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27/01/2022 | FRANCE | N°21NC01265

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 27 janvier 2022, 21NC01265


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2019 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1901773 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mai 2021, M. A..., représenté par Me Grosset, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 mars 2021 ;

2°) d'ann

uler cet arrêté du 11 janvier 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séj...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2019 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1901773 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mai 2021, M. A..., représenté par Me Grosset, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 mars 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 11 janvier 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision d'aide juridictionnelle ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un vice de procédure car il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations préalablement à son édiction ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il remplit les conditions de l'article R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour être exempté de présentation de visa long séjour et fait état d'une situation particulière ;

- le tribunal n'a pas répondu à ce moyen s'agissant du fait qu'il est entré régulièrement dans l'espace Schengen mais a arraché le visa de son passeport ;

- la décision litigieuse est entachée d'une défaut d'examen particulier de la situation du requérant ;

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la cour doit surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle sur sa demande d'aide juridictionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 9 octobre 1995, de nationalité ukrainienne, est entré en France le 1er juillet 2014 afin d'y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée en dernier lieu le 18 mai 2016. Les 21 octobre 2016 et 4 mai 2017, M. A... a sollicité son admission au séjour. Le préfet de la Moselle a rejeté ses demandes par des arrêtés du 21 décembre 2016 et du 23 juin 2017, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Strasbourg le 19 septembre 2017 et le 16 décembre 2019. Le 2 septembre 2017, M. A... s'est marié avec une ressortissante française. Par un courrier du 29 septembre 2017, M. A... a sollicité son admission au séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française mais le préfet de la Moselle a rejeté sa demande par un arrêté du 1er mars 2018 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. Le 21 novembre 2018, M. A... a sollicité une nouvelle fois son admission au séjour. Par un arrêté du 11 janvier 2019, le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour. M. A... relève appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 11 janvier 2019.

Sur la légalité du refus de séjour :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est présent sur le territoire français depuis plus de quatre ans à la date de la décision en litige et s'est marié avec une ressortissante française le 2 septembre 2017. La réalité de la communauté de vie est par ailleurs établie par les pièces versées au dossier à compter du mois d'avril 2017. En outre, il produit deux diplômes universitaires dont un diplôme de licence obtenue en 2017 et deux diplômes d'apprentissage de la langue française qui attestent du sérieux de la poursuite de ses études et il est inscrit, pour l'année universitaire 2018/2019, en 2ème année de master " sciences du vivant " à l'université de Lorraine. Enfin, il dispose d'une promesse d'embauche en qualité d'opérateur polyvalent, qui est certes postérieure au refus de titre de séjour litigieux, mais souligne sa volonté d'intégration professionnelle en France. Dans ces conditions, la décision lui refusant le séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts qu'elle poursuit. Par suite, le préfet de la Moselle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté litigieux.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Moselle de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Grosset, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Grosset de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 mars 2021 et la décision du 11 janvier 2019 du préfet de la Moselle sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Grosset une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Grosset renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 21NC01265


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01265
Date de la décision : 27/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : SELARL GUITTON et GROSSET BLANDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-01-27;21nc01265 ?
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