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18/11/2021 | FRANCE | N°20NC00054

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 18 novembre 2021, 20NC00054


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes, à concurrence d'une somme de 5 821 euros, à raison du rejet de la déduction des charges engagées sur leur appartement situé dans la ville d'Orcières.

Par un jugement n° 1800377 du 12 novembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes, à concurrence d'une somme de 5 821 euros, à raison du rejet de la déduction des charges engagées sur leur appartement situé dans la ville d'Orcières.

Par un jugement n° 1800377 du 12 novembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 10 janvier 2020 et le 20 octobre 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Bos, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 novembre 2019 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes, soit une somme de 5 821 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent qu'ils se trouvaient dans l'impossibilité de louer leur appartement, en raison de circonstances indépendantes de leur volonté tenant au vice de construction du bâtiment et malgré les nombreuses diligences qu'ils ont effectuées en vue de permettre de nouveau l'exploitation de la résidence " La Grande Autane " ; par les pièces produites en appel, ils attestent l'impossibilité de donner en location leur bien et les diligences qu'ils ont accomplies en vue d'une relocation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stenger,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... ont acquis, le 13 avril 2006, un appartement en état futur d'achèvement au sein de la résidence de tourisme " La Grande Autane " située à Orcières-Merlette (Hautes-Alpes), qui a été offert à la location jusqu'en 2009. Par deux propositions de rectification des 19 décembre 2015 et 25 janvier 2016, établies selon la procédure de rectification contradictoire, le service a notifié aux requérants des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu au titre des années 2012, 2013 et 2014 et les pénalités correspondantes résultant notamment de la remise en cause des charges, intérêts d'emprunt et frais de gestion compris, qu'ils avaient déduites de leurs revenus fonciers, afférentes à cet appartement qui n'a pas produit de revenus au titre de ces mêmes années. La réclamation du 8 décembre 2017 formée M. A... a été rejetée par une décision du 8 janvier 2018. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 12 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions correspondant à la somme de 5 821 euros.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 13 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. (...). ". Aux termes de l'article 14 dudit code : " Sous réserve des dispositions de l'article 15, sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu'ils ne sont pas inclus dans les bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole ou d'une profession non commerciale : 1° Les revenus des propriétés bâties, (...) ". Aux termes de l'article 15 du même code, également relatif à la définition du champ d'application des revenus fonciers : " II. - Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. ". Aux termes de l'article 28 de ce code : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. ". Et aux termes de l'article 31 : " I. - Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : (...) d) Les intérêts de dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés (...) ; ". Selon l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction :/ I. - Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la sixième année inclusivement. / Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : (...) /3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes ; (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions combinées que pour être déductibles du revenu foncier compris dans le revenu global soumis à l'impôt sur le revenu, les charges supportées par le propriétaire d'un bien immobilier doivent se rapporter à un bien produisant des revenus entrant dans cette même catégorie et que les charges afférentes aux logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne peuvent pas venir en déduction de ce revenu foncier. En conséquence, est exclue la déduction des intérêts des emprunts contractés pour l'acquisition ou l'amélioration des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance. La réserve de jouissance est établie, notamment, par l'accomplissement ou non de diligences ayant pour objet de donner le bien en location. Il appartient donc au propriétaire d'apporter la preuve qu'il a offert à la location pendant l'année en cause le logement resté vacant au titre duquel il demande la déduction de charges foncières et qu'il a pris toutes les dispositions nécessaires pour le louer.

4. Il résulte de l'instruction que l'appartement situé au sein de la résidence de tourisme " La Grande Autane " sise à Orcières, acquis par M. et Mme A... en 2006, a, contrairement à ce qu'affirme l'administration fiscale, été effectivement loué de 2006 à 2009. Il n'a plus été donné en location à compter de 2009 consécutivement à la décision collective des copropriétaires de fermer la résidence en raison des dangers qu'elle présentait pour ses occupants, tenant notamment à la sécurité hivernale, à la stabilité du talus arrière et à certaines malfaçons, affectant la solidité des balcons. Les requérants font ainsi valoir qu'ils ont été dans l'impossibilité de donner cet appartement en location à compter de 2009, malgré les diligences qu'ils ont accomplies avec les autres copropriétaires de la résidence pour que les travaux de réhabilitation nécessaires à la réouverture de cette dernière puissent être réalisés. Par les pièces produites en appel, notamment, l'ordonnance du juge de la mise en état du 16 décembre 2015, les contribuables démontrent que, par acte d'huissier d'août 2012, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble " La Grande Autane ", dont ils faisaient parties, a intenté une action en justice contre l'architecte, la Mutuelle des Architectes Français (MAF) et plusieurs entreprises devant le tribunal de grande instance de Gap. Par cette ordonnance, la Mutuelle des Architectes Français, en sa qualité d'assureur dommages ouvrages, a été condamnée à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble " La grande Autane " une somme de 1 045 410,65 euros, à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur l'indemnisation de son préjudice matériel résultant du dommage de nature décennale affectant le talus. Les factures produites, d'un montant total de 1 004134,13 euros, attestent la réalité du montant des travaux engagés. Il ressort par ailleurs du rapport final de l'expert judiciaire du 28 août 2018, lequel a conclu à la responsabilité du maître de l'ouvrage, des maîtres d'œuvre et de certaines entreprises, qu'en raison des malfaçons constatées, la résidence était impropre à sa destination, ce qui la rendait inhabitable. L'expert confirme également que la réouverture de la résidence a été considérablement retardée par la durée de l'expertise judiciaire, qui a fait l'objet, en 2013, d'une scission entre la problématique de la stabilité du talus et les malfaçons des bâtiments. Enfin, l'arrêté du maire d'Orcières interdisant au public l'accès à la résidence, en date du 17 mars 2015, soit une date postérieure aux années en litige, confirme l'impossibilité de louer l'appartement des requérants au titre des années en litige ainsi que les démarches effectuées par les copropriétaires afin que la résidence " La Grande Autane " puisse être de nouveau exploitable. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, M. et Mme A... apportent la preuve, qui leur incombe, qu'ils ont accompli dès 2009 et pendant les années en litige les diligences suffisantes en vue de permettre la location de l'appartement dont ils étaient propriétaires, qui n'a pu être réalisée en raison de la fermeture de la résidence en cause, rendue impropre à sa destination compte tenu des graves malfaçons dont elle était affectée et eu égard à la durée de l'expertise judiciaire menée dans le cadre de l'action en justice collectivement introduite par les copropriétaires de l'immeuble. Dès lors, les requérants doivent être regardés comme ne s'étant pas réservés la jouissance de cet appartement. Par suite, les intérêts de l'emprunt que les contribuables ont contracté pour l'acquisition de ce logement, de même que les frais de gestion, étaient déductibles de leur revenu foncier, en application des dispositions, citées au point 2, du code général des impôts.

5. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à être déchargés des suppléments d'impôt sur le revenu et des majorations correspondantes auxquels ils ont été assujettis à raison de la remise en cause des déficits fonciers en litige au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement aux requérants de la somme de 1 000 euros qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1800377 du 12 novembre 2019 du tribunal administratif de Besançon est annulé.

Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés des suppléments d'impôt sur le revenu et des majorations correspondantes auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014 à raison des charges afférentes à l'acquisition de l'appartement en litige qu'ils ont imputées sur leurs revenus fonciers.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4: Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

5

N° 20NC00054


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00054
Date de la décision : 18/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-02-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL DE BESANCON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-11-18;20nc00054 ?
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