Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2000569 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2020, le préfet de l'Aube, représenté par Me Termeau, demande à la cour d'annuler le jugement n° 2000569 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 octobre 2020 et de rejeter la demande de Mme C....
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il n'a pas méconnu les stipulations du paragraphe 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, dès lors que la demande de titre de séjour présentée par Mme C... est fondée sur une reconnaissance de paternité frauduleuse ;
- l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2021, Mme B... C..., représentée par Me Ouriri, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le préfet n'est fondé.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rees, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Entrée en France en novembre 2016, Mme C..., ressortissante algérienne, a sollicité, le 8 novembre 2019, sur le fondement du paragraphe 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, la délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'ascendante directe d'un enfant français mineur. Par un arrêté du 3 mars 2020, le préfet de l'Aube a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Le préfet de l'Aube relève appel du jugement du 15 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résident en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ".
3. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du paragraphe 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 précité, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
4. Le 18 juillet 2019, Mme C... a donné naissance à un enfant que M. D..., ressortissant français, a reconnu le 14 août 2019. Le préfet a estimé que, du fait du caractère frauduleux de cette reconnaissance de paternité, dont elle s'est prévalue à l'appui de sa demande, Mme C... ne pouvait pas être admise au séjour sur le fondement sur le fondement du paragraphe 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Pour annuler cette décision et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination, le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de ce que le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité en litige n'est pas établi.
5. Pour contester cette appréciation du tribunal, le préfet fait valoir que Mme C..., de 19 ans plus âgée que M. D..., n'a jamais vécu, ni même entretenu de relation stable avec lui, qu'elle ignore où il réside, et que M. D... ne participe pas à l'éducation et à l'entretien de son enfant, avec lequel il n'a aucune relation. Toutefois, même pris ensemble, ces éléments circonstanciels ne suffisent pas à établir que la reconnaissance de paternité souscrite par M. D... aurait eu pour seul but de favoriser l'obtention d'un titre de séjour pour Mme C.... Dès lors, le préfet de l'Aube n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de ce que le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité en litige n'est pas établi. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation du jugement et au rejet de la demande de Mme C... ne peuvent qu'être rejetées.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser à l'avocate de Mme C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de l'Aube est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Mme C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... C....
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
N° 20NC03305 4