importants dont le coût est estimé à environ 133 000 euros. Or, par les pièces produites dans son mémoire en réplique, Mme A... démontre qu'elle n'était pas en mesure de financer ces travaux au regard de ses revenus au titre de l'année 2016. Dans ces conditions, la requérante justifie que, pour l'année 2016, la vacance de cet appartement était indépendante de sa volonté au sens des dispositions précitées de l'article 232 du code général des impôts, sans que l'administration puisse utilement faire valoir que le contribuable ne démontre pas avoir été dans l'impossibilité de recourir à un emprunt ou à une hypothèque, compte tenu de la valeur de l'immeuble en cause situé dans un quartier recherché de Strasbourg, qui aurait permis de financer les travaux de rénovation de cet appartement.

En ce qui concerne l'appartement situé au second étage :

8. Il ne résulte pas de l'instruction que cet appartement, d'une surface de 100 m², ait fait l'objet d'une location dans l'année qui a précédé le 1er janvier de l'année d'imposition en litige. Par ailleurs, Mme A... ne produit aucun élément probant justifiant du caractère inhabitable de ce logement, à l'instar de l'appartement situé au premier étage, tel que décrit au point 7 du présent arrêt, dès lors que le constat d'huissier susvisé ne concerne que l'appartement du premier étage et qu'aucune pièce n'a été produite de nature à démontrer l'état de vétusté de ce second logement. Il ressort au contraire de la déclaration des revenus fonciers de l'année 2016 souscrite en 2017 par la contribuable qu'elle a donné en location deux appartements au cours de l'année 2016, moyennant des travaux engagés s'élevant à 21 088 euros. Ces données permettent donc de déduire, eu égard au caractère inhabitable de l'appartement du premier étage, que l'appartement du second étage en litige a fait l'objet d'une location en 2016, moyennant un coût de travaux relativement modéré par rapport à sa valeur vénale. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le local d'habitation en cause serait inhabitable au sens des dispositions précitées de l'article 232 du code général des impôts telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans les décisions susrappelées. Si dans son dernier mémoire, Mme A... soutient, à titre subsidiaire, que la " surface privative " à retenir pour le calcul de la taxe sur les logements vacants est de 79,18 m² pour une surface au sol de 108 m² et non pas une surface de 100 m², comme l'a retenue l'administration, elle n'en justifie pas en se bornant à produire un document qui ne permet pas d'identifier lequel de ses deux appartements du second étage a fait l'objet de ces mesures.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à demander la décharge partielle de la cotisation de taxe sur les logements vacants, à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016, à raison de l'appartement de 149 m² situé au premier étage de la villa dont elle est propriétaire à Strasbourg.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Coissard, avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Coissard de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1703140 du 19 mars 2019 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : Mme A... est déchargée partiellement de la cotisation de taxe sur les logements vacants à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016, à raison de l'appartement de 149 m², situé au premier étage de la villa dont elle est propriétaire au 1, rue Richard Brunck, à Strasbourg.

Article 3 : L'Etat versera à Me Coissard une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Coissard renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 5: Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2022.

La rapporteure,

Signé : L. STENGER Le président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

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20NC00463

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N° 20NC00463


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00463
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-03-06 Contributions et taxes. - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. - Taxes ou redevances locales diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SCP LEBON et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-02-03;20nc00463 ?
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