La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/12/2021 | FRANCE | N°20NC00958

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 31 décembre 2021, 20NC00958


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer l'annulation pour excès de pouvoir des décisions du 3 mai 2019 par lesquelles le recteur de l'académie de Besançon a rejeté ses demandes tendant à l'obtention d'un complément à la dotation pour frais de déplacement d'une part, au titre de la période du 1er septembre 2017 au 31 décembre 2018, d'autre part, au titre de la période du 1er janvier au 31 juillet 2019 et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui attribuer ces com

pléments de frais de déplacement. Elle a demandé en outre la condamnation de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer l'annulation pour excès de pouvoir des décisions du 3 mai 2019 par lesquelles le recteur de l'académie de Besançon a rejeté ses demandes tendant à l'obtention d'un complément à la dotation pour frais de déplacement d'une part, au titre de la période du 1er septembre 2017 au 31 décembre 2018, d'autre part, au titre de la période du 1er janvier au 31 juillet 2019 et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui attribuer ces compléments de frais de déplacement. Elle a demandé en outre la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'elle soutient avoir subis.

Par un jugement n° 1802217 du 20 février 2020 le tribunal administratif de Besançon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 avril 2020 et un mémoire enregistré le 15 avril 2021, Mme B..., représentée par Me Tronche, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler les décisions attaquées ;

3°) de faire injonction à l'administration de prendre en charge un complément de frais de déplacements exposés au titre des années scolaires 2017/2018 et 2018/2019 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le montant des enveloppes journalières de frais de déplacement qui lui sont allouées de manière forfaitaire est incompatible avec les besoins de son service en méconnaissance du décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 compte tenu du nombre réel de kilomètres qu'elle effectue et dont elle justifie ; l'administration, afin de refuser la prise en charge des déplacements effectivement supportés pour les besoins du service, ne peut légalement lui opposer le caractère limitatif des crédits disponibles et soutenir qu'elle aurait dû limiter ses déplacements dans le cadre de l'enveloppe kilométrique qui lui était allouée chaque année, ce dont au demeurant elle n'a jamais été avertie.

Par des mémoires en défense enregistrés le 2 décembre 2020 et le 11 juin 2021, le recteur de l'académie de Besançon conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 ;

- le décret 2008-775 du 30 juillet 2008 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants du premier degré ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Tronche, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., enseignante spécialisée des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased), rattachée de 2010 à 2016 à la circonscription de Pontarlier puis, depuis l'année scolaire 2016/2017 à celle de Besançon II, a pour mission d'apporter une aide aux élèves qui ont des difficultés avérées et qui est complémentaire du travail de l'enseignant en charge de ces élèves. Dans le cadre de sa mission, l'intéressée est conduite à effectuer régulièrement des déplacements professionnels d'une commune à une autre pour se rendre dans les écoles de sa circonscription et bénéficie à ce titre d'un ordre de mission annuel l'autorisant à utiliser son véhicule personnel et des dotations kilométriques pour couvrir ses frais de déplacements. Par des décisions des 27 septembre 2017, 16 janvier 2018 et 17 septembre 2018, le directeur académique des services de l'éducation nationale du département du Doubs a respectivement attribué à l'intéressée une dotation de 538 km pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2017, de 850 km pour la période de janvier à juillet 2018 et de 538 km pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2018. Le 10 octobre 2018, Mme B... a demandé un complément de dotation de 540 km pour la période de septembre à décembre 2017, de 2 290 km pour la période de janvier à juillet 2018 et de 900 km pour la période de septembre à décembre 2018. Le recteur de l'académie de Besançon, d'abord implicitement, puis expressément, par une décision du 3 mai 2019, a rejeté cette demande. Par une décision du 28 mars 2019, le directeur académique des services de l'éducation nationale du département du Doubs a attribué à l'intéressée une dotation de 1 000 km pour la période de janvier à juillet 2019. Le 15 avril 2019, Mme B... a demandé un complément de dotation de 2 000 km pour cette même période. Par une décision du 3 mai 2019, le recteur de l'académie de Besançon a rejeté cette demande. Mme B... relève appel du jugement du 20 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui allouer des compléments de remboursement de frais de déplacements professionnels.

