Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1907763 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée, le 19 juin 2020, M. B..., représenté par Me Gangloff, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 22 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Gangloff sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
sur le refus de titre de séjour :
- cette décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle porte atteinte à sa vie privée et familiale ;
- elle ne prend pas en compte l'intérêt supérieur des enfants.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 7 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Ghisu-Deparis, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant du Nigeria né en 1976, est entré en France en 2015, selon ses déclarations. Le 14 décembre 2018, il a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 juillet 2019, le préfet du Bas-Rhin a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des dispositions du 7° de l'article L. 313-11, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : " A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... déclare être entré en France en 2015. Il entretient une relation avec une ressortissante nigériane, titulaire du statut de réfugié avec laquelle il a eu deux enfants nés le 2 mai 2017 et le 7 septembre 2018. Il démontre vivre avec sa compagne depuis au moins 2017. Par les attestations qu'il produit dont une émane de la directrice de la maison de la petite enfance, il justifie participer à l'éducation de ses enfants avec lesquels, au demeurant, il vit. En l'absence de toute possibilité de reconstitution de la cellule familiale au Nigeria en raison de la qualité de réfugiée de sa compagne, le refus de titre de séjour en litige porte, dans les circonstances de l'espèce, nonobstant la brièveté de la relation au jour de la décision attaquée, au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et méconnaît, ainsi, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le refus de titre du 22 juillet 2019 en litige encourt donc l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
4. L'exécution du présent jugement implique, en l'absence de changement de circonstances de droit et de fait, qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à M. B... d'une part un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et d'autre part, dans cette attente, immédiatement, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
5. Il résulte de tout ce qui précède M. B... est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2019 et ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés à l'instance :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Gangloff, conseil de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gangloff de la somme de 1200 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1907763 du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 22 juillet 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à M. B... d'une part un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et d'autre part, dans cette attente, immédiatement, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Gangloff une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gangloff renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
4
N° 20NC01249