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14/12/2021 | FRANCE | N°19NC01246

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 14 décembre 2021, 19NC01246


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner les Hôpitaux universitaires de Strasbourg ou, à titre subsidiaire, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme totale de 40 515 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge par cet établissement.

Par un jugement n° 1800938 du 26 mars 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rej

eté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner les Hôpitaux universitaires de Strasbourg ou, à titre subsidiaire, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme totale de 40 515 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge par cet établissement.

Par un jugement n° 1800938 du 26 mars 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 16 juillet 2019, Mme B... A..., représentée par Me Souchal, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1800938 du tribunal administratif de Strasbourg du 26 mars 2019 ;

2°) de condamner les Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser la somme de 40 515 euros ;

3°) d'ordonner, à titre subsidiaire, une nouvelle expertise médicale ;

4°) de mettre à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg les frais de cette nouvelle expertise.

Elle soutient que :

- les Hôpitaux universitaires de Strasbourg ont manqué à leur obligation d'information du patient ;

- elle n'a jamais été informée du risque de cécité de son œil droit inhérent à l'intervention du 4 janvier 2010 ;

- les Hôpitaux universitaires de Strasbourg ont multiplié les interventions sans résultats ;

- du fait de l'intervention réalisée le 4 janvier 2010, elle a perdu la vision de son œil droit plus rapidement qu'en laissant le glaucome évoluer.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Joliff, conclut au rejet de la requête ou, dans l'hypothèse où la cour estimerait que les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale seraient remplies, à ce qu'il soit ordonné une nouvelle expertise médicale.

Il soutient que les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies en l'absence d'anormalité du préjudice subi par Mme A....

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2020, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, représentés par Me Le Prado, concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que les demandes indemnitaires de Mme A... ne sont pas fondées.

La requête a été régulièrement communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, qui n'a pas produit dans la présente instance.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 14 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Souchal pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Née le 5 août 1936, Mme B... A... souffre depuis plusieurs années d'un glaucome bilatéral, qui s'est révélé difficile à maîtriser malgré le traitement médicamenteux mis en œuvre depuis le 26 novembre 1997. Lors d'une consultation au sein du service d'ophtalmologie des Hôpitaux universitaires de Strasbourg le 2 avril 2008, un glaucome chronique agonique lui a été diagnostiqué, qui a conduit à une trabéculectomie de l'œil gauche le 21 octobre 2008, puis de l'œil droit les 28 septembre et 19 octobre 2009. Cette seconde opération s'est accompagnée d'un cyclo-affaiblissement au laser de l'œil gauche. Un cyclo-affaiblissement de l'œil droit, qui aurait dû être réalisé en urgence le 14 décembre 2009 si Mme A... s'était présentée à l'hôpital, a finalement été pratiqué le 4 janvier 2010. A l'issue de ces différentes interventions, si l'acuité visuelle de l'œil gauche de Mme A... s'est stabilisé à 6/10, l'acuité visuelle de son œil droit, en revanche, n'a cessé de diminuer au cours des dix-huit mois suivant l'intervention du 4 janvier 2010 jusqu'à la cécité totale. Par une ordonnance n° 1604529 du 25 octobre 2016, la juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a ordonné, à la demande de la requérante, une expertise médicale aux fins de déterminer si des erreurs, manquements ou négligences ont pu être commis lors de la prise en charge et quels préjudices en sont résultés. L'expert ayant établi son rapport le 20 mars 2017, qu'il a complété, à la demande du tribunal, les 20 juin et 27 septembre 2017, la requérante a d'abord sollicité, le 31 juillet 2017, une indemnisation auprès la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Alsace. Cette commission ayant émis un avis défavorable le 3 octobre 2017, elle a adressé aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg, par un courrier du 29 novembre 2017, une demande indemnitaire qui s'est heurtée au silence de l'administration. Le 13 février 2018, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg ou, à titre subsidiaire, de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme totale de 40 515 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge par cet établissement. Elle relève appel du jugement n° 1800938 du 26 mars 2019 qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction et, spécialement, du rapport d'expertise du 20 mars 2017 et des compléments apportés par l'expert les 20 juin et 27 septembre 2017 que la prise en charge de Mme A... a été diligente, adaptée et conforme aux règles de l'art et aux données de la science médicale à l'époque des faits. La requérante, qui se borne à verser aux débats son propre récit, n'apporte aucun élément susceptible de remettre en cause une telle appréciation. Par suite, contrairement aux allégations de l'intéressée, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg n'ont pas commis de faute médicale de nature à engager leur responsabilité.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " I.- Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission. (...) ".

5. En application de ces dispositions, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. Il suit de là que la circonstance qu'un risque de décès ou d'invalidité répertorié dans la littérature médicale ne se réalise qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de le porter à la connaissance du patient. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées, ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.

6. S'il est vrai que l'expert a indiqué, à deux reprises, sans autre précision, que Mme A... a été informée des risques inhérents aux traitements mis en œuvre, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui se bornent à produire deux fiches d'information détaillées sur la chirurgie filtrante du glaucome, signées par l'intéressée en octobre et en novembre 2008, et un extrait de son dossier médical daté du 16 juillet 2009 et portant la mention " fiche SFO remise, opération expliquée, bénéfice/risque (50 %) ", n'établissent pas avoir informé la requérante sur les risques de cécité pouvant résulter du traitement de son œil droit le 4 janvier 2010 par cyclo-affaiblissement au laser, lequel constitue une intervention distincte de la trabéculectomie et est pratiqué en dernier recours après échec de celle-ci.

7. Toutefois, il résulte du rapport d'expertise et de ses compléments que la situation dans laquelle se trouvait Mme A... au moment des faits était " catastrophique ", le glaucome de son œil droit, devenu réfractaire, évoluant de manière certaine vers la cécité. Eu égard à l'absence de résultats de la trabéculectomie pratiquée les 28 septembre et 19 octobre 2009 et en l'absence d'alternative thérapeutique moins risquée, le recours au traitement par cyclo-affaiblissement au laser, qui aurait dû être réalisé en urgence dès le 14 décembre 2009, était impérieusement requis pour prévenir la survenue d'une telle échéance. Dans ces conditions et alors que la mise en œuvre d'un tel traitement a permis de stabiliser l'acuité visuelle de son œil gauche à 6/10, il résulte de l'instruction que Mme A..., qui, au demeurant, avait consenti en octobre et en novembre 2008 à la trabéculectomie, nonobstant les risques de cécité, voire de perte de l'œil, que comporte ce type d'opération, aurait accepté l'intervention du 4 janvier 2010 si elle avait été informée de la nature et de l'importance des risques que comportait cette opération. Elle doit donc être regardée comme n'ayant pas été privée d'une perte de chance de se soustraire au risque de cécité de son œil droit qui s'est réalisé. Par suite, elle ne peut prétendre à une indemnisation pour ce chef de préjudice.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale et alors qu'il n'est pas contesté que Mme A... ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'une réparation au titre de la solidarité nationale, que les conclusions à fin d'indemnisation de la requérante, ainsi que ses conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées. Par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg, à l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin.

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