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15/10/2021 | FRANCE | N°19NC02483

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 15 octobre 2021, 19NC02483


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La région Grand Est, le département du Haut-Rhin, la commune de Wittenheim et l'association Alsace Nature ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 mars 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin a prolongé pour une durée illimitée l'autorisation délivrée à la société Les mines de potasse d'Alsace de stockage souterrain en couches géologiques profondes de produits dangereux, non radioactifs sur le territoire de la commune de Wittelsheim.

Par des mémoires disti

ncts, la commune de Wittenheim et l'association Alsace Nature ont également demandé ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La région Grand Est, le département du Haut-Rhin, la commune de Wittenheim et l'association Alsace Nature ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 mars 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin a prolongé pour une durée illimitée l'autorisation délivrée à la société Les mines de potasse d'Alsace de stockage souterrain en couches géologiques profondes de produits dangereux, non radioactifs sur le territoire de la commune de Wittelsheim.

Par des mémoires distincts, la commune de Wittenheim et l'association Alsace Nature ont également demandé au tribunal administratif de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 515-7 du code de l'environnement aux droits et libertés garantis par le préambule ainsi que par les articles 1,2 3 et 5 de la charte de l'environnement.

Par une ordonnance n°s 1703732, 1705267 du 6 décembre 2018, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité présentée par l'association Alsace Nature et par la commune de Wittenheim.

Par un jugement n°s 1701939, 1702675, 1703732, 1705267 du 5 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 23 mars 2017.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er août 2019, le 12 octobre 2020 et le 27 août 2021 sous le numéro 19NC02483, le département du Haut-Rhin, auquel s'est substituée au 1er janvier 2021 la collectivité européenne d'Alsace, représentée par Me Eglie-Richters, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 23 mars 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la société Les mines de potasse d'Alsace la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du tribunal administratif est irrégulier dès lors que la minute du jugement n'est pas signée par le président de la formation du jugement, le juge rapporteur et le greffier de séance ;

- le jugement est irrégulier car les premiers juges ont rejeté à tort sa requête comme irrecevable, alors qu'elle avait bien intérêt à agir contre l'arrêté du 23 mars 2017 ;

- il n'a pas été sollicité l'avis de la commune de Wittelsheim pourtant exigé en application des dispositions de l'article R. 151-16 du code de l'environnement ;

- le dossier de demande ne détermine pas la location et le volume de produits dangereux devant être maintenus sur le site ;

- le dossier de demande présente de manière insuffisante les coûts du projet ;

- la présentation, dans le dossier de demande, des capacités financières de l'exploitante est insuffisante ;

- l'étude des solutions alternatives exigées par l'article L. 515-7 du code de l'environnement était insuffisante car, premièrement, il n'a pas été envisagé sérieusement les autres options que le maintien du stockage, deuxièmement, il aurait dû être analysé d'autres hypothèses que l'envoi des déchets stockés en Allemagne, troisièmement, la solution du pompage de la saumure présente dans la mine n'a pas été étudiée et, enfin, quatrièmement, une nouvelle étude a été commandée en 2018 par le ministre de la transition écologique, ce qui témoigne de l'insuffisance de l'étude présentée au soutien du dossier de demande ;

- le projet est de nature à entraîner des incidences notables sur l'environnement en Allemagne, de sorte qu'en application du I de l'article R. 122-10 du code de l'environnement, les autorités allemandes auraient dû se voir notifier l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique et transmettre un exemplaire du dossier d'enquête publique ;

- le préfet était tenu par les dispositions de l'article R. 515-13 du code de l'environnement de sélectionner lui-même les experts devant réaliser la contre-expertise et ne pouvait, ainsi qu'il l'a fait, se borner à valider les propositions d'experts présélectionnés par la société Les mines de potasse d'Alsace ; en tout cas, l'inspection des installations classées pour l'environnement ne pouvait se substituer au préfet pour valider les propositions d'experts présentées par la société Les mines de potasse d'Alsace ;

- la tierce-expertise réalisée était irrégulière car elle n'a pas procédé à l'analyse demandée par le préfet concernant les solutions alternatives au maintien du stockage ;

