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29/12/2021 | FRANCE | N°20NC03127

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 29 décembre 2021, 20NC03127


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Voies navigables de France a déféré au tribunal administratif de Nancy M. A... B... comme prévenu d'une contravention de grande voirie, lui a demandé de le condamner au paiement d'une amende 300 euros et de lui enjoindre, au titre de l'action domaniale, d'évacuer le bateau Solvay 79 du domaine public fluvial dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1802380 du 30 décembre 2019, le magistrat désigné par l

e président du tribunal administratif de Nancy a condamné M. B... au paiement d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Voies navigables de France a déféré au tribunal administratif de Nancy M. A... B... comme prévenu d'une contravention de grande voirie, lui a demandé de le condamner au paiement d'une amende 300 euros et de lui enjoindre, au titre de l'action domaniale, d'évacuer le bateau Solvay 79 du domaine public fluvial dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1802380 du 30 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a condamné M. B... au paiement d'une amende de 300 euros et lui a enjoint d'évacuer son bateau dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés le 26 octobre 2020 et le 19 novembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Labrusse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 décembre 2019 ;

2°) de mettre à la charge de Voies navigables de France la somme de 2 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'amende méconnaît le principe de non bis idem en ce qu'il a été sanctionné trois fois pour les mêmes faits ;

- le prononcé de l'amende par le tribunal administratif aurait dû être précédé de la procédure contradictoire prévue aux articles L. 121-1, L. 211-2 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le procès-verbal de contravention de grande voirie étant postérieur à la date de la vente de son bateau le 1er mai 2019, il ne peut être considéré comme la personne pour le compte de laquelle l'infraction a été commise, ni comme celle ayant la garde du bateau, alors même que les formalités prescrites par l'article L. 4121-2 du code des transports n'ont pas été accomplies, ce qui fait obstacle tant à l'amende, qu'à l'injonction prononcées à son encontre.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er juillet 2021, Voies navigables de France, représenté par Me Vray, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros à lui verser soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'instruction a été close le 22 novembre 2021.

Le 7 décembre 2021, en réponse à la demande qui lui en a été faite par la cour le 2 décembre 2021 en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, M. B... a déposé des pièces complémentaires, qui ont été communiquées à Voies navigables de France.

Le 15 décembre 2021, en réponse à la même demande, Voies navigables de France a déposé des pièces complémentaires, et présenté de nouvelles observations, qui n'ont pas été communiquées à M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 15 novembre 2017 ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, président,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteur publique,

- et les observations de Me Vray, pour Voies Navigables de France.

Considérant ce qui suit :

1. Le 15 novembre 2017 a été dressé un procès-verbal de contravention de grande voirie constatant l'occupation du domaine public fluvial, sans droit ni titre, par le bateau " Solvay 79 " immatriculé NY 3133 F, aux environs du PK 177,825 rue Gabriel Peri sur le territoire de la commune de Varangéville. Par un jugement du 30 décembre 2019, le tribunal administratif de Nancy a condamné M. B... au paiement d'une amende de 300 euros et lui a enjoint d'évacuer ce bateau dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par la présente requête, M. B... demande l'annulation de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'action publique :

2. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". Aux termes de l'article L. 2132-9 de ce code : " Les riverains, les mariniers et autres personnes sont tenus de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements qui, de leur fait ou du fait de personnes ou de choses à leur charge, se trouveraient sur le domaine public fluvial. Le contrevenant est passible d'une amende de 150 à 12 000 euros, de la confiscation de l'objet constituant l'obstacle et du remboursement des frais d'enlèvement d'office par l'autorité administrative compétente ". Enfin, aux termes de l'article L. 2132-27 du même code : " Les contraventions définies par les textes mentionnés à l'article L. 2132-2, qui sanctionnent les occupants sans titre d'une dépendance du domaine public, se commettent chaque journée et peuvent donner lieu au prononcé d'une amende pour chaque jour où l'occupation est constatée, lorsque cette occupation sans titre compromet l'accès à cette dépendance, son exploitation ou sa sécurité ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'occupation sans titre du domaine public fluvial constitue une contravention de grande voirie qui peut faire quotidiennement l'objet d'une sanction aussi longtemps qu'elle se poursuit. Le procès-verbal de contravention de grande voirie dont procède l'amende en litige ayant été établi le 15 novembre 2017, il s'ensuit que M. B... ne peut pas utilement se prévaloir des procès-verbaux de constatation d'une occupation sans titre du domaine fluvial dressés les 2 juillet et 8 octobre 2019 pour soutenir que la règle non bis in idem ferait obstacle à sa condamnation. Au surplus, ces procès-verbaux n'ont pas donné lieu à une amende, mais seulement à la mise à sa charge d'une indemnité d'occupation correspondant à la redevance d'occupation du domaine public, sans la majoration prévue par l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques.

