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07/12/2021 | FRANCE | N°21NC00249

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 07 décembre 2021, 21NC00249


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 19 juin 2019 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n°1902367 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2021, M. G..., représenté par Me Grosset, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de

Nancy du 23 décembre 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 19 juin 2019 du pré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 19 juin 2019 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n°1902367 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2021, M. G..., représenté par Me Grosset, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 23 décembre 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 19 juin 2019 du préfet de Meurthe-et-Moselle portant refus de titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou à tout le moins une autorisation provisoire de séjour :

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'absence de motivation de l'acte attaqué et de l'erreur d'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'auteur de l'acte de la décision du 19 juin 2019 est incompétent ;

- la décision n'est pas motivée, elle comporte différentes erreurs et notamment sur la situation administrative de son épouse ;

- la décision a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu préalablement ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation, son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et il ne pourra avoir accès au traitement nécessaire ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy en date du 3 mai 2021, M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., né en 1949, ressortissant d'Azerbaïdjan, est entré en France le 8 octobre 2012 pour y demander l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile les 20 septembre 2013 et 17 février 2014. Il s'est toutefois maintenu en France et par décision du 28 mai 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a délivré une carte de séjour temporaire pour soins. Le 30 mars 2017, M. G... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, dont la validité expirait le 14 mars 2017. Par une décision du 19 juin 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à la demande de l'intéressé et lui a refusé le séjour. M. G... relève appel du jugement du 23 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 19 juin 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué que celui-ci a répondu en son point 5 au moyen tiré de l'absence de motivation et a précisé que l'arrêté préfectoral comportait bien la mention du patronyme du requérant, contrairement à ses allégations. Enfin, les premiers juges ont également répondu au moyen tiré de l'erreur d'appréciation sur sa situation personnelle lorsqu'ils ont apprécié sa situation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient omis de répondre à certains de ses moyens. Le jugement est donc, à cet égard, régulier.

Sur la légalité de la décision du 19 juin 2019 portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, par un arrêté n° 18.BCI. 31 du 30 août 2018, publié au recueil des actes administratifs de Meurthe-et-Moselle le même jour, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné délégation à M. D... E..., à l'effet de signer notamment les décisions portant refus de séjour en cas d'absence ou d'empêchement de M. H... B..., directeur de la citoyenneté et de l'action locale et de Mme C... F..., cheffe du service de l'immigration et de l'intégration. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ou Mme F... n'étaient pas absents ou empêchés à la date de la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté

5. En deuxième lieu, la décision du 19 juin 2019 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté la demande de titre de séjour de M. G... comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent. Cette décision qui, n'avait pas nécessairement à reprendre tous les éléments de la vie familiale de M. G..., vise le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'avis émis le 15 mai 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Elle mentionne son patronyme page 2 et précise qu'il est entré en France le 8 octobre 2012 accompagné de sa conjointe. La circonstance, aussi regrettable soit-elle, que la décision mentionne par la suite que M. G... est célibataire, en contradiction avec la mention précédente, alors qu'il vit avec son épouse titulaire d'une autorisation provisoire de séjour, est sans incidence sur le fait que la décision est motivée en droit et en fait.

6. En troisième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. M. G... ne peut cependant utilement soutenir qu'il aurait été privé de son droit à être entendu, comme principe général du droit de l'Union européenne, dès lors que lorsqu'il se prononce sur une demande de titre de séjour, un Etat membre ne met pas en œuvre le droit de l'Union européenne.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° 1° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. "

8. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

9. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. G..., le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est notamment fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émis le 15 mai 2018 suivant lequel si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En outre, le préfet s'est également fondé sur l'avis des autorités françaises en Azerbaïdjan selon lesquelles M. G... peut avoir accès au traitement que requiert son état de santé dans son pays d'origine. Aucune des pièces médicales produites par M. G... tant en première instance qu'en appel qui indiquent les pathologies dont il souffre et les traitements qu'elles nécessitent ne sont susceptibles de remettre en cause l'appréciation faite par le préfet sur la base de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait fait une inexacte application des dispositions susmentionnées de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Il ressort des pièces du dossier que si M. G... est arrivé en France au cours du mois d'octobre 2012, la durée de sa présence est consécutive aux différentes démarches entreprises pour solliciter l'asile puis aux autorisations provisoires de séjour qu'il a obtenues en raison de son état de santé dont la reconduction n'était pas garantie. Le requérant est arrivé en France à l'âge de 63 ans et il est hébergé dans une structure d'hébergement d'urgence avec son épouse. Il ne fait valoir aucun élément particulier d'intégration en France et n'allègue pas y avoir de la famille ou y avoir tissé des liens particuliers. S'il se prévaut de ce que son épouse, ressortissante albanaise, est titulaire d'une autorisation provisoire de séjour, il n'apporte aucune précision sur la nature de cette autorisation et sa pérennité . Dans ces conditions, alors que la cellule familiale de M. G... a vocation à se reconstituer dans le pays d'origine du couple, le moyen tiré de ce que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et méconnaîtrait par suite les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté contesté sur sa situation personnelle doit être écarté.

13. En sixième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre de la décision portant refus de séjour en litige qui n'est pas prise sur ce fondement.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à se soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 2019 portant refus de titre de séjour. Les conclusions de la requête à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, en conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 21NC00249


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00249
Date de la décision : 07/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SELARL GUITTON et GROSSET BLANDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-07;21nc00249 ?
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