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03/02/2022 | FRANCE | N°20NC00097

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 03 février 2022, 20NC00097


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SASU Art déco marbre a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 27 octobre 2014 au 31 décembre 2015, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802483 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.<

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M. B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décha...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SASU Art déco marbre a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 27 octobre 2014 au 31 décembre 2015, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802483 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.

M. B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802482 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n°20NC00097, le 15 janvier 2020, la SASU Art déco marbre, représentée par Me Michelot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 27 octobre 2014 au 31 décembre 2015, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'administration a appliqué un coefficient de marge de 2,5 pour reconstituer ses recettes sans préciser les éléments sur lesquels elle s'est fondée ;

- les recettes reconstituées ne tiennent pas compte du stock existant, constaté par huissier de justice ;

- la prestation du sous-traitant, la société Espace Ma Maison, consistait à installer un plateau sur un support immobilier, et était éligible à l'auto-liquidation ; le défaut de mention sur la facture ne saurait fonder le rappel de taxe sur la valeur ajoutée ;

- c'est à tort que le service a rejeté la déductibilité d'une facture de 900 euros émise par la société Jet Parquets et Menuiseries ;

- elle justifie de la réalité de la prestation effectuée par le cabinet d'expertise comptable au cours de l'exercice clos en 2015 pour un montant de 1 500 euros ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SASU Art déco marbre ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée sous le n°20NC00098, le 15 janvier 2020, M. A... B..., représenté par Me Michelot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'administration a appliqué un coefficient de marge de 2,5 pour reconstituer ses recettes sans préciser les éléments sur lesquels elle s'est fondée ;

- les recettes reconstituées ne tiennent pas compte du stock existant, constaté par huissier de justice ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lambing,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Art déco marbre, qui exerce une activité d'import-export de matériaux de construction et de travaux de décoration en marbre, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 27 octobre 2014 au 31 décembre 2015. Par proposition de rectification du 7 juillet 2017, l'administration lui a notifié, dans le cadre de la procédure de taxation d'office, un rehaussement de sa cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de son exercice clos en 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 27 octobre 2014 au 31 décembre 2015. Par proposition de rectification du 12 juillet 2017, l'administration a imposé en conséquence entre les mains de M. B... les revenus réputés distribués provenant du rehaussement des bénéfices imposables de sa société. Par les deux requêtes ci-dessus visées qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, la SASU Art déco marbre et M. B... relèvent respectivement appel des jugements du 7 novembre 2019 par lesquels le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à la décharge des impositions et pénalités mises à leur charge.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la SASU Art déco marbre :

2. A supposer même que la SASU Art déco marbre ait entendu soulever le moyen tiré de ce qu'elle aurait été privée d'un dialogue contradictoire avec l'administration à la suite de la notification des bases servant au calcul des impositions d'office, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges et énoncés aux points 2 à 4 du jugement du 7 novembre 2019, d'écarter ce moyen. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit être écarté.

En ce qui concerne M. B... :

3. En vertu du principe d'indépendance des procédures, les éventuelles irrégularités de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'une société soumise au régime d'imposition des sociétés de capitaux ne peuvent avoir d'autre conséquence que la décharge des impositions mises à la charge de cette société et restent sans incidence sur les impositions personnelles mises à la charge de la personne imposée à l'impôt sur le revenu au titre des distributions de cette société. Par suite, le moyen soulevé par M. B... et tiré de ce que la proposition de rectification notifiée à la SASU Art déco marbre ne comportait pas les éléments de comparaison relatif au coefficient de marge retenu privant la société d'en discuter, doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant.

Sur le bien-fondé des impositions mises à la charge de la SASU Art déco marbre :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

4. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office :/ (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; / 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure ". Aux termes de l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes enfin de l'article R. 193-1 dudit livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

