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29/12/2021 | FRANCE | N°21NC00848

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 29 décembre 2021, 21NC00848


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la lecture de la décision de la Cour

nationale du droit d'asile.

Par un jugement n° 2006256 du 27 novembre 2020, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile.

Par un jugement n° 2006256 du 27 novembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande tendant à ce que Mme B... soit admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 mars 2021, Mme D... C... épouse B..., représentée par Me Pialat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 novembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 16 septembre 2020 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, désignation du pays de renvoi, interdiction de retour et signalement aux fins de non-admission dans le système d'information de Schengen ;

3°) subsidiairement, de suspendre l'exécution des décisions attaquées jusqu'à la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

4°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à son propre bénéfice dans l'hypothèse où elle ne serait pas admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle avant d'édicter cette mesure d'éloignement ;

- le préfet s'est cru en situation de compétence liée pour décider de son éloignement ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- subsidiairement, elle sollicite la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement, en se prévalant des moyens invoqués à l'encontre de cette décision, mais aussi parce qu'elle justifie d'éléments sérieux de nature à justifier son maintien en France durant l'examen de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée ou suspendue par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision désignant le pays de renvoi méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- cette interdiction est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le signalement aux fins d'admission dans le système d'information Schengen doit être annulé ou suspendu par voie de conséquence de l'illégalité de l'interdiction de retour.

Par un mémoire enregistré le 2 décembre 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Mme C... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 18 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... C... épouse B..., ressortissante albanaise née le 12 juin 1975, doit être regardée comme relevant appel du jugement du 27 novembre 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du préfet du Haut-Rhin du 16 septembre 2020 portant obligation de quitter le territoire français, désignation du pays de renvoi, interdiction de retour et signalement aux fins de non-admission dans le système d'information de Schengen, ainsi que ses conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

2. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne désigne pas, par elle-même, le pays à destination duquel l'étranger est susceptible d'être éloigné. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales faisant état de risques encourus en cas de retour dans le pays d'origine est inopérant à l'encontre de la mesure d'éloignement elle-même, ainsi que l'a retenu à juste titre le premier juge, l'arrêté litigieux ne s'étant référé à ces stipulations que pour motiver la désignation du pays de renvoi.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'il y a lieu d'adopter les motifs retenus à bon droit par le tribunal pour écarter les moyens tirés du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire français et de l'interdiction de retour, ainsi que les moyens invoqués à l'encontre de la mesure d'éloignement et tirés du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressée, de l'erreur de droit du préfet à s'être cru en situation de compétence liée, de l'atteinte portée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation.

4. En troisième lieu, aucun des moyens invoqués contre l'obligation de quitter le territoire n'étant fondé, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'annulation de cette mesure implique, par voie de conséquence, d'annuler la décision fixant le pays de renvoi.

5. En quatrième lieu, la seule circonstance que la Cour nationale du droit d'asile a accordé, par une décision du 3 juillet 2018, le bénéfice de la protection subsidiaire à l'une des filles A... la requérante, au motif que son père voulait lui imposer de se marier, ne suffit pas à établir que Mme B... serait effectivement et personnellement exposée à un risque de violence de la part de ce dernier ou de sa belle-famille, ainsi qu'elle le prétend. Dans ces conditions et en l'absence d'éléments de nature à établir un risque de traitement inhumain ou dégradant en cas de retour en Albanie, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de retour méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. En cinquième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que la requérante ne vivait en France que depuis moins d'un an à la date de l'arrêté litigieux et qu'elle a vécu plusieurs années séparée de sa fille E..., bénéficiaire de la protection subsidiaire. Elle ne se prévaut, dans ses écritures, que de la présence en France de cette dernière, ainsi que de celle de son autre fille, née en 2005, sans invoquer d'autres attaches sur le territoire français. Dans ces conditions et alors même que l'intéressée n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne représente pas une menace pour l'ordre public, le préfet du Haut-Rhin n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions citées au point précédent en édictant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français et en fixant la durée de cette mesure à un an.

8. Aucun des moyens invoqués à l'encontre de l'interdiction de retour n'étant fondé, la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision portant signalement aux fins de non-admission dans le système d'information de Schengen, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation dirigées contre un tel acte.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation.

Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement :

10. Aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour. ".

11. La circonstance que la fille aînée de la requérante bénéficie de la protection subsidiaire, en raison de menaces de mariage forcé, ne suffit pas, compte tenu de ce qui a été précisé au point 5, à faire naître un doute sérieux sur le bien-fondé de la décision de rejet opposée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à la demande de protection. Dans ces conditions et eu égard à l'ensemble des pièces du dossier, la requérante ne présente pas des éléments sérieux, au sens des dispositions précitées de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de nature à justifier son maintien sur le territoire jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile statue sur sa demande. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté ses conclusions tendant à la suspension de la mesure d'éloignement.

Sur les conclusions accessoires :

12. En premier lieu, le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation et de suspension, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme B... doivent être rejetées.

13. En second lieu, l'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées par la requérante ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

4

N° 21NC00848


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00848
Date de la décision : 29/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme la Pdte. Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : PIALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-29;21nc00848 ?
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