La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2021 | FRANCE | N°19NC02252

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 16 décembre 2021, 19NC02252


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du ministre du travail du 27 avril 2017 annulant la décision de l'inspecteur du travail du 5 septembre 2016, retirant sa décision implicite de rejet du 7 mars 2017 et autorisant son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1700202, 1701217 du 14 mai 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un m

émoire respectivement enregistrés le 16 juillet 2019 et le 1er septembre 2020, ainsi qu'un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du ministre du travail du 27 avril 2017 annulant la décision de l'inspecteur du travail du 5 septembre 2016, retirant sa décision implicite de rejet du 7 mars 2017 et autorisant son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1700202, 1701217 du 14 mai 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire respectivement enregistrés le 16 juillet 2019 et le 1er septembre 2020, ainsi qu'un mémoire enregistré le 28 octobre 2021 et non communiqué, Mme A..., représentée par Me Ledoux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 mai 2019 ;

2°) d'annuler la décision du ministre du travail du 27 avril 2017 autorisant son licenciement pour motif économique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il a répondu de manière lacunaire et péremptoire aux moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision du ministre du travail et de l'illégalité du retrait de sa décision implicite de rejet du 7 mars 2017 ;

- la décision du ministre du travail du 27 avril 2017 est insuffisamment motivée et méconnait le principe du contradictoire en ce que ses observations du 13 avril 2017 n'ont pas été prises en compte ;

- la décision du ministre du travail est entachée d'incompétence dès lors que Mme A... ne bénéficiait plus du statut de salarié protégé à la date de sa décision ;

- l'administrateur et le liquidateur judiciaires n'avaient pas compétence pour contester par un recours hiérarchique la décision de l'inspecteur du travail, Mme A... étant employée par le repreneur, la société FABB 21 par effet de la décision de l'inspecteur du travail refusant son licenciement ;

- le ministre du travail a commis une erreur d'appréciation en considérant que l'obligation de reclassement avait été remplie et que les critères d'ordre n'avaient pas été mis en œuvre de manière discriminatoire en raison de son mandat ;

- le licenciement présente un lien avec sa candidature à l'élection du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;

- le jugement du tribunal du commerce du 21 juillet 2016 est irrégulier au motif qu'il ordonne la reprise de 35 contrats de travail alors que l'offre de reprise en mentionne 36;

- la décision du ministre du travail retirant sa décision implicite de rejet du 7 mars 2017 est illégale en raison de la légalité de cette décision qui ne peut dès lors être retirée dans le délai de quatre mois.

Par un mémoire enregistré le 10 mars 2020, la société FABB 21 représentée par la SCP Fossier Nourdin conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la requête en appel et à titre subsidiaire, au rejet de sa requête et à ce que Mme A... lui verse la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête et soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, conseillère,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 25 février 2016, le tribunal de commerce de Sedan a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société FAB 21 et désigné Mes Cabooter et Labis en qualité de coadministrateurs judiciaires ainsi que Me Brucelle en qualité de mandataire judiciaire. Par un jugement du 21 juillet 2016, le même tribunal a ordonné la cession totale de la société FAB 21 au profit de la société Dulac pour le compte d'une personne morale à constituer dont le capital serait détenu à 100 % par la société Dulac, dont l'offre comportait la reprise de 36 des 81 postes de travail existants, fixé la date de l'entrée en jouissance au 22 juillet 2016, ordonné le transfert de 35 contrats de travail et le licenciement des salariés non repris, converti en liquidation le redressement judiciaire de la société FAB 21 et maintenu les coadministrateurs judiciaires pour la régularisation des actes de cession et les mesures de licenciement. La société FABB 21, détenue par la société Dulac, a été constituée pour reprendre la société FAB 21. Par une décision du 27 juillet 2016, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a homologué le document unilatéral du plan de sauvegarde de l'emploi de la société FAB 21, portant sur un projet de licenciement collectif pour motif économique de 45 salariés de l'entreprise.