- le préfet n'a pas procédé à une nouvelle évaluation des garanties financières de l'exploitant pourtant imposée par les dispositions de l'article L. 515-7 du code de l'environnement ;

- les capacités financières de la société Les mines de potasse d'Alsace sont insuffisantes ;

- la société Les mines de potasse d'Alsace n'a pas constitué les garanties financières exigées par les articles L. 516-1, L. 541-26 et L. 552-1 du code de l'environnement ;

- les prescriptions des articles 9.1.2 et 9.1.5 relatives au remblayage des galeries, des blocs de stockage et des puits sont insuffisamment précises et méconnaissent ainsi les dispositions des articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement ;

- les prescriptions relatives aux barrières de confinement de l'article 9.1.4 sont insuffisantes et méconnaissent les dispositions des articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement ;

- les prescriptions du chapitre 8.1 relatives à la surveillance des travaux en surface laissent à l'exploitant le soin de déterminer les modalités du programme de surveillance et méconnaissent ainsi les dispositions de l'article R. 515-20 du code de l'environnement, ainsi que celles des articles L. 211-1 et L. 511-1 du même code ;

- les prescriptions de l'article 10.2.2 relatives au suivi de l'ennoyage n'obligent la société exploitante à surveiller l'ennoyage que jusqu'à la fermeture du site et n'imposent donc aucune surveillance à long terme, ce qui méconnaît nécessairement les dispositions des articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement ;

- l'arrêté ne prévoit aucune mesure d'intervention en cas d'accident, de pollution ou dans l'hypothèse où les projections ayant servi de base à la présentation du dossier s'avéreraient gravement erronées ;

- en limitant à certains déchets le déstockage et en autorisant l'enfouissement définitif d'autres produits, le préfet du Haut-Rhin a commis une erreur manifeste d'appréciation et a méconnu les dispositions de l'article L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement ;

Par des mémoires en défense enregistrés le 24 janvier 2020 et le 27 juillet 2021, la société Les mines de potasse d'Alsace, représentée par Me Le Roy-Gleizes et Me Chevallier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la collectivité européenne d'Alsace la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête en première instance du département, auquel s'est substituée la collectivité européenne d'Alsace, était bien irrecevable ;

- les moyens soulevés par la collectivité requérante sont infondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 janvier 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la collectivité européenne d'Alsace ne sont pas fondés.

La société Les mines de potasse d'Alsace a produit un mémoire le 10 septembre 2021, qui n'a pas été communiqué.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 août 2019 et le 14 février 2021 sous le numéro 19NC02516, l'association Alsace Nature, représentée par Me Zind, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 23 mars 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la société Les mines de potasse d'Alsace la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'étude d'impact est insuffisante dès lors qu'elle ne détermine pas suffisamment précisément la location et le volume de produits dangereux devant être maintenus sur le site ;

- l'étude d'impact est incomplète car elle exclut de l'analyse les polluants non-mobilisables présents sur le site stockage sans que cette exclusion soit expliquée ;

- l'étude d'impact est incomplète car, sur les cinquante polluants mobilisables identifiés, seuls treize d'entre eux sont analysés et uniquement cinq sont présentés comme des contaminants majoritaires sans pour autant que ces restrictions dans l'analyse, qui ne sont pas d'ailleurs pas pertinentes, soient explicitées ;

- l'étude d'impact est insuffisante car elle ne prend pas en compte les risques liés aux polluants présents au sein du bloc 15 ;

- l'étude d'impact est incomplète dès lors qu'elle se focalise, sans justification, sur les risques présentés par trois gaz alors que d'autres gaz pourraient être engendrés par le projet de stockage illimité ;

- l'étude d'impact est irrégulière du fait que les valeurs de toxicités des différents polluants n'ont pas été présentées de manière satisfaisante ; la seule référence aux normes de potabilité n'est pas suffisante ;

- l'étude d'impact est insuffisante dès lors qu'elle se focalise sur un scénario de sortie de la saumure par les cinq puits de la mine Amélie, alors qu'il ne peut être exclu que la saumure puisse être expulsée par un nombre plus réduit, voire par un nombre plus important de puits ;

- l'étude d'impact devait porter également sur les opérations de déstockage car ces opérations forment, avec le projet de confinement définitif, un même programme au sens des dispositions de l'article L. 122-1 du code de l'environnement ;

