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31/12/2021 | FRANCE | N°19NC02602

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 31 décembre 2021, 19NC02602


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, par deux requêtes distinctes, d'une part, d'annuler la décision du 5 décembre 2016 par laquelle la directrice de l'établissement public d'insertion de la défense (EPIDE) a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 15 février 2017 et d'autre part, d'annuler la décision du 10 février 2017 par laquelle la directrice de l'EPIDE a rapporté la précédente décision et a prononcé à nouveau son licenciement pour in

suffisance professionnelle.

Par une ordonnance du 26 mars 2019, le président d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, par deux requêtes distinctes, d'une part, d'annuler la décision du 5 décembre 2016 par laquelle la directrice de l'établissement public d'insertion de la défense (EPIDE) a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 15 février 2017 et d'autre part, d'annuler la décision du 10 février 2017 par laquelle la directrice de l'EPIDE a rapporté la précédente décision et a prononcé à nouveau son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Par une ordonnance du 26 mars 2019, le président de la section du contentieux du conseil d'Etat a transmis ces deux requêtes au tribunal administratif de Nancy.

Par un jugement n°1720505 et 1721715 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Nancy a, d'une part, constaté un non-lieu à statuer sur la demande tendant à l'annulation de la décision de licenciement du 5 décembre 2016 et, d'autre part, rejeté la demande tendant à l'annulation de la décision de licenciement du 10 février 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 août 2019, M. B... A..., représenté par Me Friederich, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juin 2019 ;

2°) d'annuler les décisions des 5 décembre 2016 et 10 février 2017 par lesquelles la directrice de l'EPIDE a prononcé son licenciement ;

3°) d'enjoindre à l'EPIDE de le réintégrer dans ses fonctions antérieures de directeur du centre EPIDE de Strasbourg dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'EPIDE la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du Code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué ne respecte pas les exigences posées à l'article R. 741-7 du code de justice administrative dès lors que d'une part, il ne comporte pas la signature du président de la formation de jugement ni celle du rapporteur et que d'autre part, il n'est pas établi que le greffier qui a signé le jugement est le greffier d'audience puisque la signature portée sur l'exemplaire qu'il a reçu n'est pas assortie de ses nom et prénom mais uniquement de ses initiales ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, sa réintégration dans les fonctions de directeur du centre EPIDE de Strasbourg, enjointe par la cour administrative d'appel de Nancy dans l'arrêt du 10 mai 2016, n'a jamais été exécutée par la direction générale de l'EPIDE ;

- la procédure de licenciement est illégale dès lors qu'elle a été engagée alors qu'il n'avait pas encore fait l'objet d'une réintégration dans les effectifs de l'EPIDE et n'avait donc pas la qualité d'agent contractuel de droit public ; la décision de réintégration du 11 janvier 2017, qui fixe une date d'effet rétroactive au 5 septembre 2014, ne saurait régulariser cette procédure de licenciement ;

- la décision du 5 décembre 2016 était illégale dès lors qu'elle a été prise avant l'entretien préalable prévu par l'article 47 du décret du 17 janvier 1986 fixé le 7 décembre 2016 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il avait demandé l'annulation partielle de la décision du 10 février 2017 uniquement en tant qu'elle avait prononcé, en son article 2, son licenciement pour insuffisance professionnelle alors qu'il ressort de ses écritures de première instance qu'il avait demandé l'annulation intégrale de cette décision ; c'est donc à tort que le tribunal administratif a considéré que la décision de rapporter la décision du 5 décembre 2016 était devenue définitive à la date du jugement, faute d'avoir été contestée dans le délai de recours contentieux et qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 5 décembre 2016 présentées dans le recours n°1720505 ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit au regard de l'article 70 de la loi du 11 janvier 1984 et de l'article 47 du décret du 17 janvier 1986 dès lors qu'ils n'ont pas pris en compte la circonstance que la décision du 11 janvier 2017 prononçant sa réintégration était postérieure à la procédure de licenciement ;

- l'EPIDE, en ne produisant pas de défense, a acquiescé aux faits exposés par M. A... dans sa requête en appel du 22 mai 2015 présentée devant la cour administrative d'appel dans le cadre de l'instance n°15NC01035 ;

