La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/12/2021 | FRANCE | N°19NC01419

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 09 décembre 2021, 19NC01419


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 4 avril 2016 par laquelle le chef du département de la gestion des corps techniques de la navigation aérienne a refusé de lui accorder le bénéfice de la prime de redéploiement des compétences, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1605322 du 13 mars 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête et un mémoire, enregistrés les 13 mai 2019 et 11 octobre 2021, M. A... B..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 4 avril 2016 par laquelle le chef du département de la gestion des corps techniques de la navigation aérienne a refusé de lui accorder le bénéfice de la prime de redéploiement des compétences, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1605322 du 13 mars 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 mai 2019 et 11 octobre 2021, M. A... B..., représenté par Me Dokhan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 mars 2019 ;

2°) d'annuler cette décision du 4 avril 2016 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la direction générale de l'aviation civile de communiquer tous documents justifiant de l'octroi de la prime de redéploiement aux personnels placés dans la même situation que lui au regard des modalités d'attribution de cette prime ;

4°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et solidaire de lui accorder le bénéfice de la prime de redéploiement des compétences à hauteur de 25 000 euros ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en ne communiquant pas son mémoire du 8 février 2019 à l'administration alors même que le jugement est fondé sur la note ministérielle du 24 mars 2015 ;

- le jugement est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

- la restructuration de son service a entraîné un changement de résidence familiale, lui ouvrant droit à la prime de redéploiement des compétences ;

- les décisions portent atteinte au principe d'égalité de traitement des agents d'un même corps placé dans la même situation que lui au regard des modalités d'attribution de cette prime ;

- la note ministérielle du 24 mars 2015 est opposable à l'administration.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 novembre 2019 et 24 octobre 2021, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2014-1222 du 21 octobre 2014 ;

- le décret n°90-437 du 28 mai 1990 ;

- l'arrêté du 16 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lambing,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dokhan, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., a été recruté au sein de l'aviation légère de l'Armée de Terre, le 1er avril 1983 puis détaché au sein de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) à compter du 1er septembre 2006. Par arrêté du 14 décembre 2007, le requérant a été titularisé dans le corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA). Après avoir obtenu la licence de contrôleur, il est affecté à compter du 7 octobre 2013 au centre de détection et de contrôle de Drachenbronn. La décision de fermeture de ce centre devant être effective au 18 juillet 2015, par un arrêté du 7 octobre 2015, l'intéressé a été affecté en qualité de spécialiste exploitation au sein du service de navigation aérienne de Entzheim. Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 mars 2019. Le 15 décembre 2015, le requérant a sollicité l'attribution de la prime de redéploiement des compétences (PRC), qui lui a été refusée par décision du 4 avril 2016. M. B... relève appel du jugement du 13 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 4 avril 2016 ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire ". Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. " Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) ". Aux termes de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. "

3. Il résulte de ces dispositions que d'une part, lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire une production de l'une des parties après la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Lorsque le délai qui reste à courir jusqu'à la date de l'audience ne permet plus l'intervention de la clôture automatique trois jours francs avant l'audience prévue par l'article R. 613-2 du code de justice administrative mentionné ci-dessus, il appartient à ce dernier, qui, par ailleurs, peut toujours, s'il l'estime nécessaire, fixer une nouvelle date d'audience, de clore l'instruction ainsi rouverte. D'autre part, s'il résulte des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, destinés à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur ou tout mémoire contenant des éléments nouveaux, est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

4. Il ressort des pièces du dossier que par ordonnance du 27 novembre 2018, la présidente de la formation de jugement a clos l'instruction au 12 décembre 2018. Le tribunal a communiqué le mémoire en réplique enregistré le 1er février 2019 produit par le ministre de la transition écologique et solidaire. Ce faisant, la présidente de la formation de jugement doit être regardée comme ayant rouvert l'instruction. L'audience étant le 13 février 2019, la clôture automatique de l'instruction a régulièrement pu intervenir trois jours francs avant l'audience prévue par l'article R. 613-2 du code de justice administrative mentionné ci-dessus. Par suite, le mémoire de M. B... enregistré le 8 février 2019 doit être regardé comme ayant été produit avant la clôture de l'instruction. Le tribunal a ainsi à juste titre analysé le mémoire dans son jugement. Par ailleurs, dès lors que le tribunal a rejeté la demande de M. B..., l'absence de communication au ministre de ce mémoire du 8 février 2019 n'a pu préjudicier ni aux droits de ce dernier, ni à ceux du requérant. Par suite, cette méconnaissance de l'obligation posée par l'article R. 611-1 du code de justice administrative ne saurait entacher la procédure d'irrégularité. Le moyen soulevé par M. B..., tiré de l'atteinte au principe du caractère contradictoire de la procédure, doit dès lors être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