- l'étude d'impact est incomplète en ce qu'elle ne s'intéresse pas à l'hypothèse d'un refus de prise en charge des déchets déstockés ;

- l'étude d'impact est incomplète car elle ne comporte, contrairement aux exigences de l'article L. 524-25 du code de l'environnement, aucun développement quant aux techniques envisageables pour permettre une reprise des déchets enfouis ;

- l'étude d'impact est insatisfaisante dès lors qu'elle n'a pas analysé l'impact que pouvait causer par l'antimoine ;

- l'étude d'impact est incomplète car elle n'a pas étudié les effets du projet sur le milieu naturel et sur la biodiversité ;

- l'étude d'impact est incomplète car elle ne prend pas en compte les risques pour les travailleurs ;

- l'étude d'impact est insuffisante, car il existe des incertitudes quant aux matériaux qui seront utilisés pour le remblayage ;

- l'étude d'impact est incomplète dès lors qu'elle ne décrit pas suffisamment précisément les barrières de confinement et qu'il existe des incertitudes quant au nombre de barrières devant être implantées dans la mine ;

- l'étude d'impact ne comprend pas une présentation complète des dimensions et de la localisation de la galerie exutoire ;

- la présentation de l'état initial du site est insatisfaisante car elle repose sur des études trop anciennes ;

- l'étude d'impact est incomplète en ce qu'elle ne comporte pas une étude des meilleures techniques disponibles en matière de stockage souterrain définitif de déchets dangereux, pourtant exigée par l'article R. 515-59 du code de l'environnement ;

- la multitude d'études complémentaires prescrite par l'arrêté litigieux démontre que l'étude d'impact jointe au dossier de demande était nécessairement insuffisante ;

- le préfet était tenu, par les dispositions de l'article R. 515-13 du code de l'environnement, de sélectionner lui-même les experts devant réaliser la contre-expertise et ne pouvait, ainsi qu'il l'a fait, se borner à valider les propositions d'experts présélectionnés par la société Les mines de potasse d'Alsace ; en tout cas, l'inspection des installations classées pour l'environnement ne pouvait se substituer au préfet pour valider les propositions d'experts présentées par la société Les mines de potasse d'Alsace ;

- la tierce-expertise réalisée était irrégulière car elle n'a pas procédé à l'analyse demandée par le préfet concernant les solutions alternatives au maintien du stockage ;

- tous les scénarios possibles quant au calcul de la composition de la saumure n'ont pas été envisagés ;

- la priorité accordée à l'étude de l'impact du mercure n'est pas explicitée ;

- l'étude d'impact est insatisfaisante dès lors que les estimations de l'impact du projet sur la nappe phréatique ont toutes été réalisées à partir du scénario d'un déstockage à 93 %, alors qu'un déstockage à 56% aurait également dû être analysé ;

- le projet est de nature à entraîner des incidences notables sur l'environnement en Allemagne, de sorte qu'en application du I de l'article R. 122-10 du code de l'environnement, les autorités allemandes auraient dû se voir notifier l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique et transmettre un exemplaire du dossier d'enquête publique ;

- l'étude des solutions alternatives exigées par l'article L. 515-7 du code de l'environnement était insuffisante, dès lors qu'il n'a pas été envisagé sérieusement d'autres options que le maintien du stockage et que la solution de pompage de la saumure présente dans la mine n'a pas été étudiée ;

- aucune étude de danger n'était jointe au dossier de demande ;

- l'avis favorable de la commission d'enquête est insuffisamment motivé et est incohérent ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions du II de l'article L. 541-2-1 du code de l'environnement, dès lors qu'il autorise l'élimination de déchets, qui ne sont pourtant pas des déchets ultimes ;

- l'arrêté attaqué n'est compatible ni avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhin-Meuse, ni avec le schéma d'aménagement et de gestion des eaux Ill-Nappe-Rhin et méconnaît ainsi les dispositions du XI de l'article L. 212-1 du code de l'environnement et de l'article L. 212-5-2 du même code ;

