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18/11/2021 | FRANCE | N°19NC02686

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 18 novembre 2021, 19NC02686


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 6 juin 2017 par laquelle le chef de l'unité CDD du ministère du développement durable a refusé de faire droit à sa demande de réévaluation de sa rémunération, ainsi que le rejet de son recours gracieux formé contre cette décision le 11 juillet 2017.

Par un jugement n° 1705249 du 3 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces deux décisions et a enjoint au ministre de la transition é

cologique et solidaire de verser à M. B... une indemnité correspondant à 25 points d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 6 juin 2017 par laquelle le chef de l'unité CDD du ministère du développement durable a refusé de faire droit à sa demande de réévaluation de sa rémunération, ainsi que le rejet de son recours gracieux formé contre cette décision le 11 juillet 2017.

Par un jugement n° 1705249 du 3 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces deux décisions et a enjoint au ministre de la transition écologique et solidaire de verser à M. B... une indemnité correspondant à 25 points d'indice majoré par mois à compter du 30 décembre 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 août 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juillet 2019 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. B... en première instance.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est entaché d'une contradiction interne ;

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir qu'il avait soulevée devant eux tirée de la tardiveté de la requête ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que les règles définies dans la note du 21 octobre 2016, qui n'a fait l'objet d'aucune publicité, étaient applicables et invocables par le requérant ;

- à supposer même que cette note soit invocable, les premiers juges ont commis une erreur de droit en appliquant, à une demande d'avenant à un contrat déjà signé, des dispositions qui ne s'appliquaient qu'à des candidats au recrutement ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en donnant une portée rétroactive à l'annulation de la décision du 6 juin 2017.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2019, M. B... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient à titre principal, que la requête est irrecevable dès lors que les pièces transmises par le ministre à l'appui de son recours ne sont pas numérotées en méconnaissance des dispositions R. 412-2, R. 414-1, R. 414-3 et R. 811-13 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stenger,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ingénieur en système urbain, a été recruté le 30 décembre 2016 par un contrat à durée déterminée d'une durée de trois ans en qualité de chargé de mission " politique de déplacement et nouvelles mobilités " à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) du Grand Est. Par une décision du 6 juin 2017, le chef de l'unité CDD du ministère du développement durable a refusé de faire droit à sa demande de réévaluation de sa rémunération, refus implicitement confirmé à la suite du recours gracieux formé par le requérant le 11 juillet 2017, réceptionné le 17 juillet 2017. Par un jugement du 3 juillet 2019, dont le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces deux décisions et a enjoint au ministre de la transition écologique et solidaire de lui verser une " indemnité " correspondant à 25 points d'indice majoré par mois à compter du 30 décembre 2016.

Sur la régularité du jugement :

2. La contradiction de motifs au sein d'une décision juridictionnelle affecte son bien-fondé et non sa régularité. Par suite, le ministre de la transition écologique et solidaire n'est pas fondé à soutenir que le jugement est irrégulier en raison de la contradiction des motifs qui, selon lui, figurerait en ses points 3 et 6 et qui serait relative au fait que M. B... n'a pas demandé l'annulation de son contrat de recrutement mais les refus de l'administration de réévaluer sa rémunération par avenant à son contrat.

Sur la recevabilité de la requête de première instance :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " (...) la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Le ministre soutient que la requête présentée le 26 octobre 2017 par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg était tardive dès lors que le contrat à durée déterminée du 16 décembre 2016 contesté indiquait les voies et délais de recours dans son article 9. Toutefois, comme il vient d'être dit au point précédent, M. B... n'a pas sollicité l'annulation de son contrat de recrutement mais celle des refus de l'administration de faire droit à sa demande d'augmenter, par voie d'avenant, sa rémunération. Ainsi, la requête de M. B..., enregistrée le 26 octobre 2017 au greffe du tribunal administratif de Strasbourg, a été présentée dans le délai de recours contentieux de deux mois prévu par les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative qui a suivi la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'il avait introduit, le 11 juillet 2017, contre le rejet de sa demande d'avenant du 6 juin 2017, et qui avait été réceptionné le 17 septembre 2017. Par suite, la requête de M. B..., introduite le 26 octobre 2017 devant les premiers juges, n'était pas tardive.

Sur la légalité de la décision de refus du 6 juin 2017 et de la décision implicite de refus née le 17 septembre 2017 :

4. En premier lieu, il ne ressort pas des termes du jugement attaqué que les points 3 et 6 soient contradictoires au motif qu'au point 3, il est indiqué que " M. B... ne sollicite pas l'annulation de son contrat mais conteste les refus de l'administration de faire droit à sa demande d'augmenter par voie d'avenant, sa rémunération", alors qu'au point 6, il est fait référence à la note de service du 21 octobre 2016 relative au recrutement des agents contractuels et donc au contrat de recrutement. De même, le point 3 n'est pas en contradiction avec le dispositif du jugement qui donne une portée rétroactive à l'annulation des deux décisions en litige à compter du 30 décembre 2016, date d'embauche de M. B.... Par suite, le moyen tiré d'une contradiction interne entre les motifs du jugement attaqué doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1-3 du décret du 17 janvier 1986 susvisé : " Le montant de la rémunération est fixé par l'autorité administrative, en prenant en compte, notamment, les fonctions occupées, la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par l'agent ainsi que son expérience (...) ".

