Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 14 mars 2017 par laquelle le président de l'université de Lorraine a limité le montant de son indemnité de fonction, de sujétion et d'expertise (IFSE) à la somme de 638 euros mensuels à compter du 1er janvier 2017.
Par un jugement n° 1701413 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 août 2019 et 11 octobre 2021, M. B... A..., représenté par Me Guidon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 juin 2019 ;
2°) d'annuler cette décision du 14 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au président de l'université de Lorraine de rétablir son indemnité de fonction de sujétion et d'expertise à 872 euros mensuels à compter du 1er janvier 2017 ;
4°) de mettre à la charge de l'université de Lorraine une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration ne pouvait pas retirer la décision du 4 janvier 2016 portant revalorisation de son indemnité de fonction de sujétion et d'expertise (IFSE), qui était créatrice de droits et était devenue définitive ;
- l'administration a méconnu le décret du 20 mai 2014 et la note ministérielle du 5 novembre 2015 dès lors qu'il a bénéficié d'un changement de fonction vers un groupe supérieur devant entraîner une augmentation de son IFSE.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2020, le président de l'université de Lorraine, représenté par Me Gartner, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., attaché principal de l'administration de l'Etat au sein de l'université de Lorraine exerçait les fonctions de responsable administratif du collégium de Lorraine INP, issu de la fusion des quatre universités de Lorraine. Au titre de ces responsabilités, il percevait, une indemnité de fonction, de sujétion et d'expertise (IFSE) d'un montant de 872 euros, comprenant la prime cible statutaire à laquelle était ajoutée une revalorisation de 204 euros. Depuis le 1er janvier 2017, il occupe le poste de secrétaire général de l'école des Mines. Par une décision du 14 mars 2017, le président de l'université de Lorraine a fixé le nouveau régime indemnitaire de M. A..., comprenant notamment l'IFSE limitée à la prime cible statutaire pour un montant de 638 euros. M. A... relève appel du jugement du 11 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 14 mars 2017.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :
2. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat : " Les fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée peuvent bénéficier, d'une part, d'une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et, d'autre part, d'un complément indemnitaire annuel lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir, dans les conditions fixées par le présent décret. Des arrêtés du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé fixent, après avis du comité technique compétent ou du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, la liste des corps et emplois bénéficiant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et, le cas échéant, du complément indemnitaire annuel mentionné à l'alinéa précédent. ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions. Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps ou statut d'emploi sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants : 1° Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception ; 2° Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions ; 3° Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel. Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d'emploi par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé. Ce même arrêté fixe les montants minimaux par grade et statut d'emplois, les montants maximaux afférents à chaque groupe de fonctions et les montants maximaux applicables aux agents logés par nécessité de service. Le versement de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est mensuel ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise fait l'objet d'un réexamen : 1° En cas de changement de fonctions ". Enfin, aux termes de l'article 6 de ce décret : " Lors de la première application des dispositions du présent décret, le montant indemnitaire mensuel perçu par l'agent au titre du ou des régimes indemnitaires liés aux fonctions exercées ou au grade détenu et, le cas échéant, aux résultats, à l'exception de tout versement à caractère exceptionnel, est conservé au titre de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise jusqu'à la date du prochain changement de fonctions de l'agent, sans préjudice du réexamen au vu de l'expérience acquise prévu au 2° de l'article 3. "
3. Il résulte de ces dispositions que l'IFSE fait l'objet d'un réexamen en cas de changement de fonctions, y compris au sein d'un même groupe de fonctions, sans toutefois que ce réexamen ne se traduise nécessairement par une modification de son montant.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 240-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Au sens du présent titre, on entend par :1° Abrogation d'un acte : sa disparition juridique pour l'avenir ;/2° Retrait d'un acte : sa disparition juridique pour l'avenir comme pour le passé. ". L'article L. 242-1 de ce code prévoit que : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ".
5. Une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration était tenue de refuser cet avantage. Sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, celle-ci ne peut dès lors retirer sa décision explicite, hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, que dans le délai de quatre mois suivant son édiction. Ces règles ne font obstacle ni à la possibilité, pour l'administration, de demander à tout moment, sous réserve des prescriptions éventuelles, le reversement des sommes attribuées par suite d'une erreur dans la procédure de liquidation ou de paiement ou d'un retard dans l'exécution d'une décision de l'ordonnateur, ni à celle de supprimer pour l'avenir un avantage dont le maintien est subordonné à une condition dès lors que celle-ci n'est plus remplie. Il appartient dès lors à l'autorité compétente de cesser d'attribuer un avantage financier donnant lieu à des versements réguliers lorsque son maintien est subordonné à des conditions qui doivent être régulièrement vérifiées et qu'elle constate que celles-ci ne sont plus remplies.
6. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 4 janvier 2016, l'université de Lorraine a revalorisé le montant de l'IFSE perçue par M. A..., qui occupait alors les fonctions de responsable administratif du collégium de Lorraine INP, à hauteur de la somme de 234 euros bruts mensuels, portant ainsi le montant de son indemnité à 872 euros. A la suite de l'acceptation de sa candidature au poste de secrétaire général de l'école des Mines, M. A... a été affecté à ces nouvelles fonctions au 1er janvier 2017. Par décision du 14 mars 2017, l'intéressé a été informé que ce nouveau poste lui ouvrait droit au bénéfice de l'indemnité provisoire d'administration et de gestion de l'établissement (IPAGE) d'un montant de 400 euros, que le montant de son IFSE était ramené à 638 euros, et qu'il bénéficiait de 25 points de nouvelle bonification indiciaire. Par suite, M. A... a changé de fonction au 1er janvier 2017. Par application de l'article 3 du décret du 20 mai 2014, l'université de Lorraine pouvait légalement réexaminer le montant de son IFSE au regard des spécificités de son nouveau poste, et ce quand bien même l'intéressé aurait changé de groupe de fonctions. Par ailleurs, l'intéressé ne pouvait pas bénéficier de la garantie indemnitaire prévue par l'article 6 du décret du 20 mai 2014 dès lors que la première application des dispositions de ce décret à la situation de M. A... est intervenue au titre de l'année 2016 comme cela ressort de la délibération du conseil d'administration de l'université du 15 décembre 2015. Il s'ensuit que M. A... n'est donc pas fondé à demander le bénéfice du régime indemnitaire antérieur à son changement de fonction au 1er janvier 2017 et ne peut ainsi se prévaloir d'aucun droit acquis au maintien de la rémunération définie par la décision du 4 janvier 2016. Par conséquent, la décision attaquée ne peut être regardée comme une décision prononçant illégalement le retrait ou l'abrogation d'une décision créatrice de droits.
7. M. A... se prévaut en outre de la note ministérielle du 5 novembre 2015 portant mise en œuvre du régime indemnitaire des fonctionnaires de l'Etat dit RIFSEEP au bénéfice des corps de la filière administrative et soutient que lors d'un changement de fonction vers un groupe de fonction supérieur, le réexamen de l'IFSE ne peut se traduire que par une augmentation du montant de la prime.
8. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 18 janvier 2016, la direction des ressources humaines de l'université de Lorraine a indiqué à M. A... que son poste de responsable administratif du collégium de Lorraine INP était classé à titre provisoire dans le groupe 4 des attachés d'administration de l'Etat dans l'attente de la généralisation du dispositif RIFSEEP. Par courrier du 9 décembre 2019, le directeur général des services de l'université de Lorraine a informé M. A... C... la mise en place, à compter du 1er janvier 2020, du RIFSEEP et de ce que sa fonction a été positionnée dans le groupe 2 après le conseil d'administration du 5 novembre 2019. L'université justifie ainsi de l'absence de détermination du groupe dont relève le poste de secrétaire général de l'école des Mines occupé par M. A... au 1er janvier 2017. Si le requérant a produit en première instance un tableau détaillant les groupes de fonction, ce document, non daté et à caractère général, ne permet pas d'établir à quel groupe le poste occupé par M. A... au 1er janvier 2017 relevait. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le changement de fonction du requérant au 1er janvier 2017 aurait évolué vers un groupe de fonction supérieur à celui dont relevait son précédent poste. Par suite, et en tout état de cause, le requérant ne justifie pas qu'il entrerait dans les prévisions de cette note du 5 novembre 2015.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction.
Sur les frais de justice liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université de Lorraine, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. A... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... la somme demandée par l'université de Lorraine en application de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'université de Lorraine sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au président de l'université de Lorraine.
Une copie du présent arrêt sera adressée au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
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N° 19NC02526