Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Koenigsmacker a rejeté sa demande du 20 décembre 2016 tendant à ce qu'il lui soit accordé le report des congés annuels non pris lors des années 2012, 2013 et 2014, ainsi que le bénéfice des congés dits de " jour de linge " pour les années 2015 et 2016, d'autre part, de condamner cette commune à lui verser la somme de 1 456 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de ces refus.
Par un jugement n° 1701739 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 août 2019, Mme A..., représentée par Me Geny la Rocca, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1701739 du tribunal administratif de Strasbourg du 18 juin 2019 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Koenigsmacker a rejeté sa demande du 20 décembre 2016 tendant à ce qu'il lui soit accordé le report des congés annuels qu'elle n'a pas pu prendre au cours des années 2012, 2013 et 2014, ainsi que le bénéfice des congés dits de " jour de linge " pour les années 2015 et 2016 ;
3°) de condamner la commune de Koenigsmacker à lui verser la somme de 1 456 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de ces refus de congés ;
4°) d'enjoindre à la commune de Koenigsmacker de l'autoriser à prendre les congés litigieux ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Koenigsmacker la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, tant la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que celle du Conseil d'Etat ne limitent pas le droit au report des congés annuels non pris en raison de la maladie d'un agent à une période de 15 mois ; elle a ainsi le droit au report des soixante jours de congés annuels qu'elle n'a pas pu prendre lorsqu'elle était placée en congé maladie du 12 mai 2012 au 6 mars 2015 ;
- elle doit également bénéficier du congé dit de " jour de linge " dès lors qu'elle en a continuellement bénéficié depuis 1999 et qu'aucun arrêté lui retirant le droit à ce congé n'a été adopté ;
- la commune de Koenigsmacker a commis une faute en lui refusant illégalement l'octroi de ses congés, de sorte qu'elle doit lui verser la somme de 1 456 euros correspondant au coût du voyage qu'elle a été contrainte d'annuler en raison du refus de la commune.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2020, la commune de Koenigsmacker, représentée par Me Merll, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la requérante la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la décision implicite du 24 février 2016 est purement confirmative de la décision du 10 mars 2016, par laquelle le maire de la commune avait déjà refusé la demande de report de congés ; la requérante n'ayant pas contesté la décision du 10 mars 2016 dans les délais de recours contentieux, ses conclusions contre la décision implicite du 24 février 2016 sont nécessairement tardives ;
- les moyens soulevés par la requérante sont, en tout cas, infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;
- l'arrêt C-214/10 du 22 novembre 2011 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marchal,
- et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... est adjointe technique territoriale et assure, pour la commune de Koenigsmacker, des fonctions de gardiennage et d'entretien. A la suite d'un accident de service le 13 février 2012, elle a été placée en arrêt de travail pour accident de service du 15 mars 2012 au 5 juin 2013, puis en congé de maladie ordinaire du 6 juin 2013 au 5 juin 2014, avant d'être placée en disponibilité d'office à compter du 6 juin 2014. Mme A... a repris ses fonctions à compter du 6 mars 2015. Mme A... a, par un courrier du 20 décembre 2016, reçu le 23 décembre 2016, demandé à la commune de Koenigsmacker de lui accorder le report des congés annuels qu'elle n'a pas pu prendre au cours des années 2012, 2013 et 2014, ainsi que le bénéfice des congés dits de " jour de linge " pour les années 2015 et 2016. Mme A... fait appel du jugement du 18 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite du maire rejetant sa demande du 20 décembre 2016 et a, d'autre part, refusé de condamner la commune de Koenigsmacker à lui verser la somme de 1 456 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de ce refus illégal.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet du maire de la commune de Koenigsmacker :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux dans sa version applicable à l'espèce " Tout fonctionnaire territorial en activité a droit, dans les conditions et sous les réserves précisées aux articles ci-après, pour une année de service accompli du 1er janvier au 31 décembre, à un congé annuel d'une durée égale à cinq fois ses obligations hebdomadaires de service. Cette durée est appréciée en nombre de jours effectivement ouvrés. (...) ". L'article 2 du même article rappelle que : " Les fonctionnaires qui n'exercent pas leurs fonctions pendant la totalité de la période de référence ont droit à un congé annuel dont la durée est calculée au prorata de la durée des services accomplis ". Enfin, l'article 5 de ce décret précise que : " Sous réserve des dispositions de l'article précédent, le congé dû pour une année de service accompli ne peut se reporter sur l'année suivante, sauf autorisation exceptionnelle donnée par l'autorité territoriale. / Un congé non pris ne donne lieu à aucune indemnité compensatrice ".
