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01/02/2022 | FRANCE | N°21NC01950

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 01 février 2022, 21NC01950


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100818 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juillet

2021, M. A..., représenté par Me Grosset, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100818 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Grosset, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 1er juin 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2020 du préfet de Meurthe-et-Moselle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

sur l'ensemble des décisions :

- elles sont entachées d'un vice d'incompétence.

sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est père d'un enfant français et établit contribuer à son entretien et à son éducation ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il vit en France depuis plus de seize ans et est intégré professionnellement ;

- le préfet s'est cru à tort lié dans le cadre de l'examen de sa situation ;

sur la décision accordant un délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le préfet s'est senti en compétence liée en accordant un délai de départ volontaire de trente jours ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

sur la décision fixant le pays de destination :

- elle a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisqu'il s'exposerait à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Géorgie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité géorgienne, né le 26 décembre 1973, serait entré sur le territoire français en 2005, selon ses déclarations, sous le nom de M. B.... Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 12 juin 2006 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par une décision du 20 mai 2008 de la Cour nationale du droit d'asile. Par deux arrêtés des 9 juin 2009 et 10 juin 2011, il a fait l'objet de refus de délivrance d'un titre de séjour et d'obligations de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutées. Une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " lui a ensuite été délivrée le 18 avril 2013 et a été régulièrement renouvelée jusqu'au 14 mars 2017. Le 16 mars 2017, il a sollicité le renouvellement de cette carte en se prévalant de sa véritable identité, C... A.... Par un arrêté du 28 décembre 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler cet arrêté. M. A... relève appel du jugement du 1er juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions :

2. Par arrêté du 20 janvier 2020, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le lendemain, le préfet de Meurthe-et-Moselle a accordé à Mme Marie-Blanche Bernard, secrétaire générale de la préfecture, délégation de signature à l'effet de signer tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception des arrêtés de conflits. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des décisions attaquées doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

3. Aux termes des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur version alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ".

4. Il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le préfet se soit fondé sur les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 précité pour refuser le séjour au requérant. Par suite, le requérant ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions à l'appui de la contestation de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour.

5. Si le requérant soutient également que la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige, et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il vit en France depuis plus de seize ans et est intégré professionnellement, ces moyens sont inopérants car la décision portant refus de titre de séjour est fondée exclusivement sur la menace à l'ordre public qu'il représente.

6. Enfin, si le requérant soutient que le préfet s'est senti lié, il n'assortit son moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :

7. Aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".

8. En premier lieu, dès lors que le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français constitue le délai de départ volontaire de droit commun, l'absence de prolongation de ce délai n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou qu'il ait fait valoir des éléments justifiant que ce délai soit prolongé. Le requérant n'alléguant pas avoir formulé une telle demande ou avoir fait valoir de tels éléments, il ne peut utilement soutenir que la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours est insuffisamment motivée.

9. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté, qui mentionne qu'il n'y a pas lieu, en l'absence de circonstances particulières, de faire usage du pouvoir discrétionnaire de prolonger le délai de départ volontaire qui lui est imparti, que le préfet a examiné sa situation personnelle et n'a pas méconnu l'étendue de sa propre compétence en décidant d'assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'un délai de départ volontaire de trente jours.

10. En dernier lieu, en soutenant que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant un délai de départ volontaire de trente jours, M. A... n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, d'une part, aucune disposition nationale n'impose de mettre les intéressés en mesure de présenter leur défense dans le cadre d'une procédure contradictoire préalable à l'intervention de la décision relative au pays de destination, prise le même jour que l'obligation de quitter le territoire français.

12. D'autre part, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, assortie d'un délai de départ volontaire, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination sont prises concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, assortie d'un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu, notamment énoncé à l'article 41 §2 a) de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

13. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

14. M. A... fait valoir qu'il craint pour sa vie en cas de retour en Géorgie. Toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il serait personnellement et actuellement exposé à des risques de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors que ses demandes tendant à l'octroi de la qualité de réfugié ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 décembre 2020 du préfet de Meurthe-et-Moselle. Les conclusions de la requête présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, en conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 21NC01950


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01950
Date de la décision : 01/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SELARL GUITTON et GROSSET BLANDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-02-01;21nc01950 ?
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