2. Mme A..., occupant un emploi d'agent de fabrication au sein de la société FAB 21 en contrat à durée indéterminée et candidate à l'élection du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, a été convoquée le 1er août 2016 à un entretien préalable à son licenciement qui s'est tenu le 16 août suivant. Le 18 août 2016, l'administrateur judiciaire de la société FAB 21 a sollicité de l'inspecteur du travail de l'unité départementale des Ardennes l'autorisation de la licencier pour motif économique. Par une décision du 5 septembre 2016, l'inspecteur du travail a refusé cette autorisation. Le 7 novembre 2016, les coadministrateurs judiciaires de la société FAB 21 ainsi que Me Brucelle, son liquidateur judiciaire, ont contesté cette décision par un recours hiérarchique. Par la décision du 27 avril 2017 le ministre chargé du travail, après avoir rapporté sa décision implicite de rejet initialement née du silence gardé sur ce recours, a annulé la décision du 5 septembre 2016 et autorisé le licenciement. Mme A... fait appel du jugement du 14 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Chalons-en Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. Contrairement à ce que soutient Mme A..., le jugement attaqué répond suffisamment en ses points 9 et 10 au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du ministre du travail du 27 avril 2017 et en ses points 8 et 24 au moyen soulevé de l'illégalité du retrait de la décision implicite de rejet du ministre du travail née le 7 mars 2017. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ce jugement doit être écarté.

Sur la légalité de la décision du ministre du travail du 27 avril 2017 :

5. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié. En outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il ressort de la décision du 27 avril 2017 qu'elle comporte un énoncé, suffisamment complet et précis, des considérations de droit et de fait en constituant le fondement et notamment les jugements des 25 février et 21 juillet 2016 du tribunal de commerce de Sedan, sa candidature à l'élection au CHSCT et la décision de l'inspecteur du travail du 5 septembre 2016. Elle est, dès lors, régulièrement motivée. La circonstance que l'administration ne vise pas les observations présentées par Mme A..., par courrier électronique du 13 avril 2017 confirmé par lettre recommandée distribuée le 14 avril 2017, lors de l'instruction contradictoire du recours hiérarchique, est sans incidence sur la régularité de cette motivation.

7. En deuxième lieu, Mme A... soutient que la décision du ministre du travail est entachée d'incompétence dès lors qu'elle ne bénéficiait plus du statut de salariée protégée à la date de cette décision, le 27 avril 2017. Toutefois, en vertu des dispositions du code du travail, la protection exceptionnelle dont bénéficie les salariés légalement investis de fonctions représentatives dans le cadre d'un licenciement en le soumettant à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail, est appréciée à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement, soit en l'espèce le 1er août 2017. Le délai de six mois à compter de sa candidature à l'élection du CHSCT n'étant pas écoulé à la date d'envoi de cette convocation, le moyen tiré de l'incompétence du ministre du travail pour se prononcer sur le licenciement est écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. ". Aux termes de l'article L. 642-5 du code de commerce, applicable, conformément à l'article L. 631-22 du même code, en cas de cession de l'entreprise en redressement judiciaire : " (...) / Lorsque le plan prévoit des licenciements pour motif économique, il ne peut être arrêté par le tribunal qu'après que la procédure prévue au I de l'article L. 1233-58 du code du travail a été mise en œuvre. L'avis du comité d'entreprise et, le cas échéant, l'avis du comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail et de l'instance de coordination sont rendus au plus tard le jour ouvré avant l'audience du tribunal qui statue sur le plan. L'absence de remise du rapport de l'expert mentionné aux articles L. 1233-34, L. 1233-35, L. 2325-35 ou L. 4614-12-1 du code du travail ne peut avoir pour effet de reporter ce délai. Le plan précise notamment les licenciements qui doivent intervenir dans le délai d'un mois après le jugement sur simple notification du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné, sous réserve des droits de préavis prévus par la loi, les conventions ou les accords collectifs du travail. Lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi doit être élaboré, le liquidateur ou l'administrateur met en œuvre la procédure prévue au II de l'article L. 1233-58 du même code dans le délai d'un mois après le jugement. Le délai de quatre jours mentionné au II du même article court à compter de la date de la réception de la demande, qui est postérieure au jugement arrêtant le plan. / Lorsque le licenciement concerne un salarié bénéficiant d'une protection particulière en matière de licenciement, ce délai d'un mois après le jugement est celui dans lequel l'intention de rompre le contrat de travail doit être manifestée ".

9. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, si la cession de l'entreprise en redressement judiciaire arrêtée par un jugement du tribunal de commerce entraîne en principe, de plein droit, le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite par le cessionnaire des contrats de travail attachés à l'entreprise cédée, conformément aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, il peut être dérogé à ces dispositions lorsque le plan de redressement prévoit des licenciements pour motif économique, à la double condition, prévue par les dispositions précitées des articles L. 642-5 et R. 642-3 du code de commerce, d'une part, que le plan de cession ait prévu que les licenciements interviennent dans le délai d'un mois après le jugement arrêtant le plan et, d'autre part, que ce jugement indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé, ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées. Dans cette hypothèse, les contrats de travail des salariés licenciés en exécution de ce jugement ne sont pas transférés à l'entreprise cessionnaire et l'entreprise cédante en demeure l'employeur, y compris lorsqu'ils bénéficient d'un statut protecteur. En conséquence, son administrateur judiciaire désigné par le tribunal de commerce a qualité pour procéder au licenciement comme, dans le cas des salariés investis de fonctions représentatives, tant pour demander à l'inspecteur du travail l'autorisation de les licencier que pour contester par la voie d'un recours hiérarchique le refus de cette autorisation le cas échéant opposé par l'inspecteur du travail.

10. En l'espèce, le jugement du tribunal de commerce de Sedan du 21 juillet 2016 précise bien le nombre de salariés licenciés soit 46 postes supprimés, ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées et ces salariés ont été informés de l'intention de rompre leur contrat de travail lors des entretiens préalables à licenciement qui se sont déroulés le 16 août 2016 et ont donné lieu à la demande d'autorisation de licencier adressée à l'inspecteur du travail le 17 août 2016, soit dans le délai d'un mois à compter de la date d'entrée en vigueur du jugement ordonnant le plan de cession. Ainsi, contrairement à ce que soutient Mme A..., les coadministrateurs judiciaires avaient compétence pour former un recours hiérarchique à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail du 5 septembre 2016 alors même que le 7 novembre 2016, elle était déjà employée par le repreneur, la société FABB 21, par l'effet de la décision contestée de l'inspecteur du travail refusant son licenciement.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ". Pour apprécier si l'employeur a satisfait à cette obligation, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. En outre, lorsque le licenciement pour motif économique d'un salarié protégé est inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'inspecteur du travail saisi de la demande d'autorisation de ce licenciement, ou au ministre chargé du travail statuant sur recours hiérarchique, de s'assurer de l'existence, à la date à laquelle il statue sur cette demande, d'une décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée. En revanche, dans le cadre de l'examen de cette demande, il n'appartient à ces autorités, ni d'apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ni, plus généralement, de procéder aux contrôles mentionnés aux articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du code du travail, qui n'incombent qu'au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétemment saisi de la demande de validation ou d'homologation du plan. De même, il ne lui appartient pas d'apprécier le respect par le liquidateur de ses obligations de reclassement externe, cette appréciation ne pouvant être dissociée de celle portée par le juge judiciaire sur la validité du plan de sauvegarde de l'emploi et l'autorisation de licenciement ne faisant pas obstacle à ce que le salarié puisse ultérieurement contester cette validité devant la juridiction judiciaire.

12. En l'espèce, le document unilatéral définitif du 19 juillet 2016 du plan de sauvegarde de l'emploi dans le cadre du projet de licenciement pour motif économique autorisé par le jugement du 21 juillet 2016 de 46 salariés et ordonnant la liquidation judiciaire de la société FAB 21 a été homologué par la DIRECCTE par une décision du 27 juillet 2016, devenue définitive en l'absence de contestation devant le juge administratif. Ce document prévoit que le reclassement de ces salariés est impossible au sein de l'entreprise compte-tenu de sa cession et qu'il convient d'apprécier la possibilité de ce reclassement au sein du groupe auquel elle appartient, dont la société holding est la société du Charnois. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'après consultation de cette société par une lettre du 6 juillet 2016, aucun poste n'est disponible en son sein en raison de son statut de société holding ne comptant aucun salarié et ainsi ne disposant pas de possibilité de reclassement. Dès lors, c'est à bon droit que le ministre du travail dans sa décision du 27 avril 2017 a considéré que le reclassement interne des salariés de la société cédante FAB 21 était impossible.