- l'article 4.3.9.1 de l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article 32 de l'arrêté ministériel du 2 février 1998 relatif aux prélèvements et à la consommation d'eau ainsi qu'aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation, dès lors qu'il permet des rejets excessifs de cuivre, de nickel, de zinc, de fer et d'aluminium dans les eaux superficielles ;

- les prescriptions de l'article 9.1.2 relatives au remblayage des galeries et des blocs de stockage sont insuffisamment précises et méconnaissent ainsi les dispositions des articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement ;

- les prescriptions relatives aux barrières de confinement de l'article 9.1.4 sont insuffisantes et méconnaissent les dispositions des articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement ;

- en autorisant la prolongation pour une durée illimitée du stockage de produits dangereux sans que l'autorisation vise un volume certain et déterminé et alors même qu'il existe une marge d'incertitude quant à la nature et au volume des déchets qui seront stockés, le préfet du Haut-Rhin a méconnu les exigences du principe de précaution, ainsi que les dispositions des articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement.

Par un mémoire distinct, enregistré le 8 août 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 20 mars 2020, l'association Alsace Nature, représentée par Me Zind, demande à la cour, d'une part, d'annuler l'ordonnance par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle avait présentée et, d'autre part, de transmettre cette question au Conseil d'Etat.

Par des mémoires en défense enregistrés le 17 octobre 2019, le 24 janvier 2020, le 10 avril 2020, le 8 octobre 2020, le 12 février 2021 et le 15 mars 2021, la société Les mines de potasse d'Alsace, représentée par Me Le Roy-Gleizes et Me Chevallier, conclut au rejet de la contestation quant au refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité puis au rejet de la requête et, enfin, à ce qu'il soit mis à la charge de l'association Alsace Nature la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les interventions de la commune de Wittenheim et de la région Grand-Est doivent être regardées comme des requêtes d'appel, dès lors qu'elles avaient intérêt pour interjeter appel en leur qualité de partie à la première instance ; leurs requêtes d'appel sont cependant tardives et donc irrecevables ;

- l'intervention de la région Grand-Est ne peut admise car la région n'a, en tout cas, pas intérêt pour intervenir ;

- la requête de première instance de la commune de Wittenheim est tardive ;

- les moyens soulevés par l'association requérante ainsi que par la commune de Wittenheim et la région Grand-Est, à considérer que leurs écritures soient recevables, ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 4 novembre 2019 et le 25 janvier 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la contestation quant au refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité puis au rejet de la requête

Elle soutient que les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention enregistré le 9 août 2020, la commune de Wittenheim, représentée par Me Zind, s'associe aux conclusions présentées par l'association Alsace Nature tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif en date du 5 juin 2019 et de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 23 mars 2017.

Elle soutient que :

- elle a bien intérêt à intervenir ;

- l'étude d'impact est insuffisante dès lors qu'elle ne détermine pas suffisamment précisément la location et le volume de produits dangereux devant être maintenus sur le site ;

- l'étude d'impact est incomplète car elle exclut de l'analyse les polluants non-mobilisables présents sur le site stockage sans que cette exclusion soit expliquée ;

- l'étude d'impact est incomplète car, sur les cinquante polluants mobilisables identifiés, seuls treize d'entre eux sont analysés et uniquement cinq sont présentés comme des contaminants majoritaires sans pour autant que ces restrictions, qui ne sont pas d'ailleurs pas pertinentes, soient explicitées ;

- l'étude d'impact est incomplète dès lors qu'elle se focalise sans justification sur les risques présentés par trois gaz alors que d'autres gaz pourraient être engendrés par le projet de stockage illimité ;

- l'étude d'impact est irrégulière du fait que les valeurs de toxicités des différents polluants n'ont pas été présentées de manière satisfaisante ; la seule référence aux normes de potabilité n'est pas suffisante ;

- l'étude d'impact est insuffisante dès lors qu'elle se focalise sur un scénario de sortie de la saumure par les cinq puits de la mine Amélie, alors qu'il ne peut être exclu que la saumure puisse être expulsée par un nombre plus réduit, voire par un nombre plus important de puits ;

- l'étude d'impact devait porter également sur les opérations de déstockage car ces opérations forment, avec le projet de confinement définitif, un même programme au sens des dispositions de l'article L. 122-1 du code de l'environnement ;

