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18/11/2021 | FRANCE | N°20NC03415

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 18 novembre 2021, 20NC03415


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2020 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002263 du 30 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2

020, Mme C..., représentée par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 juill...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2020 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002263 du 30 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2020, Mme C..., représentée par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 juillet 2020 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 9 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre à la préfère du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours de retard et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai sous la même astreinte et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour : méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français : est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le 11° de l'article L. 313-11 du code précité ; est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à l'absence de soins dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2021, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., née en 1965, de nationalité géorgienne, déclare être entrée en France le 4 mars 2018 avec son époux et a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 septembre 2018 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 avril 2019. Le 1er avril 2019, Mme C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 janvier 2020, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 30 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 9 janvier 2020.

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code précité : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration allant dans le sens de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... souffre d'une insuffisance rénale chronique et que son état de santé nécessite une dialyse quatre fois par semaine et un traitement médicamenteux. Par un avis du 19 juin 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a indiqué que si l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Géorgie et, à la date de cet avis, elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Si Mme C... verse au dossier une " fiche profil " concernant la Géorgie publiée par l'organisation mondiale de la santé (OMS), cette fiche de 2016 concerne le traitement du diabète et se borne à mentionner que le traitement substitutif rénal par dialyse et la transplantation rénale ne sont généralement pas disponibles dans les établissements de soins publics. Or il ressort du courrier d'un néphrologue du 24 janvier 2020 que Mme C... est " en programme d'hémodialyse depuis 2014 ", date à laquelle elle se trouvait encore en Géorgie. Il n'est ainsi pas démontré qu'un traitement par dialyse ne serait pas disponible en Géorgie. De même, si l'intéressée soutient que ses chances de greffe sont minimes en Géorgie où la législation n'autorise que les greffes entre membres d'une même famille, il ressort du courrier du 24 janvier 2020 qu'" une transplantation rénale serait envisageable " et non indispensable. En outre, la requérante ne démontre pas l'impossibilité pour elle d'accéder à une greffe de rein, notamment par le biais d'un donneur de sa famille présent en Géorgie. Par ailleurs, si le rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) du 30 juin 2020 sur l'accès à certains traitements médicaux en Géorgie, précise que les contrôles dans le cadre de la surveillance de l'hépatite C demeurent aux frais du patient, il n'est pas démontré que l'état de la requérante dont l'hépatite C a été traitée et qui présente des marqueurs sérologiques négatifs nécessiterait un tel suivi. Dans ces conditions, compte tenu de la nature des troubles invoqués par la requérante et eu égard à l'ensemble des éléments avancés par l'autorité administrative, ces pièces ne sont pas, en l'espèce, susceptibles de remettre en cause l'appréciation portée par le préfet du Bas-Rhin sur son état de santé. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être exposées, le préfet du Bas-Rhin n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme C....

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire.

8. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

9. Pour les mêmes raisons que celles exposées au point 5 ci-dessus, selon lesquelles le préfet a fait une exacte application du 11° de l'article L. 3113-11 précité, Mme C... n'est fondée à soutenir ni que la décision d'éloignement attaquée méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

10. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...). / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. Si Mme C... soutient qu'elle ne pourrait se faire soigner en cas de renvoi en Géorgie ce qui serait contraire aux dispositions précitées, il ressort de ce qui a été dit au point 5 qu'il n'est nullement démontré que la requérante ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

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N° 20NC03415


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03415
Date de la décision : 18/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-11-18;20nc03415 ?
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