Sur la légalité des décisions attaquées :

2. Il résulte des dispositions combinées des articles 2, 3, 9 et 10 du décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 qu'un agent en mission qui se déplace pour les besoins du service hors de sa résidence administrative et hors de sa résidence familiale peut prétendre, lorsqu'il a été autorisé à utiliser son véhicule personnel, au remboursement de ses frais de transport sur la base d'indemnités kilométriques arrêtées par voie réglementaire à condition de justifier de leur réalité et sans que l'administration puisse lui opposer l'épuisement des crédits budgétaires.

3. Les missions et les modalités d'exécution du service des personnels enseignants du premier degré exerçant leurs fonctions au sein des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté ont été fixées, dans le cadre du décret du 30 juillet 2008 ci-dessus visé, par des circulaires du ministre de l'éducation nationale des 30 juillet 2008 et 18 août 2014 publiées au bulletin officiel de l'éducation nationale. Ces circulaires ne contiennent aucune disposition spécifique relative au remboursement des frais de déplacements des enseignants affectés à ces services. La circulaire du 18 août 2014 prévoit toutefois que " les modalités de fonctionnement du Rased sont arrêtées par l'inspecteur de l'éducation nationale en concertation avec les personnels spécialisés et le ou les conseils des maîtres des écoles concernées ". Si le recteur de l'académie de Besançon soutient que l'inspecteur départemental de l'éducation nationale du Doubs aurait ainsi arrêté une règlementation relative aux modalités de remboursement des frais de déplacements au terme de laquelle une enveloppe forfaitaire annuelle de frais kilométriques de déplacements serait attribuée à chaque circonscription du département, tenant compte de leurs caractéristiques respectives, imposant à chaque enseignant d'effectuer ses déplacements dans cette limite, il ne la produit pas en dépit de la mesure d'instruction ordonnée par la cour et ne précise pas à quelle date cette règlementation aurait été adoptée et selon quelles modalités elle aurait été publiée. S'il soutient que les enseignants ont été avisés de respecter leur enveloppe annuelle kilométrique de déplacements, il n'en justifie pas dès lors que les décisions d'attribution de ses kilomètres à Mme B... n'en font pas mention. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir que ses demandes de remboursement de frais de mission étaient régies par les seules dispositions du décret du 3 juillet 2006 et que c'est illégalement que l'administration lui a opposé l'existence d'une attribution forfaitaire de kilomètres afin de lui refuser le remboursement de ses frais de déplacements professionnels sur la base des kilomètres réellement effectués au cours des années scolaires litigieuses.

4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions attaquées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. L'annulation ci-dessus prononcée n'implique pas nécessairement que l'administration accorde à Mme B... les sommes que cette dernière demande au titre des frais de déplacements réellement effectués au cours des années scolaires litigieuses dès lors que les pièces produites par la requérante ne permettent pas à la cour d'en vérifier le bien-fondé au regard des prescriptions du décret du 3 juillet 2006. Par suite, il y lieu, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au recteur de l'académie de Besançon d'examiner à nouveau les demandes de remboursement de frais formulées par Mme B..., sur le seul fondement du décret du 3 juillet 2006 et sans qu'il puisse lui opposer l'existence d'une dotation kilométrique forfaitaire annuelle de déplacements.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1802217 du tribunal administratif de Besançon du 20 février 2020 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par Mme B... ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : Les décisions du 3 mai 2019 par lesquelles le recteur de l'académie de Besançon a rejeté les demandes complémentaires de remboursement de frais de missions au titre du 1er septembre 2017 au 31 décembre 2018 et du 1er janvier au 31 juillet 2019 sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Besançon de se prononcer à nouveau sur les demandes de remboursement de frais de mission de Mme B... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Copie du présent arrêt sera transmise au recteur de l'académie de Besançon.

N° 20NC00958 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00958
Date de la décision : 31/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Comités médicaux. - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SCP GRILLON - BROCARD - GIRE - TRONCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-31;20nc00958 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award