13. D'autre part, si les dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail imposent à l'entreprise cédante de chercher à reclasser un salarié dont le licenciement est envisagé dans l'ensemble des entités dont elle assure encore la direction effective ou du groupe d'entreprises auquel elle appartient, cette recherche ne s'étend pas à l'entreprise cessionnaire. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à prétendre que la recherche de possibilités de reclassement aurait dû être étendue à la société Dulac, qui détient à 100% la société FABB 21, aux autres sociétés d'un groupe dont elle aurait fait partie ou de la société FABB 21.

14. Enfin, il appartenait à l'autorité administrative de s'assurer que les salariés bénéficiant d'un statut protecteur ont eu accès aux mesures de reclassement externe prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi dans des conditions non discriminatoires. En revanche, il ne lui appartenait pas d'apprécier le respect par l'administrateur judiciaire des obligations de reclassement externe, cette appréciation ne pouvant être dissociée de celle portée par le juge judiciaire sur la validité du plan de sauvegarde de l'emploi et l'autorisation de licenciement ne faisant pas obstacle à ce que le salarié puisse ultérieurement contester cette validité devant la juridiction compétente. Dès lors, Mme A... ne peut utilement soutenir que la ministre ne s'est pas assurée du respect d'une obligation de recherche de possibilités de reclassement externe auprès d'autres entreprises du secteur de la métallurgie de la région ou du département ou des entreprises ayant une activité concurrente ou connexe dans le même bassin d'emploi ou un bassin proche. En tout état de cause, le document unilatéral prévoyait conformément à la convention collective de la métallurgie des Ardennes la consultation des commissions paritaires nationale, régionale et territoriale ainsi que les fédérations de métier auxquelles les coadministrateurs ont adressé des courriers le 6 juillet 2016. En outre, et en parallèle des mesures prévues par le plan, les co-administrateurs judiciaires ont pris l'initiative par courriers du 18 juillet 2016 de consulter les entreprises intervenant dans le domaine de la métallurgie et notamment la société PSA et les fonderies de la région. Enfin, si Mme A... affirme que le reclassement externe a été inexistant dans son cas et que d'autres salariés ont pu bénéficier d'un reclassement mais qu'aucune offre ne lui a été faite, elle n'apporte aucune précision ni aucun commencement de preuve quelconque à l'appui de cette affirmation.

15. En cinquième lieu, il n'appartient pas à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique, de vérifier sa conformité aux critères fixés par un plan de sauvegarde pour l'emploi pour l'ordre des licenciements. Il incombe seulement à l'administration de s'assurer que les critères mis en œuvre par l'employeur ne révèlent pas une volonté de discrimination au détriment du salarié investi d'un mandat représentatif. Dès lors, le moyen tiré de ce que les critères déterminant l'ordre des licenciements applicables dans l'entreprise n'ont pas été respectés ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la décision par laquelle l'autorité administrative autorise un licenciement.

16. Mme A... soutient que les modalités d'application du critère d'ordre des licenciements auraient été discriminatoires au détriment des salariés bénéficiant d'un statut protecteur et par suite serait un élément de preuve d'un lien entre le licenciement et son mandat. A cet effet, elle indique que n'ont pas été prises en compte sa polyvalence découlant de ses fonctions de leader ainsi que ses charges de famille.