- l'étude d'impact est incomplète en ce qu'elle ne s'intéresse pas à l'hypothèse d'un refus de prise en charge des déchets déstockés ;

- l'étude d'impact est incomplète car elle ne comporte, contrairement aux exigences de l'article L. 524-25 du code de l'environnement, aucun développement quant aux techniques envisageables pour permettre une reprise des déchets enfouis ;

- l'étude d'impact est incomplète car elle n'a pas étudié les effets du projet sur le milieu naturel et sur la biodiversité ;

- l'étude d'impact est incomplète car elle ne prend pas en compte les risques pour les travailleurs ;

- tous les scénarios possibles quant au calcul de la composition de la saumure n'ont pas été envisagés ;

- la priorité accordée à l'étude de l'impact du mercure n'est pas explicitée ;

- l'étude d'impact est insatisfaisante dès lors que les estimations de l'impact du projet sur la nappe phréatique ont toutes été réalisées à partir du scénario d'un déstockage à 93 %, alors qu'un déstockage à 56 % aurait également dû être analysé ;

- le projet est de nature à entraîner des incidences notables sur l'environnement en Allemagne, de sorte qu'en application du I de l'article R. 122-10 du code de l'environnement, les autorités allemandes auraient dû se voir notifier l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique et transmettre un exemplaire du dossier d'enquête publique ;

- l'étude des solutions alternatives exigée par l'article L. 515-7 du code de l'environnement était insuffisante, dès lors qu'il n'a pas été envisagé sérieusement d'autres options que le maintien du stockage et que la solution de pompage de la saumure présente dans la mine n'a pas été étudiée ;

- aucune étude de danger n'était jointe au dossier de demande ;

- l'arrêté litigieux autorise le stockage de nouveaux déchets en méconnaissance des dispositions de l'article L. 515-7 du code de l'environnement imposant que l'apport de déchets dangereux ait cessé depuis au moins un an ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions du II de l'article L. 541-2-1 du code de l'environnement, dès lors qu'il autorise l'élimination de déchets, qui ne sont pourtant pas des déchets ultimes ;

- l'arrêté méconnaît les objectifs de l'article 23 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives ;

- l'arrêté est illégal en raison de l'incompatibilité de l'article L. 515-7 avec les objectifs des articles 12 et 13 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives.

Par des mémoires en intervention enregistrés le 9 mars 2020 et le 23 janvier 2021, la région Grand Est, représentée par Me Memlouk, s'associe aux conclusions présentées par l'association Alsace Nature tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif du 5 juin 2019 ainsi que de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 23 mars 2017 et demande que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas qualité lui donnant intérêt à interjeter appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg et a uniquement intérêt à intervenir, de sorte que son intervention ne saurait être regardée comme une requête d'appel ;

- la présentation, dans le dossier de demande, des capacités financières de l'exploitante est insuffisante ;

- l'étude d'impact est incomplète dès lors qu'elle ne décrit pas suffisamment précisément les barrières de confinement et qu'il existe des incertitudes quant au nombre de barrières devant être implantées dans la mine ;

- l'étude d'impact est insuffisante car il existe des incertitudes quant aux matériaux qui seront utilisés pour le remblayage ;

- l'étude d'impact ne comprend pas une présentation complète des dimensions et de la localisation de la galerie exutoire ;

- la présentation de l'état initial du site est insatisfaisante car elle repose sur des études anciennes et obsolètes ;

- la présentation de l'état initial du site est insatisfaisante car elle mentionne l'existence de la zone humide de Mar-en-Bois, Silbermaettle et de forêts de protection sans préciser leur localisation, ni leurs principales caractéristiques ;

- la présentation de l'état initial du site est incomplète car, d'une part, elle ne fait pas état des continuités écologiques, des équilibres écologiques et des interactions entre les éléments et, d'autre part, elle ne présente pas la concentration d'antimoine dans la nappe phréatique ;

