Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 5 juin 2020 par lequel le préfet de la Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2001128 du 20 octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 novembre 2020 et le 22 décembre 2021, Mme A..., représentée par Me Kanza, demande à la cour, dans ses dernières écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 20 octobre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 juin 2020 du préfet de la Marne ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Marne de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 950 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
en ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée en fait ;
- le préfet de la Marne n'a pas produit les éléments établissant le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité faite en faveur de son enfant ;
- elle n'a pas été prise au terme d'un examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'illégalité dès lors que la décision lui refusant un titre de séjour est elle-même illégale ;
en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'illégalité dès lors que la décision lui refusant un titre de séjour est elle-même illégale ;
- elle encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine.
Le préfet de la Marne, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.
Les parties ont été informées le 21 décembre 2021 en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public suivant : méconnaissance du champ d'application de la loi dans le temps, la version de l'article L. 313-11, 6°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel l'arrêté en litige a été pris n'est pas celle qui aurait dû s'appliquer à la demande de titre de séjour de Mme A... dont la préfecture a accusé réception le 28 janvier 2019.
Par un mémoire enregistré le 22 décembre 2021, Mme A... a présenté des observations au moyen d'ordre public communiqué le 21 décembre 2022.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 04 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante congolaise née le 29 mars 1990 à Brazzaville, est entrée, selon ses déclarations, irrégulièrement en France le 30 novembre 2016. Après avoir donné naissance, le 22 avril 2017, à un enfant qui a fait l'objet d'une reconnaissance de paternité par un ressortissant français, la requérante a présenté le 28 janvier 2019 une demande tendant à l'obtention d'un titre de séjour en sa qualité de parent d'un enfant français. Par un arrêté du 5 juin 2020, le préfet de la Marne a rejeté cette demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite à défaut d'exécution volontaire dans le délai imparti. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler cet arrêté préfectoral. Mme A... relève appel du jugement du 20 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 5 juin 2020.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction antérieure à l'article 55 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 et applicable aux demandes de titre de séjour déposées avant le 1er mars 2019 conformément aux dispositions du IV de l'article 71 de cette même loi : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention ' vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code dans sa version issue de la loi du 10 septembre 2018 applicable depuis le 1er mars 2019 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6°. A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ".
3. Le préfet de la Marne a pris sa décision de refus de séjour sur le fondement du deuxième alinéa du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version issue de l'article 55 de la loi du 10 septembre 2018 précitée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour de l'intéressée, qui a été déposée complète le 28 janvier 2019, soit avant le 1er mars 2019, était régie par les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 septembre 2018, qui ne soumettaient pas la délivrance du titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français à la démonstration de la participation effective du père français ayant reconnu l'enfant à l'entretien et à l'éducation de ce dernier. Dans ces conditions, le préfet de la Marne a méconnu le champ d'application de la loi dans le temps en fondant sa décision sur les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable depuis le 1er mars 2019. Il y a en conséquence lieu d'annuler, pour ce motif, la décision du 5 juin 2020 par laquelle il a refusé à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour par lesquelles il l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
4. Eu égard à son motif, l'annulation de l'arrêté préfectoral en litige n'implique pas qu'un titre de séjour soit délivré à Mme A.... En revanche, elle nécessite qu'il soit enjoint au préfet de la Marne de réexaminer la situation de Mme A..., au regard des dispositions applicables à la date de sa demande de titre de séjour, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
5. D'une part, Mme A... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. D'autre part, l'avocat de Mme A... n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 20 octobre 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et l'arrêté préfectoral du 5 juin 2020 du préfet de la Marne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Marne de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, durant cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 20NC03392