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03/11/2021 | FRANCE | N°20NC03263

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 03 novembre 2021, 20NC03263


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 avril 2020 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2003947 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure de

vant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2020, Mme E... B..., représentée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 avril 2020 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2003947 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2020, Mme E... B..., représentée par Me Delville, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 septembre 2020 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 30 avril 2020 ;

3°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

C... soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née en 1986 et de nationalité kosovare, serait entrée irrégulièrement en France le 17 septembre 2018 selon ses déclarations, accompagnée de son époux et de leurs sept enfants. C... a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 mars 2019 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 12 juin 2019. Le 11 octobre 2019, Mme B... a déposé une demande de titre de séjour en raison de son état de santé. Par arrêté du 30 avril 2020, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme B... relève appel du jugement du 29 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 30 avril 2020.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 15 décembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a admis la requérante au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par conséquent, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

5. La requérante soutient qu'elle souffre de graves troubles psychiatriques nécessitant un traitement médical lourd dont C... ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine. C... fait valoir également qu'elle ne peut voyager sans risque souffrant de crises d'agressivité. C... se prévaut également de l'état de santé de sa fille D... et des malformations cardiaques graves de deux de ses enfants.

6. A... ressort des pièces du dossier que pour refuser la demande de titre de séjour de Mme B... et prendre à son encontre une mesure d'éloignement, le préfet s'est fondé notamment sur un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 26 mars 2020, rendu après examen de l'intéressée au stade de l'élaboration du rapport, qui a estimé que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, C... peut y bénéficier effectivement de soins. Il ajoute que l'intéressée peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester cet avis, la requérante se borne à produire une attestation d'infirmières à domicile intervenant auprès d'elle, et ce quotidiennement trois fois par jour, pour la prise de ses médicaments, ainsi que des certificats médicaux de psychiatres détaillant sa pathologie et le traitement. Aucun de ces documents ne mentionne une indisponibilité du traitement médical de Mme B... au Kosovo ni l'impossibilité pour C... de bénéficier d'un suivi adapté. Pour la première fois en appel, la requérante produit également un certificat de l'hôpital de Fushe-Kosove du 20 juillet 2020 qui indique que l'intéressée a été une patiente régulière du centre hospitalier et qu'elle " a été guérie de problèmes psychiques, de dos et d'asthme ". Il est précisé ensuite qu' " en raison des techniques et méthodes qui sont de faibles niveaux au Kosovo, nous ne sommes pas en mesure de fournir le remède et nous lui recommandons de consulter des médecins spécialisées à l'étranger ". Ce certificat, au demeurant contradictoire dans ses termes quant à l'état de santé de Mme B..., qui mentionne uniquement les capacités de soins d'un centre hospitalier d'une ville de taille moyenne, ne saurait démontrer l'insuffisance du système de santé kosovare dans son ensemble pour prendre en charge la pathologie de la requérante. Enfin, la demande de titre de séjour de Mme B..., qui a été rejetée par l'arrêté attaqué, ne portait que sur son état de santé. Par conséquent, la requérante ne peut utilement se prévaloir des problèmes de santé de sa fille et de ses autres enfants à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, la requérante ne démontre pas qu'elle ne pourrait pas avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine. C... n'apporte non plus aucun élément justifiant qu'elle ne pourrait voyager sans risque. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

8. D'une part, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 6 du présent arrêt, Mme B... ne saurait soutenir qu'elle sera exposée à des traitements inhumains ou dégradants au motif qu'elle n'aura pas accès au Kosovo aux soins nécessités par son état de santé. D'autre part, si pour la première fois en appel, la requérante produit deux attestations d'anciens voisins au Kosovo qui précisent que la famille encourt des risques avec les albanais et les kosovares, ces éléments ne sont pas suffisamment probants pour justifier de la réalité de risques actuels et personnels qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine. Au demeurant, sa demande de protection a été rejetée par l'OFPRA et la CNDA, ainsi que celle présentée par son mari. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Mme B... n'était en France que depuis un an et demi à la date de l'arrêté attaqué, la durée de son séjour résulte pour partie de l'instruction de sa demande d'asile. La requérante n'apporte aucun élément sur les liens privés et familiaux auxquels l'arrêté contesté aurait porté une atteinte excessive, ni sur son intégration dans la société française, notamment par le suivi de cours d'apprentissage du français. Son époux a fait également l'objet d'une mesure d'éloignement le 29 septembre 2019 et n'a ainsi pas vocation à demeurer en France. Mme B... n'apporte aucun élément concernant les pathologies cardiaques dont souffriraient deux de ses enfants et C... n'établit pas que la kinésithérapie, l'ergothérapie et les appareillages dont bénéficie sa fille D... auprès du pôle de médecine physique et de réadaptation de l'établissement de santé de Freyming-Merlebach ne pourraient pas être assurés dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la requérante ne justifie pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux. Il s'ensuit que l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels C... a été prise. Par suite, le préfet n'a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 20NC03263


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03263
Date de la décision : 03/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : DELVILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-11-03;20nc03263 ?
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