- l'analyse dans l'étude d'impact des effets négatifs et positifs du projet est insuffisante dès lors que, premièrement, les impacts sur certains sites dont la gravière Michel, sont ignorés, deuxièmement, les impacts sur la nappe phréatique ont été analysés uniquement au regard d'une dizaine de substances, alors que la saumure pourrait contenir jusqu'une cinquantaine de polluant, troisièmement, l'évaluation du projet sur l'air est incomplète notamment en ce qu'elle ne présente pas les éventuels dégagements d'antimoine et chrome ;

- l'étude d'impact est lacunaire dès lors qu'il n'est pas analysé les risques du projet pour les travailleurs ;

- la description dans l'étude d'impact des mesures destinées à éviter, réduire et compenser les effets du projet est incomplète dès lors qu'il n'est pas présenté les modalités de déstockage ;

- la description dans l'étude d'impact des mesures de surveillance est insuffisante car, d'une part, le forage VAPB2 ainsi que le second forage prévu ne sont pas décrits et, d'autre part, la description des mesures de suivi de la nappe alluviale est insatisfaisante ;

- l'étude d'impact est incomplète en ce qu'elle ne comporte pas une étude des meilleures techniques disponibles en matière de stockage souterrain définitif de déchets dangereux pourtant exigée par l'article R. 515-59 du code de l'environnement ;

- l'étude d'impact ne comporte pas d'éléments suffisants concernant l'analyse comparative des données du stockage et des mesures envisagées par rapport à l'étude d'impact réalisée en vue de la délivrance de l'autorisation initiale ;

- la multitude d'études complémentaires prescrite par l'arrêté litigieux démontre que l'étude d'impact jointe au dossier de demande était nécessairement insuffisante ;

- le préfet était tenu, par les dispositions de l'article R. 515-13 du code de l'environnement, de sélectionner lui-même les experts devant réaliser la contre-expertise et ne pouvait, ainsi qu'il l'a fait, se borner à valider les propositions d'experts présélectionnés par la société Les mines de potasse d'Alsace ; en tout cas, l'inspection des installations classées pour l'environnement ne pouvait se substituer au préfet pour valider les propositions d'experts présentées par la société Les mines de potasse d'Alsace ;

- la tierce-expertise réalisée était irrégulière car elle n'a pas procédé à l'analyse demandée par le préfet concernant l'exposé des solutions alternatives au maintien du stockage avec leurs conséquences sur l'environnement ;

- l'avis favorable de la commission d'enquête est insuffisamment motivé et est incohérent ;

- le projet est de nature à entraîner des incidences notables sur l'environnement en Allemagne, de sorte qu'en application du I de l'article R. 122-10 du code de l'environnement, les autorités allemandes auraient dû se voir notifier l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique et transmettre un exemplaire du dossier d'enquête publique ;

- l'étude des solutions alternatives exigées par l'article L. 515-7 du code de l'environnement était insuffisante car, premièrement, il n'a pas été envisagé sérieusement d'autres options que le maintien du stockage, deuxièmement, la solution de pompage de la saumure présente dans la mine n'a pas été étudiée ;

- l'étude des solutions alternatives exigées par l'article L. 515-7 du code de l'environnement était irrégulière, car, d'une part, elle transpose de manière injustifiée la modélisation hydrogéochimique de Stocamine aux mines de sel allemandes et, d'autre part, elle a comparé les différents scénarios sur la seule masse des déchets disponibles sur le site Stocamine et non sur l'intégralité des déchets présents sur les éventuels sites récepteurs ;

- les capacités financières de la société Les mines de potasse d'Alsace sont insuffisantes ;

- l'arrêté attaqué n'est compatible ni avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhin-Meuse, ni avec le schéma d'aménagement et de gestion des eaux Ill-Nappe-Rhin et méconnaît ainsi les dispositions du XI de l'article L. 212-1 du code de l'environnement, ainsi que les dispositions des articles L. 212-5-2 et 512-16 du code de l'environnement ;

- l'article 4.3.9.1 de l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article 32 de l'arrêté ministériel du 2 février 1998, relatif aux prélèvements et à la consommation d'eau ainsi qu'aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation dès lors qu'il permet des rejets excessifs de cuivre, de nickel, de zinc, de fer et d'aluminium dans les eaux superficielles ;

- les prescriptions de l'article 9.1.2 relatives au remblayage des galeries et des blocs de stockage sont insuffisamment précises et méconnaissent ainsi les dispositions des articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement ;

- les prescriptions relatives aux barrières de confinement de l'article 9.1.4 sont insuffisantes et méconnaissent les dispositions des articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement.