4. En deuxième lieu, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui soumettent certaines décisions administratives individuelles au respect d'une procédure contradictoire préalable, ne sont applicables ni à la saisine du juge administratif, ni aux décisions qu'il rend. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté comme inopérant.

5. En troisième lieu, au sens des dispositions citées au point 2, le contrevenant est la personne qui, à la date du procès-verbal de contravention de grande voirie, peut être regardée comme celle qui a commis l'infraction de stationnement sans autorisation, celle pour le compte de laquelle cette infraction a été commise, ou celle ayant la garde du bateau, cause de la contravention. Si M. B... fait valoir qu'il a cédé le bateau Solvay 79 le 1er mai 2019, le procès-verbal de contravention de grande voirie ayant donné lieu à l'amende en litige a été dressé le 15 novembre 2017. A cette date, il était encore propriétaire du bateau et ne démontre ni même n'allègue qu'il n'en avait pas la garde. Par conséquent, M. B... doit être regardé comme la personne ayant commis l'infraction de stationnement sans autorisation.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy l'a condamné à une amende de 300 euros pour contravention de grande voirie.

En ce qui concerne l'action domaniale :

7. D'une part, lorsqu'il qualifie de contravention de grande voirie des faits d'occupation irrégulière d'une dépendance du domaine public, il appartient au juge administratif, saisi d'un procès-verbal accompagné ou non de conclusions de l'administration tendant à l'évacuation de cette dépendance, d'enjoindre au contrevenant de libérer sans délai le domaine public et, s'il l'estime nécessaire et au besoin d'office, de prononcer une astreinte, afin d'assurer la remise en état du domaine public. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M. B... est, en l'espèce, indépendamment de la vente de son bateau postérieurement au procès-verbal de contravention de grande voirie, le contrevenant.

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 4121-2 du code des transports : " Tout acte ou jugement translatif, constitutif ou déclaratif de propriété ou de droits réels sur un bateau mentionné à l'article L. 4111-1 est rendu public par une inscription faite à la requête de l'acquéreur ou du créancier, sur un registre tenu au greffe du tribunal de commerce du lieu de l'immatriculation. Il n'a d'effet à l'égard des tiers qu'à compter de cette inscription ".

9. Si M. B... soutient avoir, par un acte de vente du 1er mai 2019, cédé le bateau Solvay 79 à la société ML Etudes et Réalisations, il est constant que cette dernière n'a pas accompli les formalités de publicité prescrites par l'article L. 4121-2 du code des transports. Cette vente n'est ainsi pas opposable aux tiers. Du reste, s'il n'incombait pas à M. B... d'accomplir les formalités de publicité prescrites par l'article L. 4121-2 du code des transports, il lui était loisible de porter cette vente à la connaissance de Voies navigables de France ou du tribunal avant qu'il ne prenne le jugement attaqué, ce qu'il s'est abstenu de faire. En outre, il résulte de l'instruction que le dirigeant de la société ML Etudes et Réalisations est le père de M. B..., chez qui ce dernier, tout comme d'ailleurs la société, sont domiciliés. Compte tenu de ces circonstances particulières, il ne résulte pas de l'instruction que M. B... serait, aujourd'hui, du fait de la vente de son bateau, dans l'impossibilité d'exécuter ou de faire exécuter une injonction d'évacuer ce dernier du domaine public fluvial. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la vente de son bateau constitue une circonstance de nature à faire obstacle à une telle injonction.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation et de relaxe de M. B... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Voies navigables de France, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros à verser à Voies navigables de France sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à Voies navigables de France la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à Voies navigables de France.

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N° 20NC03127


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03127
Date de la décision : 29/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine public - Protection du domaine - Contraventions de grande voirie - Personne responsable.

Domaine - Domaine public - Protection du domaine - Contraventions de grande voirie - Poursuites - Condamnations - Remise en état du domaine.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : LABRUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-29;20nc03127 ?
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