6. Si le juge est tenu de répondre aux moyens des parties, il n'est pas dans l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments soulevés à l'appui de ces moyens. En l'espèce, les premiers juges doivent être regardés comme ayant suffisamment répondu au moyen tiré de ce que la restructuration de service aurait entraîné un changement de résidence familiale du requérant en précisant les éléments sur lesquels ils se sont fondés pour considérer que n'était pas établi un transfert de sa résidence familiale à Obernai. Le tribunal n'était pas tenu d'expliciter les raisons pour lesquelles il écartait chacune des pièces produites par l'intéressé dès lors qu'il a précisé les éléments fondant sa conviction. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé et, par suite, irrégulier.

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions administratives attaquées :

7. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 1er du décret du 21 octobre 2014 instituant une prime de redéploiement des compétences et une allocation d'aide à la mobilité du conjoint au sein de la direction générale de l'aviation civile : " En cas de restructuration d'un service relevant de la direction générale de l'aviation civile ou de l'Ecole nationale de l'aviation civile, une prime de redéploiement des compétences peut être versée aux fonctionnaires, aux agents non titulaires de droit public recrutés pour une durée indéterminée (...) ". Selon l'article 2 de ce décret, la prime de redéploiement des compétences peut être attribuée aux agents mutés ou déplacés dans le cadre de la restructuration du service dans lequel ils exercent leurs fonctions. Aux termes des dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 16 décembre 2014 fixant les conditions de modulation de la prime de redéploiement des compétences instituée par le décret n°2014-1222 du 21 octobre 2014 : " Les montants de la prime de redéploiement instituée par le décret n° 2014-1222 du 21 octobre 2014 (...) sont fixés ainsi qu'il suit : 1°) En cas de changement du lieu de travail de l'agent entraînant un changement de résidence familiale, sous réserve que le trajet aller-retour entre la résidence familiale initiale et le nouveau lieu de travail soit allongé d'une distance égale ou supérieure à vingt kilomètres : (...) c) Agent ayant au moins trois enfants à charge au sens de la législation sur les prestations familiales : 25 000 €. " Aux termes de l'article 4 du décret n°90-437 du 28 mai 1990 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements des personnels civils sur le territoire métropolitain de la France lorsqu'ils sont à la charge des budgets de l'Etat, des établissements publics nationaux à caractère administratif et de certains organismes subventionnés : " Pour l'application du présent décret, sont considérés comme : 1° Résidence administrative : le territoire de la commune sur lequel se situe le service où l'agent est affecté ; Lorsqu'il est fait mention de la résidence de l'agent, cette résidence est sa résidence administrative ; / 2° Résidence familiale : le territoire de la commune sur lequel se situe le domicile de l'agent ; (...) 6° Membres de la famille : à condition qu'ils vivent habituellement sous le toit de l'agent, le conjoint, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité, les enfants du couple de l'agent, du conjoint (...) ".

8. En l'absence de définition générale de la notion de résidence familiale comme de définition propre apportée par le décret du 21 octobre 2014, celle-ci doit être regardée, pour l'application du barème de la prime de redéploiement des compétences fixé par l'arrêté du 16 décembre 2014, comme résultant des dispositions du décret du 28 mai 1990 auquel renvoie celui du 21 octobre 2014 instituant cette prime en le citant dans ses visas. La résidence familiale s'entend donc de la commune où se situe le domicile l'agent.