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en se référant au rapport de synthèse de l'enquête administrative diligentée par l'EPIDE le 10 avril 2014, lequel n'est pas fiable et a procédé à une manipulation des propos inscrits dans les comptes rendus d'entretiens individuels des agents du centre EPIDE de Strasbourg.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2020, l'établissement public d'insertion de la défense (EPIDE), représenté par Me Bertrand, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'établissement soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

-la loi 84-16 du Il janvier 1984 ;

-le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stenger,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

- les observations de M. A...,

- et les observations de Me Bertrand, représentant l'EPIDE.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... a été recruté par l'établissement public d'insertion de la défense (EPIDE) en qualité de directeur du centre " défense 2ème chance " de Strasbourg par un contrat à durée déterminée du 1er décembre 2006 au 30 novembre 2009, renouvelé du 1er décembre 2009 au 31 août 2011 puis du 1er septembre 2011 au 30 novembre 2012. Il a ensuite bénéficié d'un contrat à durée indéterminée à compter du 13 mars 2012. Le 12 mai 2014, M. A... a fait l'objet d'une décision portant suspension de fonctions qui a été annulée par un jugement du 2 avril 2015 du tribunal administratif de Strasbourg. Le 5 septembre 2014, M. A... a été licencié pour insuffisance professionnelle. Cette décision, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Strasbourg, a été annulée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 10 mai 2016, au motif tiré d'un vice de procédure, la cour ayant en outre enjoint à l'EPIDE de procéder à la réintégration juridique de M. A... pour tirer les conséquences de cette annulation. Toutefois, par une première décision du 5 décembre 2016, la directrice de l'EPIDE a de nouveau prononcé le licenciement de M. A... pour insuffisance professionnelle à compter du 15 février 2017. Par une décision du 11 janvier 2017, la directrice de l'EPIDE a procédé à la réintégration juridique de M. A... sur ses fonctions antérieures de directeur du centre EPIDE de Strasbourg avant de prendre une nouvelle décision le 10 février 2017 par laquelle, elle a, d'une part, procédé au retrait de la décision du 5 décembre 2016 et, d'autre part, a de nouveau prononcé le licenciement de M. A... pour insuffisance professionnelle à compter du 15 avril 2017. M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2019 en tant que le tribunal administratif de Nancy a, d'une part, conclu au non-lieu à statuer sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de licenciement du 5 décembre 2016 et, d'autre part, rejeté l'ensemble de ses conclusions dirigées contre la décision de licenciement du 10 février 2017.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il résulte de l'instruction que la minute du jugement a été signée par la rapporteure, par le président de l formation de jugement et par le greffier, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée aux parties ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 10 février 2017 :

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 11 janvier 2017, la directrice générale de l'EPIDE a procédé à la réintégration juridique de M. A... sur les fonctions qu'il occupait antérieurement de directeur du centre EPIDE de Strasbourg, avec un effet rétroactif au 5 septembre 2014. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que sa réintégration dans les fonctions de directeur du centre EPIDE de Strasbourg, enjointe par la cour administrative d'appel de Nancy dans l'arrêt susvisé du 10 mai 2016, n'a jamais été exécutée par la direction générale de l'EPIDE.

4. En deuxième lieu, en vertu de l'effet rétroactif qui s'attache à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 avril 2015 et de la décision du 1er septembre 2014 licenciant M. A..., prononcée par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 10 mai 2016, le contrat liant le requérant au centre EPIDE de Strasbourg est réputé n'avoir jamais été rompu. Par suite, à la date de la décision contestée, le requérant était toujours agent contractuel de droit public, nonobstant la circonstance que la procédure de licenciement ait été engagée alors qu'il n'avait pas encore été juridiquement réintégré par la décision du 11 janvier 2017.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 70 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire. ". Aux termes de 1'article 47 du décret du 17 janvier 1986 : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l''issue d'un entretien préalable. La convocation à l'entretien préalable est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. L'agent peut se faire accompagner par la ou les personnes de son choix. Au cours de l'entretien préalable, l'administration indique à l'agent les motifs du licenciement et le cas échéant le délai pendant lequel l'agent doit présenter sa demande écrite de reclassement ainsi que les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont présentées ".