6. La note de service du 21 octobre 2016 par laquelle le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer et le ministre du logement et de l'habitat durable ont défini, à destination de leurs services, les modalités des recrutements exceptionnels d'agents contractuels de catégorie A d'ici la fin de l'année 2016, et à laquelle était joint un contrat type, prescrit notamment que la rémunération de ces agents est fixée à l'indice majoré 560 et assortie de 25 points d'indice majoré pour chaque tranche de trois années d'expérience réalisé dans un emploi équivalent à la catégorie A. Contrairement à ce que soutient le ministre, les dispositions de cette note en matière de rémunération, que les ministres concernés étaient compétents pour édicter en vertu des dispositions précitées de l'article 1-3 du décret du 17 janvier 1986, dans l'exercice de leurs prérogatives d'organisation des services placés sous leur autorité, ne sont pas des lignes directrices mais revêtent sur ce point un caractère règlementaire. Par suite, le moyen tiré de l'absence de publication et partant d'opposabilité des lignes directrices relatives à la rémunération des agents contractuels de catégorie A doit être écarté comme inopérant. Par ailleurs, la note de service en litige ne saurait pas davantage être regardée comme une circulaire entrant dans le champ d'application du code des relations entre le public et l'administration, notamment ses articles L. 312-2 et R. 312-3 relatifs à la publication des " circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. ". Par suite, le moyen, tel qu'il est articulé par le ministre, tiré de ce que la note de service du 21 octobre 2016 n'est pas opposable à la situation de M. B..., ni invocable par lui, au motif qu'elle n'a pas fait l'objet d'une publication dans les conditions prévues par ces deux articles, doit également être écarté comme inopérant.

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté, que M. B... justifie avoir une expérience de plus trois années sur un poste de catégorie A de la fonction publique, établie par une attestation de l'IFFSTAR du 5 décembre 2016, dont il a informé l'autorité compétente à plusieurs reprises, notamment avant la signature de son contrat du 30 décembre 2016. Dans ces conditions, le ministre de la transition écologique et solidaire n'est pas fondé à soutenir que les règles, ainsi définies dans la note du 21 octobre 2016, qu'il était tenu de respecter en raison de leur caractère réglementaire, n'étaient pas applicables à la situation de M. B....

8. En troisième lieu, le ministre de la transition écologique et solidaire n'est pas fondé à soutenir que l'administration ne pouvait pas appliquer à une demande d'avenant à un contrat déjà signé des dispositions qui ne s'appliquent qu'à des candidats au recrutement dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... ne pouvait pas faire le rapport entre la rémunération sous forme monétaire, annoncée par message par l'administration avant la signature de son contrat de recrutement, et celle figurant sur son contrat sous forme d'indice et qui ne tenait pas compte de ses trois années d'expérience. Ainsi, la demande de l'intéressé tendant à la réévaluation de sa rémunération par avenant à son contrat de recrutement en qualité d'agent contractuel entrait dans le champ d'application de la note de service du 21 octobre 2016. Par suite, ce moyen doit être écarté.

9. En dernier lieu, le ministre de la transition écologique et solidaire soutient que l'annulation contentieuse de la décision du 6 juin 2017, prononcée par le tribunal administratif de Strasbourg, ne pouvait pas avoir une portée rétroactive. Toutefois, l'annulation de cette décision par le juge de l'excès de pouvoir a nécessairement un effet rétroactif dès lors qu'elle implique, en principe, que cet acte administratif est réputé n'être jamais intervenu. Par ailleurs, et à supposer que le ministre ait entendu soulevé le moyen tiré de ce qu'un avenant au contrat initial de M. B... ne pourrait pas avoir une portée rétroactive, le principe général de non-rétroactivité des décisions administratives ne fait pas en lui-même obstacle à ce que des avenants à un contrat de recrutement d'un agent public modifient rétroactivement le niveau de la rémunération convenue entre l'agent et l'administration qui l'emploie, à la double condition que les effets de ces avenants ne s'étendent pas à des personnes qui ne seraient pas parties au contrat de recrutement et que, pendant les périodes au titre desquelles de tels avenants sont rétroactifs, les niveaux de rémunération en résultant respectent les règles ci-dessus rappelées, notamment celles fixées dans la note du 21 octobre 2016 en matière de fixation de la rémunération des agents contractuels.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que le ministre de la transition écologique et solidaire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit aux demandes de M. B....

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... C... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de la transition écologique et solidaire est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire et à M. A... B....

5

N° 19NC02686


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02686
Date de la décision : 18/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-06-01 Fonctionnaires et agents publics. - Notation et avancement. - Notation.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : AARPI GARTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-11-18;19nc02686 ?
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