9. M. B... a été affecté à compter du 7 octobre 2013 au centre de détection et de contrôle de Drachenbronn. Par arrêté du 7 octobre 2015, l'intéressé a été affecté en qualité de spécialiste exploitation au sein du service de navigation aérienne de Entzheim. Faisant valoir un changement de résidence familiale de Drachenbronn à Obernai, distant de plus de vingt kilomètres, le requérant a sollicité le 15 décembre 2015 l'attribution de la prime de redéploiement des compétences (PRC). Le requérant soutient qu'il remplit ainsi les conditions de l'article 1er de l'arrêté du 16 décembre 2014 au motif que du 25 février 2014 au 10 septembre 2015, sa résidence familiale était située au 99 rue du camp à Drachenbronn, bâtiment LC3, appartement n°312, dans l'enceinte de la base militaire aérienne militaire, contrairement à ce que lui a opposé le directeur de la DGAC dans la décision attaquée.

10. Il ressort des pièces du dossier que l'appartement occupé par l'intéressé était un logement-cadres constitué d'une seule chambre de 19,42 m². L'accès au bâtiment était en outre réservé aux militaires ou civils du ministère de la défense, faisant obstacle à la visite des personnes extérieures, y compris des proches. Le requérant produit l'attestation de son supérieur hiérarchique du 7 juin 2016 qui mentionne qu'à l'été 2014, M. B... lui aurait fait part de la mutation à Drachenbronn de son épouse, travaillant à l'éducation nationale, pour la rentrée 2014. Toutefois, le requérant ne produit aucune pièce démontrant la réalité de l'affectation de son épouse à Drachenbronn en septembre 2014. De plus, ces allégations sont contredites par les tableaux émanant de l'académie de Strasbourg, produits par le ministre en défense, dans lesquels il est indiqué que Mme B... est affectée dans un lycée de Barr en 2013, 2014 et 2015, ainsi que par une fiche de candidature rempli par le requérant le 16 décembre 2014 où il a indiqué que son épouse travaille depuis le 1er septembre 2012 au lycée de Barr. En se bornant à produire l'attestation d'un adjudant-chef du service soutien de vie du 17 décembre 2014 qui évoque un " appartement " dans son attestation, contredite par les propos de ce même adjudant-chef dans une autre attestation du 17 décembre 2014, et à se prévaloir de l'adresse de ses fiches de paie et des mentions du logiciel informatique des ressources humaines, M. B... ne justifie pas qu'il résidait effectivement avec sa famille à Drachenbronn du 25 février 2014 au 10 septembre 2015. Le ministre produit par ailleurs en défense des pièces tels des relevés de compte bancaire de l'intéressé d'août à octobre 2015, un avis d'imposition envoyé le 5 août 2014, un compte-rendu de contrôle technique du 14 septembre 2015 qui fait état du certificat d'immatriculation, tous mentionnant une adresse à Obernai. Ces éléments démontrent que M. B... avait conservé, au cours des années 2014 et 2015, une résidence à Obernai. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le changement de son lieu de travail aurait entraîné un transfert de sa résidence familiale à Obernai. Il s'ensuit que c'est à bon droit que le directeur de la DGAC lui a refusé le bénéfice de la PRC.

11. En deuxième lieu, la note du 24 mars 2015 dont se prévaut le requérant, qui définit la résidence familiale comme étant celle de la résidence principale, ne procure pas au requérant le droit de percevoir la prime en litige dès lors que sa résidence principale est celle où il réside effectivement avec son épouse et ses enfants, c'est-à-dire à Obernai au regard de ce qui a été dit précédemment. Par suite, M. B... ne pouvait en tout état de cause pas prétendre à l'attribution de la prime litigieuse. Il ne peut ainsi utilement se prévaloir, au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de la décision lui refusant à bon droit cet avantage, de la situation d'autres fonctionnaires qui ont pu en bénéficier. En outre, le requérant n'établit pas que le ministre aurait méconnu le principe d'égalité entre fonctionnaires placés dans une situation identique en attribuant cette prime à des agents ne remplissant pas les critères fixés par la note du 24 mars 2015 prise pour l'application du décret du 21 octobre 2014. Par suite, le moyen tiré de la violation du principe d'égalité entre fonctionnaires placés dans une situation identique ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'enjoindre au ministre de produire les pièces demandées par le requérant, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de la transition écologique.

2

N° 19NC01419


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01419
Date de la décision : 09/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Principes généraux du droit - Égalité devant le service public - Égalité de traitement des agents publics.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : DM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-09;19nc01419 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award