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28/10/2021 | FRANCE | N°20NC03205

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 28 octobre 2021, 20NC03205


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001676 du 20 octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 novembre 2020

, M. B..., représenté par Me Bourchenin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001676 du 20 octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 novembre 2020, M. B..., représenté par Me Bourchenin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 du préfet de Meurthe-et-Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de l'admettre exceptionnellement au séjour et de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié " ou, à titre subsidiaire, " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation et du défaut d'examen attentif quant à l'existence de nouveaux motifs justifiant le dépôt de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;

- la décision attaquée est entachée d'un défaut d'examen attentif de sa situation dès lors que le préfet a d'abord étudié sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail avant celle au titre de sa vie privée et familiale ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen attentif de sa situation au regard de l'existence de nouveaux éléments justifiant le dépôt de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est fondé sur la circonstance que le métier pour lequel il a présenté une promesse d'embauche ne figurait pas sur la liste des métiers " en tension " définie par arrêté ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il dispose d'une demande d'autorisation de travail, d'une lettre motivant son recrutement et d'une promesse d'embauche et justifie de ses qualifications et expérience professionnelles ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à sa situation personnelle et familiale ;

- il justifie d'une menace grave, directe et individuelle contre sa vie et son intégrité physique qui n'a pas été prise en considération.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 10 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 27 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ukrainien né le 3 septembre 1991, est entré en France, selon ses déclarations, le 1er décembre 2011. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 18 juillet 2013 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 24 février 2014. Le préfet de Meurthe-et-Moselle a alors pris à son encontre un arrêté préfectoral le 4 avril 2014 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. M. B... a sollicité le 7 décembre 2016 un titre de séjour en faisant valoir sa situation personnelle et familiale. Par arrêté préfectoral du 17 juillet 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle a de nouveau pris à son encontre une décision portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Le 21 février 2020, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 22 juin 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 20 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. B... avait soulevé devant le tribunal administratif de Nancy les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et du défaut d'examen attentif de sa situation par le préfet au regard des nouveaux éléments justifiant le dépôt de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, notamment la naissance de son neveu et de sa nièce ainsi que la production d'une promesse d'embauche, d'une lettre de la société employeur et d'une demande d'autorisation de travail. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Nancy a expressément répondu aux moyens contenus dans le mémoire produit par le requérant. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, fait référence à ces nouveaux éléments aux points 3, 4 et 6 de son jugement et a considéré qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen attentif de la situation de M. B... au regard de ceux-ci et que le préfet n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre au séjour. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral :

3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2./ L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité figurant dans la liste annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tels dans l'arrêté du 18 janvier 2008, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

4. En premier lieu, alors même que le préfet a examiné la demande de M. B... d'admission exceptionnelle au séjour au motif du travail antérieurement à celle déposée au titre de la vie privée et familiale, il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de M. B... avant de rejeter sa demande de titre de séjour.

5. En deuxième lieu, il ressort de la décision litigieuse que le préfet a refusé au requérant une régularisation au motif du travail en se fondant sur la circonstance que s'il produisait une promesse d'embauche pour un contrat à durée indéterminée, il ne justifiait pas de la qualification et de l'expérience professionnelle dans le domaine de l'emploi proposé par la société ATP SAS et que le métier n'était de surcroit pas caractérisé par des difficultés de recrutement dans la région.

6. Si le requérant produit une attestation du directeur de la société selon laquelle il rencontrerait des difficultés de recrutement pour l'emploi de ponteur proposé à M. B..., cet élément est, en tout état de cause, sans incidence dès lors que le requérant n'établit pas, par la seule production de son curriculum vitae, qu'il disposerait de la qualification et de l'expérience nécessaire pour occuper un tel poste. Par ailleurs et contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet ne s'est pas uniquement fondé sur la circonstance que le métier pour lequel il a présenté une promesse d'embauche ne figurait pas sur la liste des métiers " en tension " définie par arrêté. Dans ces conditions, c'est sans entacher sa décision d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet a pu refuser de régulariser M. B... sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Si M. B... fait valoir qu'il est présent en France depuis le mois de décembre 2011 et que ses grands-parents, ses parents, son frère, son neveu, né le 5 mai 2017, et sa nièce, née le 6 juillet 2020, résident en France, il ressort toutefois des pièces du dossier que seuls ses grands-parents et un de ses frères résident de manière régulière sur le territoire français. En outre, M. B... est célibataire et sans charge de famille. Il ne produit par ailleurs aucune pièce de nature à démontrer qu'il aurait noué des attaches privées en France. Si le requérant a suivi des cours de français de janvier 2013 à juillet 2017, cet élément est insuffisant pour démontrer son insertion au sein de la société française. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et méconnaitrait par suite les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

9. En quatrième lieu, compte tenu notamment des circonstances mentionnées au point précédent, lesquelles ne révèlent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 précité.

10. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. En se bornant à soutenir que la décision litigieuse n'a pas pris en considération la circonstance qu'il existe une menace grave, directe et individuelle contre sa vie et son intégrité physique en cas de retour dans son pays d'origine, le requérant, dont au demeurant la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, n'établit pas ce risque. Le moyen ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions aux fins d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

6

N° 20NC03205


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03205
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BOURCHENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-28;20nc03205 ?
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