Par une ordonnance n° 19NC02516-QPC du 18 août 2020, le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la contestation présentée par l'association Alsace Nature quant au refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité opposé par le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg.

Par un courrier du 6 octobre 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par l'association Alsace Nature, dès lors que la cour pourrait, après avoir joint la requête de l'association Alsace Nature avec celle de collectivité européenne d'Alsace, enregistrée sous le n° 19NC02483, tirer les conséquences nécessaires d'une éventuelle annulation de l'arrêté du 23 mars 2017 dans le dossier n° 19NC02483 et ainsi constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par l'association Alsace Nature.

Un mémoire présenté pour l'association Alsace Nature a été enregistré le 11 octobre 2021 mais n'a pas été communiqué.

III. Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 août 2019, le 23 décembre 2020 et le 15 février 2021 sous le numéro 19NC02517, l'association Consommation, logement et cadre de vie - Union départementale du Haut-Rhin, représentée par Me Lepage, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 23 mars 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la recevabilité de requête :

- elle a intérêt à interjeter appel ;

- son président a capacité pour agir dans la présente instance ;

S'agissant de la régularité du jugement :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a omis à répondre au moyen tiré de ce que l'étude d'impact est insuffisante en ce qu'elle se focalise, sans justification, sur les risques présentés par trois gaz alors que d'autres gaz pourraient être engendrés par le projet de stockage illimité ;

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a omis à répondre au moyen tiré de ce que l'étude d'impact est insuffisante, dès lors qu'elle se focalise sur un scénario de sortie favorable de la saumure par les cinq puits de la mine Amélie ;

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a omis à répondre au moyen tiré de ce que l'étude d'impact est insatisfaisante car elle n'a étudié qu'un scénario de remontée de la saumure par les cinq puits de la mine Amélie, alors que rien n'indique que la migration des contaminants se limiterait à ce seul secteur ;

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a omis à répondre au moyen tiré de ce que l'étude d'impact est insuffisante en ce qu'elle ne justifie pas l'exclusion des analyses des polluants non mobilisables dans la saumure.

S'agissant de la légalité de l'arrêté du 23 mars 2017 :

- l'étude d'impact est insuffisante car elle exclut de l'analyse les polluants non-mobilisables présents sur le site de stockage sans que cette exclusion soit expliquée ;

- l'étude d'impact est insatisfaisante dès lors que l'analyse des effets du projet a été réalisée contaminant par contaminant, alors qu'elle aurait dû également évaluer les éventuels mélanges susceptibles d'intervenir ;

- l'étude d'impact est insuffisante en ce qu'elle se focalise, sans justification, sur les risques présentés par trois gaz alors que d'autres gaz pourraient être engendrés par le projet de stockage illimité ;

- l'étude d'impact est incomplète car elle ne présente pas les conséquences du projet pour la faune, la flore et pour l'équilibre physique et biologique des cours d'eaux et des milieux humides alimentés par la nappe phréatique ;

- l'étude d'impact est irrégulière du fait que les valeurs de toxicités des différents polluants n'ont pas été présentées de manière satisfaisante ; la seule référence aux normes de potabilité n'est pas suffisante ;

- l'étude d'impact est insatisfaisante en ce que l'enjeu écologique que représente la nappe phréatique d'Alsace justifiait une étude plus avancée que celle effectuée ;

- l'étude d'impact est insuffisante dès lors qu'elle se focalise sur un scénario de sortie de la saumure par les cinq puits de la mine Amélie, alors qu'il ne peut être exclu que la saumure puisse être expulsée par un nombre plus réduit, voire par un nombre plus important de puits ;

- le projet est de nature à entraîner des incidences notables sur l'environnement en Allemagne, de sorte qu'en application du I de l'article R. 122-10 du code de l'environnement, les autorités allemandes auraient dû se voir notifier l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique et transmettre un exemplaire du dossier d'enquête publique ;