3. Aux termes de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 relative à certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales / 2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail ". Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, ces dispositions font obstacle à ce que le droit au congé annuel payé qu'un travailleur n'a pas pu exercer pendant une certaine période parce qu'il était placé en congé de maladie pendant tout ou partie de cette période s'éteigne à l'expiration de celle-ci. Le droit au report des congés annuels non exercés pour ce motif n'est toutefois pas illimité dans le temps. Si, selon la Cour, la durée de la période de report doit dépasser substantiellement celle de la période au cours de laquelle le droit peut être exercé, pour permettre à l'agent d'exercer effectivement son droit à congé sans perturber le fonctionnement du service, la finalité même du droit au congé annuel payé, qui est de bénéficier d'un temps de repos ainsi que d'un temps de détente et de loisirs, s'oppose à ce qu'un travailleur en incapacité de travail durant plusieurs années consécutives puisse avoir le droit de cumuler de manière illimitée des droits au congé annuel payé acquis durant cette période. La Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans son arrêt C-214/10 du 22 novembre 2011, qu'une durée de report de quinze mois, substantiellement supérieure à la durée de la période annuelle au cours de laquelle le droit peut être exercé, est compatible avec les dispositions de l'article 7 de la directive.
4. Les dispositions de l'article 5 du décret du 26 novembre 1985 précité qui ne prévoient le report des congés non pris au cours d'une année de service qu'à titre exceptionnel, sans réserver le cas des agents qui ont été dans l'impossibilité de prendre leurs congés annuels en raison d'un congé de maladie, sont, dans cette mesure, incompatibles avec les dispositions de l'article 7 de la directive citée au point 3 et, par suite, illégales. En revanche, ces mêmes dispositions permettent en principe à l'autorité territoriale de rejeter une demande de report des jours de congés annuels non pris par un fonctionnaire territorial en raison d'un congé de maladie lorsque cette demande est présentée au-delà d'une période de quinze mois qui suit l'année au titre de laquelle les droits à congé annuels ont été ouverts.
5. Mme A... a été placée en congé de maladie du 15 mars 2012 au 5 juin 2014 et a ainsi été empêchée d'exercer son droit au bénéfice de congés annuels au titre des années 2012, 2013 et 2014. Tel qu'il a été indiqué au point 4, Mme A... pouvait donc demander le report de ces jours de congés annuels dans un délai de quinze mois suivant l'année au titre de laquelle les droits ont été ouverts. Ainsi Mme A... pouvait demander le report de ses congés annuels pour 2012, 2013 et 2014 respectivement jusqu'au 1er avril 2014, jusqu'au 1er avril 2015 et jusqu'au 1er avril 2016. Or, ce n'est que par un courrier du 20 décembre 2016 que Mme A... a demandé à la commune de Koenigsmacker le report de ses congés annuels acquis au titre des années 2012 à 2014. Par suite, le moyen tiré de ce que Mme A... avait droit au report de ses congés annuels acquis au titre de l'année 2012, 2013 et 2014 doit en tout état de cause être écarté.
6. En second lieu, Mme A... reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision litigieuse méconnaît son droit au bénéfice du congé dit de " jour de linge ". Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par la commune, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet du maire de la commune de Koenigsmacker.
Sur les conclusions indemnitaires :
8. Il résulte de ce qui précède que la décision implicite litigieuse, par laquelle la commune de Koenigsmacker a refusé de faire droit à la demande de reports de congés de Mme A..., n'est pas illégale et ne saurait donc permettre d'engager la responsabilité de la commune à raison de la faute qui aurait découlé d'une telle illégalité. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin de condamnation de la commune de Koenigsmacker.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Koenigsmacker, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la commune de Koenigsmacker.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Koenigsmacker sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... et à la commune de Koenigsmacker.
N° 19NC02676 4