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07/12/2021 | FRANCE | N°19NC03428

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 07 décembre 2021, 19NC03428


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) du Charmille a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 27 avril 2017 par lequel la préfète de la région Bourgogne-Franche-Comté a refusé de l'autoriser à exploiter les parcelles cadastrées section ZB n°83 et n°85, section ZX n°56, section ZV n°29 et section ZW n°25 situées sur le territoire des communes d'Anchenoncourt et Mélincourt et la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1

701858 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) du Charmille a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 27 avril 2017 par lequel la préfète de la région Bourgogne-Franche-Comté a refusé de l'autoriser à exploiter les parcelles cadastrées section ZB n°83 et n°85, section ZX n°56, section ZV n°29 et section ZW n°25 situées sur le territoire des communes d'Anchenoncourt et Mélincourt et la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1701858 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 novembre 2019, la SCEA du Charmille, représentée par la SCP du Parc, Curtil, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 26 septembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 avril 2017 de la préfète de la région Bourgogne-Franche-Comté et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la région Bourgogne-Franche-Comté, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jours de retard, de lui délivrer l'autorisation d'exploiter les parcelles en cause ou, subsidiairement, de prononcer un partage de parcelles ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont procédé d'office à une substitution de motifs, alors que celle-ci n'était pas demandée par le défendeur et que les parties n'en ont pas été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- l'arrêté du 27 avril 2017 est entaché d'incompétence ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit au regard du 1° de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime dès lors que le préfet ne pouvait refuser de lui délivrer une autorisation au motif que son opération relevait du rang de priorité n°7 sans attribuer de rang de priorité au preneur en place ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation dans le calcul du coefficient d'exploitation du demandeur et dans sa comparaison avec celui de la demande concurrente ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation dans le calcul de la surface exploitée par le demandeur et la demande concurrente ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'avis favorable de la commission départementale des espaces agricoles ;

- si la cour considérait que le refus pouvait être légalement fondé sur un autre motif, subsidiairement, le préfet a commis une erreur d'appréciation en ne délivrant pas une autorisation partielle comme le lui permet l'article L. 331-3-2 du code rural et de la pêche maritime.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. E... A..., qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche martine ;

- l'arrêté du 23 décembre 2015 approuvant le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Franche-Comté ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picque, première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Clément, représentant M. E... A....

Considérant ce qui suit :

1. La SCEA du Charmille, spécialisée dans l'élevage de vaches laitières, représentée par son gérant M. C... A..., a demandé, le 17 janvier 2017, l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées section ZB n°83 et n°85, section ZX n°56, section ZV n°29 et section ZW n°25 situées sur le territoire des communes d'Anchenoncourt et Mélincourt, d'une superficie totale de 32 hectares, 92 ares et 46 centiares, dans le département de la Haute-Saône. Une demande concurrente a été déposée par M. E... A..., preneur en place des parcelles. L'autorisation d'exploiter sollicitée par la SCEA du Charmille a été refusée par un arrêté de la préfète de la région Bourgogne-Franche-Comté en date du 27 avril 2017. Le recours gracieux de la société contre cette décision a été implicitement rejeté. La SCEA du Charmille fait appel du jugement du 5 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 331-3 du code de la pêche rurale et maritime : " L'autorité administrative (...) vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée ". Selon cet article L. 331-3-1 : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place ; (...) ".

3. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 27 avril 2017 attaqué que le refus d'autorisation d'exploiter en litige est exclusivement fondé sur le 2° de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime au motif que l'opération envisagée était susceptible de compromettre la viabilité de l'exploitation du preneur en place. Ainsi, en examinant ce motif, les premiers juges, contrairement à ce qu'indique à tort le jugement, n'ont pas procédé à une substitution de motifs mais ont apprécié la légalité du seul motif de la décision attaquée. Par suite, la SCEA du Charmille ne peut utilement soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité au motif qu'elle n'a pas été informée de ce qu'une substitution de motif était envisagée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, l'arrêté de refus d'autorisation d'exploiter en litige est signé par M. B... D..., directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAFF) de Bourgogne-Franche-Comté. Par un arrêté du 4 janvier 2016, publié au recueil des actes administratifs du même jour, la préfète de région lui a donné délégation à l'effet de signer, dans le cadre de ses attributions tous les actes administratifs entrant dans le champ des compétences des DRAAF. Contrairement à ce qui est soutenu, cette délégation est suffisamment précise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de Franche-Comté : " (...) la viabilité des exploitations est appréciée au regard de l'exploitation de référence ". Selon l'article 1er de ce même texte : " l'exploitation de référence est l'exploitation dont le coefficient d'exploitation est égal à 1 ". Il résulte de ces dispositions combinées à celles du 2° de l'article L. 331-3-1 citées au point 2 qu'en application du SDREA de Franche-Comté, la viabilité de l'exploitation du preneur en place est considérée comme compromise par l'opération envisagée par le demandeur d'une autorisation d'exploiter lorsque celle-ci a pour effet de porter son coefficient d'exploitation en dessous de 1.

6. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 3, pour refuser de délivrer à la société appelante l'autorisation d'exploiter les parcelles en litige, le préfet s'est exclusivement fondé, en application du 2° de l'article L. 331-3-1 du code de la pêche rurale et maritime, sur la circonstance que l'opération envisagée compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place, M. E... A..., en faisant porter son coefficient d'exploitation en dessous de 1. Par conséquent, pour contester cette appréciation, la SCEA du Charmille ne peut utilement se prévaloir de ce que l'autorité administrative aurait commis une erreur de droit au regard du 1° du même article.

7. D'autre part, la circonstance alléguée par l'appelante selon laquelle son propre coefficient d'exploitation serait inférieur à 1, ce qui, au surplus, est contredit par les pièces du dossier qui démontrent que celui-ci est de 1, 144 avant l'opération envisagée, n'est pas davantage de nature à remettre en cause l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la viabilité économique de l'exploitation du preneur en place. Enfin, la SCEA du Charmille n'établit pas que la superficie de l'exploitation de M. E... A... serait supérieure de 8 ha, 40 par rapport à celle retenue par l'autorité administrative, ni, en tout état de cause, que cette différence aurait pour effet de porter le coefficient d'exploitation après opération au-dessus de 1.

8. En troisième lieu, le préfet n'est pas tenu par l'avis de la commission des espaces agricoles. La seule circonstance que celui-ci était favorable à la délivrance d'une autorisation d'exploiter pour l'opération envisagée par la SCEA du Charmille n'est ainsi pas de nature à établir que l'autorité administrative aurait fait une inexacte application des dispositions applicables en refusant l'autorisation demandée.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 331-3-2 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut n'être délivrée que pour une partie de la demande, notamment si certaines des parcelles sur lesquelles elle porte font l'objet d'autres candidatures prioritaires ".

10. Si l'appelante soutient que l'autorité administrative aurait pu lui délivrer une autorisation pour une partie de sa demande, cette éventualité est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCEA du Charmille n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCEA du Charmille est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA du Charmille, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à M. E... A....

Copie en sera adressée au préfet de la région Bourgogne-France-Comté.

2

N° 19NC03428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03428
Date de la décision : 07/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03 Agriculture et forêts. - Exploitations agricoles. - Cumuls et contrôle des structures.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie PICQUE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : DU PARC CURTIL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-07;19nc03428 ?
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