6. Il ressort des pièces des dossiers que M. A... a été convoqué par un courrier du 18 octobre 2016 à la réunion de la commission consultative paritaire du 8 novembre 2016, saisie aux fins de formuler un avis sur la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle le concernant en application des dispositions précitées de l'article 70 de la loi du 11 janvier 1984. Par ailleurs, M. A... a été convoqué à un entretien qui a eu lieu le 7 décembre 2016 par un courrier du 23 novembre 2016 aux termes duquel " suite à la réunion du 8 novembre dernier de la commission consultative paritaire compétente qui a donné un avis favorable à la procédure de fin de contrat engagée à votre encontre par l'administration en raison d'un constat d'insuffisance professionnelle, je vous informe que j'envisage de procéder à votre licenciement pour ce motif ". Enfin, et comme il a été dit au point 3 du présent arrêt, par une décision du 11 janvier 2017, la directrice générale de l'EPIDE a procédé à la réintégration juridique de M. A... dans les fonctions de directeur du centre de Strasbourg rétroactivement au 5 septembre 2014. La décision de licenciement du 5 décembre 2016 ayant été rapportée par la décision du 10 février 2017, il ressort des termes mêmes de ces deux courriers que contrairement à ce que soutient M. A..., la directrice de l'EPIDE n'avait pas pris la décision de licenciement contestée du 10 février 2017 préalablement à la réunion de la commission consultative paritaire compétente le 8 novembre 2017, ni même avant l'entretien du 7 décembre 2016. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles 70 de la loi du 11 janvier 1984 et 47 du décret du 17 janvier 1986 doit être écarté, alors même que la réintégration de l'intéressé est intervenue postérieurement au lancement de la procédure de licenciement.

7. En quatrième lieu, et contrairement à ce que soutient le requérant dans ses écritures, il ne ressort pas des pièces du dossier, particulièrement des comptes rendus des entretiens individuels menés avec vingt-sept agents du centre EPIDE de Strasbourg, lors de l'enquête administrative diligentée sur place le 10 avril 2014, que le rapport de synthèse de cette enquête, rédigé le 30 avril 2014, ait détourné ou manipulé les propos recueillis lors de ces entretiens. La circonstance que certains mots aient été supprimés ou ajoutés dans le rapport de synthèse et que le rédacteur de ce rapport a, de manière erronée, attribué au requérant un constat qui concernait en réalité les volontaires à l'insertion et évoqué un management " lâche " sans préciser le contexte de ce terme, n'est pas de nature à remettre en cause la fiabilité de ce document qui retranscrit de manière synthétique et sans les dénaturer les propos tenus par les agents interrogés. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en se référant au rapport de synthèse de l'enquête administrative diligentée par l'EPIDE le 10 avril 2014, la décision du 10 février 2017 et le jugement attaqué sont entachés d'une erreur d'appréciation.

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 5 décembre 2016 :

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que la mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle, prononcée à l'article 2 de la décision du 10 février 2017, est légale. Il est constant que cette décision a été prise postérieurement à l'introduction de la demande de première instance dirigée contre la décision de licenciement en date du 5 décembre 2016. Contrairement à ce que soutient le requérant, l'autorité administrative a pu légalement, dans cette décision du 10 février 2017, à la fois rapporter expressément la précédente mesure de licenciement et prendre à son encontre une nouvelle mesure de licenciement. Dans ces conditions, les conclusions du requérant dirigées contre la décision de licenciement du 5 décembre 2016, qui a donc fait l'objet d'une mesure de retrait régulièrement prononcée à l'article 1er de la décision du 10 février 2017, sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a prononcé un non-lieu à statuer concernant ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de licenciement du 5 décembre 2016 et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé présentées aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EPIDE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. A..., une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E:

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation de la décision de la directrice générale de l'EPIDE du 5 décembre 2016.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de l'EPIDE, formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'établissement public d'insertion de la défense.

2

N° 19NC02602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02602
Date de la décision : 31/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06-03 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Licenciement. - Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SCP ALEXANDRE LEVY KAHN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-31;19nc02602 ?
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