5. La SASU Art déco marbre n'a pas déposé dans les délais impartis par les dispositions ci-dessus reproduites sa déclaration de résultat au titre de son exercice clos au 31 décembre 2015, en dépit d'une mise en demeure d'avoir à le faire qui lui a été notifiée le 8 juin 2016. Il en de même s'agissant de ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 24 octobre 2014 au 31 décembre 2015 malgré une mise en demeure du 30 juin 2016. Par suite, c'est régulièrement que son bénéfice relatif à cet exercice et la taxe sur la valeur ajoutée y afférente ont été taxés d'office en application des dispositions ci-dessus reproduites. Il incombe à la société requérante de rapporter la preuve du caractère exagéré de la cotisation d'impôt sur les sociétés établie par l'administration, soit en s'appuyant sur les chiffres d'une comptabilité régulière et probante soit en démontrant que la méthode utilisée par l'administration est viciée dans son principe ou sommaire. Il lui appartient également de rapporter la preuve du caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne l'imposition des chiffres d'affaires et des bénéfices réalisés par la SASU Art déco marbre :

S'agissant de la méthode de reconstitution de chiffre d'affaires :

6. Après avoir écarté la comptabilité de la société requérante comme présentant de graves irrégularités et étant dépourvue de valeur probante, et à défaut d'inventaire de stock à la clôture de l'exercice, le service a reconstitué le chiffre d'affaires à partir des factures d'achat de matières premières en 2014 et en 2015. Puis, le vérificateur a appliqué un coefficient de marge de 2,5, correspondant, selon l'administration, à la fourchette basse du taux généralement pratiqué par des entreprises présentant des caractéristiques similaires à celles de la société requérante. Au titre de ce chiffre d'affaires reconstitué, pour la période du 24 octobre 2014 au 31 décembre 2014, l'administration a calculé une taxe sur la valeur ajoutée due. S'agissant de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, l'administration s'est fondée sur les éléments de la comptabilité de la SASU Art déco marbre pour établir le rappel de taxe sur la valeur ajoutée.

7. Pour critiquer l'application du coefficient de marge de 2,5, la SASU Art déco marbre, qui ne conteste pas le caractère irrégulier et non probant de sa comptabilité, produit un procès-verbal de constat d'huissier du 16 juin 2017, intervenu au lendemain de l'achèvement des opérations de contrôle. L'huissier, mandaté par la société requérante pour dresser un inventaire au sein de son atelier à Neuville-sur-Vanne, a procédé à un relevé des volumes de matières premières présentes au jour de son constat à partir des trois factures d'achat de matériaux des 29 octobre 2014, 15 mai 2015 et 21 octobre 2015 sur lesquelles l'administration s'est également fondée pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société. Cependant, ce constat d'huissier, qui dresse un état des lieux au 16 juin 2017, ne permet pas de justifier de l'état du stock de la société au 31 décembre 2015. De plus, il n'est pas établi qu'aucun autre achat de matériaux n'aurait été réalisé en 2016 et 2017. Par suite, l'huissier s'étant fondé sur les seules factures d'achat de 2014 et 2015 qui lui ont été données par la société, sans constater l'absence d'achat ultérieur, il ne peut être déduit de ce constat que les matériaux présents résulteraient des seuls achats des 29 octobre 2014, 15 mai 2015 et 21 octobre 2015. Enfin, le constat d'huissier est basé sur des volumes de matières premières et non sur des quantités comme mentionnées dans les factures d'achat ou sur la valeur comptable des produits. Quant à l'état détaillé reconstitué par la société pour les besoins de la cause, il ne fait état que de trois ventes. Or, quatre factures de livraison ou de travaux ont été présentées au vérificateur au cours des opérations de contrôle. Ce dernier a constaté que ces quatre factures émises par la société requérante au cours de l'exercice vérifié comportent des trous dans la numérotation. Dans ces conditions, la reconstitution du stock par la SASU Art déco marbre à partir de ses factures d'achat et de vente est dépourvue de tout caractère probant. Il s'ensuit que la SASU Art Déco marbre n'établit pas, ainsi qu'elle en a la charge pour avoir été régulièrement imposée d'office, l'exagération des redressements dont elle a été l'objet.

S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

8. Aux termes de l'article 283 du code général des impôts : " (...) 2 nonies. Pour les travaux de construction, y compris ceux de réparation, de nettoyage, d'entretien, de transformation et de démolition effectués en relation avec un bien immobilier par une entreprise sous-traitante, au sens de l'article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, pour le compte d'un preneur assujetti, la taxe est acquittée par le preneur (...). Aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts : " I. - Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : (...) 13° Lorsque l'acquéreur ou le preneur est redevable de la taxe, la mention : " Autoliquidation " (...) ". Conformément à l'article 25 II de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, les dispositions du 2 nonies de l'article 283, dans leur rédaction issue de la présente loi, s'appliquent aux contrats de sous-traitance conclus à compter du 1er janvier 2014.

9. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 7 juillet 2017, que la SASU Art déco marbre a comptabilisé le 14 octobre 2015 un produit à la suite d'une facturation de la société Espace ma maison d'un montant de 2 540 euros hors taxe. La facture correspondante ne fait mention d'aucune taxe sur la valeur ajoutée. Le vérificateur a considéré que la taxe sur la valeur ajoutée ne pouvait être regardée comme ayant été autoliquidée faute de mention de cette autoliquidation sur la facture en litige et à défaut de la production d'un contrat de sous-traitance. Un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 423 euros a été notifié à la société.

10. La société requérante soutient qu'elle avait une relation de sous-traitance avec la société Espace ma maison, que ses prestations consistaient bien en des travaux immobiliers et que l'absence de la mention " autoliquidation " ne saurait lui faire perdre le bénéfice de ce régime.

11. Si l'absence de cette mention " autoliquidation " sur la facture ne saurait entraîner à elle seule la perte du droit à ne pas facturer de taxe sur la valeur ajoutée à un preneur assujetti, avec qui le contribuable serait en relation de sous-traitance, il appartient toutefois dans ce cas à l'assujetti d'apporter la preuve par tout moyen de ce qu'un contrat de sous-traitance a été conclu avec ce preneur, ou qu'un tel contrat avait été conclu antérieurement au 1er janvier 2014, cette mention n'étant alors pas rendue obligatoire pour les contrats conclus avant cette date. Dans ces conditions et dès lors que la SASU Art déco marbre n'établit pas avoir la qualité d'entreprise sous-traitante de la société Espace ma maison, elle est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée due à raison des prestations qu'elle a réalisées pour le compte de celle-ci. Par suite, c'est à bon droit que l'administration lui a notifié un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 423 euros.

S'agissant de l'impôt sur les sociétés :

12. En premier lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre (...) Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. (...) ".

13. Pour être admis en déduction des bénéfices imposables les frais et charges doivent être exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise, correspondre à une charge effective, être appuyés de justifications suffisantes et être compris dans les charges de l'exercice au cours duquel ils ont été engagés.

14. La SASU Art Déco marbre a comptabilisé le 13 novembre 2015 la somme de 900 euros en charges correspondant à une prestation de " pose de placo, enduit et peinture " réalisée par la société Jet parquets et menuiserie. Le vérificateur a remis en cause le caractère déductible de cette charge au motif que seul un devis a été présenté lors du contrôle.

15. Il résulte de l'instruction que la facture datée du 13 novembre 2015, qui n'a pas été présentée au moment des opérations de contrôle, a été produite par la société requérante le 12 juillet 2018 dans le cadre de sa réclamation préalable. Cette facture, qui comporte les mentions manuscrites " Fin de chantier " " bon pour accord " et des signatures datées au 15 novembre 2015 avec la référence d'un chèque, ne vise pas le n° SIRET de la société Jet parquets et menuiserie mais celui d'une entreprise individuelle domiciliée au 31 rue du Berry à Troyes. Il n'est pas contesté que l'adresse figurant sur cette facture est celle la SCI T.K.N, dont le gérant est M. B..., également gérant de la SASU Art déco marbre, et dont les associés sont ses deux frères. Par ailleurs, la société requérante n'apporte aucun élément quant à la nature de cette dépense et l'intérêt pour son exploitation. Dans ces conditions, eu égard au caractère non probant de cette facture en raison notamment de ses incohérences, la SASU Art déco marbre ne justifie ni dans son principe, ni dans son montant du caractère déductible de cette dépense, par la seule production de cette facture sans date certaine et sans preuve de paiement effectif de la somme correspondante. Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration a réintégré cette somme de 900 euros dans le bénéfice imposable de la société requérante.

16. En deuxième lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Il résulte de ces dispositions que les charges doivent être déduites des résultats de l'exercice au cours duquel elles peuvent être considérées comme engagées par l'existence d'une dette certaine dans son principe et dans son montant.

