Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'opposition à tiers détenteur émise le 19 mars 2015 par le trésorier de Thionville et Trois-Frontières pour le compte de la commune de Koenigsmacker aux fins de recouvrement d'une somme de 3 994,88 euros correspondant aux loyers de son logement de fonction non versés entre avril et décembre 2013, d'autre part, de condamner cette commune à lui verser la somme de 9 503,24 euros au titre des loyers qu'elle a versés entre février 2012 et mars 2013 et des sommes prélevées sur ses traitements en recouvrement des loyers non payés entre avril et décembre 2013.
Par un jugement n° 1703963 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 août 2019, Mme A..., représentée par Me Geny la Rocca, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1703963 du tribunal administratif de Strasbourg du 18 juin 2019 ;
2°) d'annuler l'opposition à tiers détenteur délivrée par le trésorier de Thionville et Trois-Frontières pour le compte de la commune de Koenigsmacker le 19 mars 2015 et portant sur une somme de 3 994,88 euros correspondant aux loyers non versés entre avril et décembre 2013 de son logement de fonction ;
3°) de condamner la commune de Koenigsmacker à lui verser la somme de 9 503,24 euros au titre des loyers qu'elle a versés entre février 2012 et mars 2013 et des sommes prélevées sur ses traitements en recouvrement des loyers non payés entre avril et décembre 2013 ;
4°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Koenigsmacker et du trésorier de Thionville et Trois-Frontières la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ses demandes indemnitaires et à fin d'annulation de l'opposition à tiers détenteur ne sont pas tardives ;
- le logement mis à disposition par la commune de Koenigsmacker n'était, à compter du mois de février 2012, plus décent au sens de l'article 1719 du code civil et de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, de sorte que, par exception d'inexécution, elle n'avait plus à payer les redevances pour le logement sur cette période ; la somme visée par l'opposition à tiers détenteur de 3 944,88 euros correspond aux loyers non versés entre avril et décembre et ne saurait donc lui être exigée ;
- en raison de l'absence de caractère décent du logement mis à sa disposition à compter du mois de février 2012, elle est également fondée à demander la condamnation de la commune de Koenigsmacker à lui verser une somme globale de 9 503,24 euros correspondant au montant des loyers qu'elle lui a indûment versés entre février 2012 et mars 2013 et au montant des prélèvements effectués sur son traitement au titre du recouvrement des impayés pour la période d'avril à décembre 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2020, la commune de Koenigsmacker, représentée par Me Merll, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la requérante la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les conclusions à fin d'annulation de l'avis à tiers détenteur sont irrecevables car tardives ;
- les moyens soulevés par la requérante sont, en tout cas, non fondés.
La requête a été communiquée à la direction départementale des finances publiques de la Moselle, qui n'a pas présenté d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 du 23 décembre 1986 ;
- la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990 ;
- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;
- l'arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine mentionnées aux articles R. 1321-2, R. 1321-3, R. 1321-7 et R. 1321-38 du code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marchal,
- et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... est adjointe technique territoriale et assure, pour la commune de Koenigsmacker, des fonctions de gardiennage et d'entretien de la salle polyvalente de cette commune. Par un arrêté du 24 juillet 2008, le maire de cette commune lui a concédé la jouissance du logement de fonction situé au 32 rue du Stade, à compter du 1er août 2008, contre une redevance mensuelle de 400 euros revalorisée annuellement. Mme A... a toutefois quitté ce logement à compter du mois de février 2012. Elle a également arrêté de s'acquitter des redevances dues pour ce logement à partir du mois d'avril 2013 avant qu'il soit mis fin, à sa demande, à la mise à disposition du logement à compter du 31 décembre 2013. Le trésorier de Thionville et Trois-Frontières a notifié à Mme A..., sur le fondement des titres exécutoires émis par la commune de Koenigsmacker, une opposition à tiers détenteur, datée du 19 mars 2015, pour un montant de 3 994,88 euros correspondant aux redevances non payées pour le logement entre avril et décembre 2013, ainsi qu'à la redevance pour ordures ménagères au titre de l'année 2013. Mme A... fait appel du jugement du 18 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cette opposition à tiers détenteur et a refusé de condamner la commune de Koenigsmacker à lui verser la somme de 9 503,24 euros correspondant aux préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la mise à disposition d'un logement non décent.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'opposition à tiers détenteur :
2. Aux termes de l'article 1219 du code civil : " Une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ". Aux termes de l'article 1719 du même code : " Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière : / 1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ; (...) ". L'article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 prévoit que : " Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. Un décret en Conseil d'Etat définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en œuvre échelonnée. (...) ".
