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03/11/2021 | FRANCE | N°20NC03069

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 03 novembre 2021, 20NC03069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 11 mars 2020 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000728 du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2

020, M. A... B..., représenté par Me Hami-Znati, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 11 mars 2020 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000728 du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2020, M. A... B..., représenté par Me Hami-Znati, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 juin 2020 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 11 mars 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision de refus de séjour :

- la décision a été édictée par une autorité incompétente ;

- cette décision est entachée d'erreurs de fait démontrant qu'elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 33 de la convention de Genève ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été édictée par une autorité incompétente ;

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été informé qu'il pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'il ne lui a pas été proposé de faire valoir ses observations ;

- cette décision méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant un pays de destination

- elle a été édictée par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ;

- elle méconnaît également l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né en 1997 et de nationalité albanaise, est entré irrégulièrement en France le 10 octobre 2017. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 7 janvier 2018 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 22 janvier 2018. Il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 17 août 2018 qu'il n'a pas exécutée. Le 1er octobre 2018, il a déposé une demande de réexamen qui a été rejetée par l'OFPRA le 5 octobre 2018. La CNDA a rejeté à nouveau sa demande d'asile le 10 avril 2019. L'intéressé a fait l'objet d'une seconde mesure d'éloignement le 25 février 2019. Il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français. Il a sollicité une demande de titre de séjour en qualité de salarié le 30 décembre 2019. Par arrêté du 11 mars 2020, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 26 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 11 mars 2020.

Sur l'arrêté dans son ensemble :

2. Dans sa requête d'appel, M. B... se borne à reprendre les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen particulier, d'erreur de faits, ainsi que celui du vice de compétence dont serait entaché l'arrêté contesté, déjà soulevés en première instance, sans les assortir d'aucune justification nouvelle, ni d'aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à juste titre par le premier juge aux points 2 à 5, 13 et 15 de son jugement.

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

4. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant par là-même des motifs exceptionnels exigés par la loi. Il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

5. En se bornant à invoquer la durée de sa présence en France, consécutive au demeurant au délai d'instruction de sa demande d'asile et de sa demande de réexamen, à se prévaloir de son insertion sociale et professionnelle, ainsi que d'une promesse d'embauche et d'une demande d'autorisation de travail, M. B... ne justifie pas que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". Aux termes de l'article 9 du code civil : " Chacun a droit au respect de sa vie privée (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... était en France depuis deux ans et demi à la date de la décision attaquée, la durée de son séjour résultant pour partie de l'examen de sa demande d'asile ainsi que de sa demande de réexamen. Il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français malgré deux mesures d'éloignement prises à son encontre les 17 août 2018 et 25 février 2019. S'il se prévaut de la présence régulière en France de sa sœur et de son beau-frère, il ne justifie pas des relations qu'il a avec cette dernière alors qu'il est domicilié dans un hébergement d'urgence. Enfin, les seules circonstances qu'il a participé à des ateliers sociolinguistiques, à des actions de bénévolat, et bénéficie d'une promesse d'embauche, ne suffisent pas à démontrer une insertion particulière en France. Par suite, et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations.

8. En troisième lieu, M. B... ne saurait utilement invoquer, pour contester la légalité d'une décision administrative, les dispositions de l'article 9 du code civil aux termes desquelles " chacun a droit au respect de sa vie privée (...) ".

9. En quatrième lieu, M. B... ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 33 de la convention de Genève à l'appui de ses conclusions dirigées à l'encontre de la décision de refus de séjour, cette décision n'ayant ni pour objet ni pour effet de l'éloigner.

10. En cinquième lieu, pour les motifs qui viennent d'être exposés, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer que, en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet, le cas échéant, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ou de compléter ses observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français, laquelle est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.

12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait vainement sollicité un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il aurait été empêché, lors du dépôt et au cours de l'instruction de sa demande de titre de séjour, de faire valoir auprès de l'administration tous les éléments jugés utiles à la compréhension de sa situation personnelle. Par suite et alors que l'intéressé ne pouvait raisonnablement ignorer que, en cas de rejet de cette demande, il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français, ayant déjà fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire français, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, tel que garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne, ne peut qu'être écarté.

13. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de la violation de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la violation des dispositions de l'article 9 du code civil et de l'erreur manifeste d'appréciation.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". L'article 33 de la convention de Genève stipule par ailleurs : " 1. Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. (...) ".

15. D'une part, M. B..., qui n'a pas la qualité de réfugié, ne saurait utilement invoquer les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut de réfugiés. D'autre part, si le requérant soutient craindre des persécutions en cas de retour dans son pays d'origine, appartenant à la minorité ethnique des égyptiens d'Albanie, il ne produit par ailleurs aucun élément de nature à établir qu'il encourt effectivement un risque personnel et actuel en cas de retour. Au demeurant, sa demande d'asile ainsi que sa demande de réexamen ont été rejetées définitivement par la CNDA. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de la décision portant fixation du pays de destination :

16. Compte tenu de ce qui a déjà été dit, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 9 du code civil, et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

17. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.

2

N° 20NC03069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03069
Date de la décision : 03/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : HAMI - ZNATI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-11-03;20nc03069 ?
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