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21/12/2021 | FRANCE | N°21NC00042

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 21 décembre 2021, 21NC00042


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 12 août 2020 par lequel le préfet de la Marne a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 200 euros par jour à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son c

onseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de jus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 12 août 2020 par lequel le préfet de la Marne a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 200 euros par jour à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2001863 du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 21NC00042 le 7 janvier 2021, M. A..., représenté par Me Sellamna, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 4 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2020 par lequel le préfet de la Marne a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 200 euros par jour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique

Il soutient que :

- l'obligation de déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990, n'avait pas été portée à sa connaissance par les autorités consulaires françaises ;

- c'est à tort que le préfet lui a opposé la condition d'entrée régulière en France, qui n'est ni intangible, ni exigée par la Cour de justice de l'Union européenne ;

- en estimant qu'il ne justifiait pas d'une entrée régulière durant la période de validité de son visa à défaut de déclaration aux frontières ou sur le sol français dans le délai de 3 jours, le préfet de la Marne a commis une erreur de droit ;

- le paiement du droit prévu par l'article L. 311-13-D du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est une alternative à un retour dans le pays d'origine ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les 2) et 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- lui, ses frères et leur mère ont fui un père violent.

La requête a été communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien, est entré en France, selon ses déclarations, au cours de l'année 2018 et a sollicité son admission au séjour en France au titre de l'asile. Le 21 février 2020, il a sollicité du préfet de la Marne la délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité de conjoint de français, après quoi il s'est désisté de sa demande d'asile. Par un arrêté du 12 août 2020, le préfet de la Marne a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé son pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 4 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 12 août 2020 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Il résulte de ces stipulations que la délivrance du certificat de résidence est subordonnée à la régularité de la dernière entrée du ressortissant algérien sur le territoire français. Aux termes de l'article R. 211-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La déclaration obligatoire mentionnée à l'article L. 531-2 est, sous réserve des dispositions de l'article R. 212-6, souscrite à l'entrée sur le territoire métropolitain par l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne et qui est en provenance directe d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a épousé une ressortissante française le 31 janvier 2020. Pour lui refuser la délivrance du certificat de résidence en qualité de conjoint de français qu'il avait sollicité le 21 février 2020, le préfet s'est fondé sur le défaut de justification de son entrée régulière en France, en soulignant que l'intéressé n'avait pas souscrit la déclaration mentionnée à l'article R. 211-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cité ci-dessus. M. A..., qui ne conteste s'être abstenu de souscrire à cette déclaration lors de son entrée sur le territoire français, a produit la copie de son passeport, revêtu d'un visa, valable du 29 août au 24 février 2018, l'autorisant à entrer sur le territoire des Etats membres de l'espace Schengen, ainsi que d'un cachet attestant de son entrée sur le territoire Schengen, par l'Espagne, le 17 septembre 2018. En appel, il a également produit un billet de transport de la compagnie Eurolines réservé à son nom pour un trajet en autocar vers Paris au départ de Valence en Espagne, indiquant une arrivée à Paris le mardi 18 septembre 2018. Toutefois, cette pièce ne permet pas, à elle seule, de justifier de son entrée effective à cette date sur le territoire français. Il ne produit aucune autre pièce de nature à confirmer son entrée en France à cette date ou à toute autre date comprise dans la période de validité de son visa Schengen.

4. La circonstance que l'obligation de déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990, n'ait pas été portée à la connaissance de M. A... par les autorités consulaires françaises, ce que n'imposait au demeurant aucun texte, est sans incidence sur la légalité du motif de refus du préfet, tiré du défaut de justification de l'entrée régulière de l'intéressé sur le territoire français.

5. Si le 1. du D de l'article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'étranger entré en France sans être muni des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur acquitte un droit de visa de régularisation, perçu lors de la demande de titre, ces dispositions n'ouvrent pas au préfet, contrairement à ce que soutient le requérant, une alternative à un refus de titre de séjour et ne font pas obstacle, en tout état de cause, à ce que le préfet refuse un tel titre à un étranger ne justifiant pas de l'entrée régulière en France exigée par les dispositions ou stipulations qui lui sont applicables.

6. Enfin, en se bornant à soutenir que le préfet lui a opposé à tort la condition d'entrée régulière en France, qui ne serait ni intangible, ni exigée par la Cour de justice de l'Union européenne, pour qui seules comptent les exigences formelles les du code des frontières Schengen, M. A... n'assortit pas son moyen des précisions permettant d'en apprécier la portée et le bien fondé.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A..., qui n'a pas justifié de son entrée régulière en France, n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant pour ce motif la délivrance d'un certificat de résidence, le préfet de la Marne a fait une inexacte application du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

8. En second lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France au plus tard en 2019, à l'âge de 19 ans, après avoir quitté l'Algérie en compagnie de sa mère et de ses deux frères à destination de l'Espagne. S'il se prévaut de son mariage avec une ressortissante française le 31 janvier 2020, cette union et la vie commune des époux étaient très récentes à la date à laquelle le préfet lui a refusé le bénéfice d'un certificat de résidence. Il n'établit, ni même n'allègue que sa mère et ses frères se seraient vu reconnaître un droit au séjour en France, ni qu'il serait dépourvu d'attaches familiales en Algérie. S'il fait état de la formation qu'il poursuit en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne serait pas en mesure de poursuivre une formation dans son pays d'origine ou d'y poursuivre une vie professionnelle. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressé, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été décidé. Il ne méconnaît dès lors ni le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

10. En dernier lieu, si M. A... soutient que lui-même, sa mère et ses frères ont fui un père violent, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un retour en Algérie l'exposerait à subir de telles violences.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

12. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. A....

Sur les frais liés à l'instance :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

5

N° 21NC00042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00042
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SELLAMNA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-21;21nc00042 ?
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