17. L'administration a remis en cause la déduction de la charge correspondant à une note d'honoraires émise le 31 mai 2017 par le cabinet d'expertise comptable Profil Conseils au motif que la prestation ne pouvait être rattachée à l'exercice clos le 31 décembre 2015 dès lors que la lettre de mission a été signée le 20 septembre 2016.

18. La société requérante soutient que si la lettre de mission a été signée tardivement, les interventions du cabinet d'expertise comptable se sont déroulées au cours de l'année 2015. En vertu du principe des créances acquises et des dettes engagées, cette charge pouvait être comptabilisée, selon elle, au titre de l'exercice 2015.

19. La société requérante se borne à produire des courriers que son cabinet d'expertise comptable lui a adressés les 8 juin 2015, 23 novembre 2015 et 25 mars 2016 où il lui demandait la communication de certains documents afin de mettre à jour sa comptabilité. Dans ces conditions, la société ne produit aucun élément de nature à justifier que la note d'honoraires émise le 31 mai 2017 porterait sur des prestations comptables réalisées au cours de l'année 2015. De plus, la facture produite, qui porte seulement l'indication " honoraires de l'exercice ", ne permet pas d'identifier avec précision les prestations réalisées. Par suite, la SASU Art déco marbre ne justifie pas de l'existence d'une dette certaine dans son principe et dans son montant à la clôture de l'exercice en litige. Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration a réintégré la somme de 1 500 euros dans le bénéfice imposable.

Sur le bien-fondé de l'imposition des revenus distribués imposés entre les mains de M. B... :

20. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ".

21. En cas de refus des propositions de rectification par le contribuable qu'elle entend imposer en tant que bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

22. M. B..., gérant et associé de la SASU Art déco marbre, a été regardé comme le bénéficiaire des revenus réputés distribués correspondant à la réintégration dans les bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés des recettes dissimulées mises en lumière par la reconstitution dont le bien-fondé vient d'être établi. Afin de contester le bien-fondé des suppléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignés, M. B..., qui ne conteste pas sa qualité de maître de l'affaire, invoque les mêmes moyens que ceux soulevés par la SASU Art déco marbre dans sa requête d'appel. Il y a lieu, par suite, de les écarter par les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus.

Sur les pénalités :

En ce qui concerne les pénalités mises à la charge de la SASU Art déco marbre :

23. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; /b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) ". Aux termes de l'article 1729 du même code : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". L'article 195 A du livre des procédures fiscales dispose par ailleurs que : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

24. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 7 juillet 2017, que l'administration a appliqué les pénalités pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts uniquement aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 27 octobre au 31 décembre 2014. Le service a infligé la pénalité de 40 % prévue à l'article 1728 pour défaut de déclaration s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 et des rehaussements d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2015. A la suite de la saisine de l'interlocuteur départemental, par courrier du 20 février 2018, la majoration de 10 % prévue à l'article 1728 a du CGI a été substituée à celle de 40 % prévue à l'article 1729 pour les rappels de taxe sur la valeur ajoutée du 24 octobre au 31 décembre 2014. Il s'ensuit que le moyen tiré du caractère non fondé des pénalités pour manquement délibéré est inopérant.

En ce qui concerne les pénalités mises à la charge de M. B... :

25. Pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré aux revenus réputés distribués imposés entre les mains de M. B..., correspondant à la réintégration dans les bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés des recettes reconstituées, l'administration se prévaut de l'importance des sommes éludées et de la répétition des dissimulations sur deux années. En sa qualité de gérant de la SASU Art déco marbre, M. B... a omis de tenir une comptabilité sincère de son exploitation et de déposer les déclarations relatives à son activité dans les délais légaux. En sa qualité de maître de l'affaire, il doit être regardé comme ayant appréhendé les recettes sciemment dissimulées. Par ces éléments l'administration rapporte la preuve des manquements délibérés ayant justifié l'application de la majoration de 40 % aux impositions litigieuses.

26. Il résulte de tout ce qui précède que la SASU Art déco marbre et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la SASU Art déco marbre et de M. B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Art déco marbre, à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Lambing, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.

La rapporteure,

Signé : S. LAMBING Le président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

2

N° 20NC00097, 20NC00098


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00097
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : MICHELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-02-03;20nc00097 ?
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