3. Mme A... soutient qu'elle pouvait, par exception d'inexécution, refuser unilatéralement de verser les redevances dues pour la mise à disposition de son logement de fonction au motif que ce logement n'était pas décent au sens des dispositions des articles 1719 du code civil et 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée. Pour autant, la possibilité de refuser d'exécuter une obligation, par la voie de l'exception d'inexécution, suppose l'existence d'un engagement contractuel entre des parties et l'inexécution préalable par l'une des parties de l'une des obligations contractuelles. Or, la mise à disposition du logement de fonction dont bénéficiait Mme A... ne résultait pas d'une convention synallagmatique entre la commune et la requérante, mais de l'arrêté du maire de la commune de Koenisgsmacker du 24 juillet 2008, soit un acte unilatéral. Par suite, Mme A... ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'elle pouvait suspendre le paiement des redevances par exception d'inexécution.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par la commune, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'opposition à tiers détenteur.
Sur les conclusions indemnitaires :
5. Aux termes de l'article 2 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985: " Dans les collectivités et établissements mentionnés à l'article 1er, les locaux et installations de service doivent être aménagés, les équipements doivent être réalisés et maintenus de manière à garantir la sécurité des agents et des usagers. Les locaux doivent être tenus dans un état constant de propreté et présenter les conditions d'hygiène et de sécurité nécessaires à la santé des personnes ". Aux termes de l'article 2-1 du même décret : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ". Il résulte de ces dispositions que les logements de fonction concédés par les collectivités territoriales à leurs agents doivent présenter les conditions d'hygiène et de sécurité nécessaires à la santé des personnes.
6. Mme A... soutient qu'à compter du mois de février 2012, le logement mis à sa disposition ne satisfaisait plus aux exigences d'une habitation décente, dès lors qu'il faisait l'objet de coupures d'eau et que, de plus, l'eau distribuée était rendue impropre à la consommation en raison de la vétusté des canalisations du logement. La requérante indique qu'elle a averti le maire de la commune de Koenigsmacker de ces problèmes d'alimentation en eau et que, ne pouvant rester dans ce logement rendu inhabitable, elle a été contrainte de quitter le logement et de s'installer dans une autre habitation. Si Mme A... n'apporte aucun élément probant démontrant que le logement n'était plus décent au jour de son départ, ni qu'elle aurait averti le maire des problèmes de cette habitation à cette occasion, elle verse cependant au dossier un constat d'huissier du 25 novembre 2013 indiquant que l'eau s'écoulant des robinets du logement était de couleur brune. La requérante produit également un compte rendu de l'analyse de l'eau prélevée dans son logement le 28 novembre 2013. Ce compte rendu, réalisé par une société spécialisée, fait état de ce que l'eau prélevée présentait des taux de fer, d'ammonium et de turbidité plusieurs fois supérieurs aux seuils légaux prévus par l'arrêté du 11 janvier 2017 relatif aux eaux destinés à la consommation humaine, alors qu'il résulte d'un rapport de l'Agence régionale de santé du 16 octobre 2013 que l'eau captée et fournie dans le secteur de la commune de Koenigsmacker ne présentait aucun problème de dépassement des seuils légaux. Dans ces conditions, la requérante établit qu'à compter du 25 novembre 2013, le logement mis à sa disposition par la commune n'était pas décent et présentait des risques pour sa sécurité en raison de ce que la vétusté des canalisations du logement rendait l'eau impropre à la consommation. Pour autant, Mme A... ne justifie avoir informé la commune de Koenigsmacker des problèmes de son logement qu'à compter de l'envoi d'un courrier du 4 décembre 2013, dans lequel elle indiquait également ne pas demeurer dans ce logement et solliciter la fin de sa mise à disposition à compter du 31 décembre 2013. Ce n'est qu'à compter de la réception de ce courrier que la commune de Koenigmacker, dûment informée des troubles, pouvait œuvrer à leur résolution. Or, eu égard au fait que Mme A... n'occupait plus ce logement et que la mise à disposition de l'habitation prenait fin au 31 décembre 2013, la commune de Koenigsmacker n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité en n'engageant pas d'action pour résoudre les troubles préalablement décrits avant la fin de la mise à disposition du logement à Mme A....
7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin de condamnation de la commune de Koenigsmacker.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Koenigsmacker, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la commune de Koenigsmacker.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Koenigsmacker sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... et à la commune de Koenigsmacker.
Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques de la Moselle.
N° 19NC02675 5