17. Il ressort des pièces du dossier que les catégories professionnelles identifiées dans le jugement du tribunal de commerce de Sedan du 21 juillet 2016 ainsi que les critères d'ordre de licenciement ont fait l'objet d'une consultation du comité d'entreprise qui les a approuvés et que la décision de la DIRECCTE du 27 juillet 2016 d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, non contestée devant le tribunal administratif, mentionne que " le détail des catégories professionnelles visées en page 6 à 8 du plan de sauvegarde de l'emploi portant sur 45 suppressions d'emploi (le poste de contrôleur de gestion étant supprimé de la liste des postes existants et non repris en raison de la démission du titulaire) " et " la pondération des critères de licenciement prenant en compte la charge de famille, l'ancienneté dans l'entreprise, la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment les salariés âgés et les personnes handicapées, et les qualités professionnelles " est conforme aux dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail. Le document unilatéral intégrant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société FAB 21 spécifiait également que " S'agissant des salariés occupant les postes d'Agent de fabrication, Leader, Coordinateur de nuit, Agent de fabrication/soudeur, après discussion avec le Comité d'Entreprise, il est proposé de retenir comme critère de qualités professionnelles la grille de polyvalence mise à jour dans le cadre de la Norme qualité, applicable au sein de la société et affichée dans les locaux de l'entreprise : / *Total grille atelier entre 0 et 10 : 1 point / *Total grille atelier entre 11 et 20 : 2 points / *Total grille atelier 21 et plus : 3 points / *Compétences spécifiques indispensables : 4 points / Il s'agit de compétences techniques ou spécifiques détenues par certains salariés dont le départ de l'entreprise serait susceptible de mettre en péril et à bref délai la bonne organisation du cycle de production et la qualité des produits fabriqués par Fab21, dans la mesure où la maîtrise de ces compétences nécessiterait une formation de plusieurs mois. / Les compétences spécifiques indispensables arrêtées avec le Comité d'Entreprise sont les suivantes : / - soudeur aluminium, / - contrôle final Daimler, / - sertissage cuivre (réf 145200 31, 145212 17) / - contrôle final et conditionnement (réf 145200 31, 145212 17) ". Même si Mme A... soutient que les critères pour ordre lui auraient été appliqués de manière discriminatoire en raison de son statut de salariée protégée, il résulte de ce qui précède que, d'une part, elle n'établit pas que sa polyvalence ait fait l'objet d'une appréciation erronée, Mme A... n'occupant plus les fonctions de leader en 2016 et en 2017 et d'autre part, elle ne produit aucun élément sur ses charges de famille. Par suite, les discriminations ainsi alléguées sur l'application des critères pour ordre de licenciement ne sont pas propres à révéler un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et sa qualité de salariée protégée.

18. De même, le fait que le plan de licenciement concerne 46 salariés sur un effectif initial de 82 salariés, dont 11 bénéficient du statut de salarié protégé est insuffisant pour établir une quelconque discrimination liée au mandat exercé dès lors que la grande majorité appartient à une catégorie professionnelle supprimée.

19. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que l'inspecteur du travail n'a pu légalement, le 5 septembre 2016, refuser l'autorisation de licenciement. Il appartenait donc au ministre du travail, saisi d'un recours hiérarchique contre cette décision, d'y faire droit et de retirer sa décision implicite de rejet. Dès lors, c'est à bon droit que, le 27 avril 2017 et dans le délai qui lui était imparti à cet effet, le ministre a rapporté cette décision implicite et, ce faisant, annulé la décision de l'inspecteur du travail et délivré l'autorisation demandée.

20. Enfin, l'irrégularité du jugement du tribunal de commerce ordonnant la cession et la liquidation d'une société ainsi que les licenciements en découlant, ne peut être utilement contestée qu'en exerçant les voies de recours ouvertes contre ce jugement devant le juge judiciaire et ne peut être discutée devant le juge administratif.

21. Ainsi, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la société FABB 21, il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme que la société FABB 21 demande sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société FABB 21 présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, à la société FABB 21, à la Selarl Ajjis, administrateur judiciaire de la société FAB 21, à la Selarl Cabooter, administrateur judiciaire de la société FAB 21 et à la Selarl Brucelle Charles, liquidateur judiciaire de la société FAB 21.

4

N° 19NC02252


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02252
Date de la décision : 16/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SELARL FOSSIER NOURDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-16;19nc02252 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award