Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Sofib a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016.
Par un jugement n°1801019 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 31 janvier 2020 et le 12 janvier 2021, la SARL Sofib, représentée par Me Thomann, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 décembre 2019 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration et les premiers juges ont opéré une confusion entre champ d'application et assiette de la taxe sur les salaires en ne recherchant pas dans un premier temps de l'analyse si les rémunérations en litige entrent bien dans le champ d'application de cette taxe ; une telle distinction est pourtant réalisée dans les doctrines BOI-TPS-TS-10 et BOI-TPS-TS-20 ; il ressort du rapport parlementaire n°2624 établi par M. A... que l'objectif était seulement d'harmoniser l'assiette des prélèvements assis sur les salaires dus par les employeurs ;
- les rémunérations perçues par M. B..., gérant minoritaire de la SARL Sofib, n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur les salaires dès lors qu'il n'est lié par aucun contrat de travail avec cette société, qu'il perçoit une rémunération uniquement en contrepartie de son mandat social exercé en dehors de tout lien de subordination et qu'il n'est donc pas salarié de cette société au sens du droit du travail ; la réponse ministérielle n°16525, JO Sénat 14 avril 2011, indique que l'affiliation d'un mandataire social au régime général de sécurité sociale ne saurait en faire un salarié.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Sofib ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 31 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stenger,
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Sofib, qui est une société holding mixte, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 en matière de taxe sur les salaires. A la suite de ce contrôle, par une proposition de rectification du 3 avril 2017, l'administration lui a notifié dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires au titre des années 2014, 2015 et 2016. La réclamation de la société requérante du 28 novembre 2017 a donné lieu à une décision de rejet de l'administration du 13 février 2018. La SARL Sofib relève appel du jugement du 5 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur le bien-fondé de l'impôt :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 231 du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, sans qu'il soit toutefois fait application du deuxième alinéa du I et du 6° du II du même article. Cette taxe est à la charge des entreprises et organismes qui emploient ces salariés, qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ". L'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale dispose : " I.- La contribution est assise sur le montant brut des traitements, indemnités, émoluments, salaires, allocations, pensions y compris les majorations et bonifications pour enfants, des rentes viagères autres que celles visées au 6 de l'article 158 du code général des impôts et des revenus tirés des activités exercées par les personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3. (...) ".
3. Il résulte des travaux parlementaires de l'article 13 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, dont est issu l'article 231 du code général des impôts, que le législateur a entendu rendre l'assiette de la taxe sur les salaires identique à celle de la contribution sociale généralisée, sous réserve des seules exceptions mentionnées à la première phrase du 1 de cet article 231. En vertu des dispositions combinées de cet article et de l'article L. 131-2 du code de la sécurité sociale, sont inclus dans l'assiette de la taxe sur les salaires les revenus d'activité des personnes mentionnées à l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, ce dernier article mentionnant notamment, à ses 11°, 12° et 23°, les gérants minoritaires des sociétés à responsabilité limitée, les présidents du conseil d'administration, directeurs généraux et directeurs généraux délégués des sociétés anonymes et les présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées. Par suite, le moyen de la société Sofib tiré de ce que les rémunérations versées à M. B..., gérant minoritaire, étaient exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires dès lors que les mandataires sociaux n'ont pas la qualité de salarié au sens du droit du travail et que ces rémunérations n'entreraient pas dans le champ des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
4. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa version applicable au présent litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".
5. La société Sofib n'est pas fondée à invoquer les deux doctrines administratives référencées BOI-TPS-TS-10-10 et BOI-TPS-TS-20-10 ainsi que la réponse ministérielle n°16525, publiée au journal officiel Sénat du 14 avril 2011, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elles ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.
6. La SARL Sofib n'est pas davantage fondée à se prévaloir du rapport parlementaire n° 2624 de M. A..., député, qui n'est pas invocable sur le fondement de l'article L. 80 A dès lors qu'il ne constitue pas une prise de position de l'administration fiscale.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Sofib n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Sofib est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Sofib et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2022.
La rapporteure,
Signé : L. STENGER Le président,
Signé : J. MARTINEZ
La greffière,
Signé : C. SCHRAMM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. SCHRAMM
2
N° 20NC00278