- l'étude des solutions alternatives exigées par l'article L. 515-7 du code de l'environnement, mais aussi par le 7° du II de l'article R. 122-5 du même code était insuffisante, car, premièrement, il n'a pas été envisagé sérieusement d'autres options que le maintien du stockage, deuxièmement, il aurait dû être analysé d'autres hypothèses que l'envoi des déchets stockés en Allemagne, troisièmement, la solution du pompage de la saumure présente dans la mine n'a pas été étudiée ;

- l'étude d'impact est incomplète car elle ne présente pas les solutions de substitution dans l'hypothèse où les déchets déstockés ne seraient pas acceptés par les installations allemandes ;

- l'étude d'impact est incomplète dès lors qu'elle ne décrit pas suffisamment précisément la composition du béton utilisé pour les barrières de confinement ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article R. 515-11 du code de l'environnement, car il ne détermine pas un volume précis de déchets autorisés à être stockés pour une durée illimitée sur le site ;

- l'arrêté attaqué n'est compatible ni avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhin-Meuse, ni avec le schéma d'aménagement et de gestion des eaux Ill-Nappe-Rhin ;

- l'article 4.3.9.1 de l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article 32 de l'arrêté ministériel du 2 février 1998, relatif aux prélèvements et à la consommation d'eau ainsi qu'aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation dès lors qu'il permet des rejets excessifs de cuivre, de nickel et de zinc dans les eaux superficielles ;

- l'arrêté litigieux méconnaît le principe de prévention protégé par l'article 3 de la charte de l'environnement et par l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;

- l'arrêté litigieux méconnaît le droit de vivre dans un environnement, qui vaut tant à notre égard que pour les générations futures et est protégé par le 7ème considérant de la charte de l'environnement, mais également par l'article 1er de la même charte ;

- l'arrêté litigieux méconnaît le principe de précaution protégé à l'article 5 de la charte de l'environnement.

Par des mémoires en défense enregistrés le 24 janvier 2020, le 8 octobre 2020, le 25 janvier 2021 et le 12 février 2021, la société Les mines de potasse d'Alsace, représentée par Me Le Roy-Gleizes et Me Chevallier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'association Consommation, logement et cadre de vie - Union départementale du Haut-Rhin la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de l'association Consommation, logement et cadre de vie - Union départementale du Haut-Rhin est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas intérêt pour interjeter appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

- l'intervention de la région Grand Est doit être regardée comme une requête d'appel dès lors qu'elle avait intérêt pour interjeter appel en sa qualité de partie à la première instance ; sa requête d'appel est cependant tardive et donc irrecevable ;

- l'intervention de la région Grand-Est ne peut être admise car la région n'a, en tout cas, pas intérêt pour intervenir ;

- les moyens soulevés par l'association requérante ainsi que par la région Grand-Est, à considérer que ses écritures soient recevables, ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 février 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la région Grand Est était partie en première instance et elle devait, si elle s'y croyait fondée, contester ce jugement par la voie de l'appel ; son intervention ne peut donc être admise ;

- l'intervention de la région Grand Est ne peut être admise car la région n'a, en tout cas, pas intérêt pour intervenir ;

- les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires en intervention enregistrés le 10 mars 2020 et le 23 janvier 2021, la région Grand Est, représentée par Me Memlouk, s'associe aux conclusions présentées par l'association Consommation, logement et cadre de vie - Union départementale du Haut-Rhin tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif en date du 5 juin 2019 ainsi que de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 23 mars 2017 et demande à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soulève les mêmes moyens que dans son intervention présentée au soutien de la requête n° 19NC02516.

La société Les mines de potasse d'Alsace a produit un mémoire le 15 mars 2021, qui n'a pas été communiqué.

Par un courrier du 6 octobre 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par l'association Consommation, logement et cadre de vie - Union départementale du Haut-Rhin dès lors que la cour pourrait joindre la requête de cette association à celle de la collectivité européenne d'Alsace, enregistrée sous le n° 19NC02483, et pourrait ainsi, tirant les conséquences nécessaires d'une éventuelle annulation de l'arrêté du 23 mars 2017 dans le dossier n° 19NC02483, constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par l'association Consommation, logement et cadre de vie - Union départementale du Haut-Rhin.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte de l'environnement ;

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marchal,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- les observations de Me Schvartz, représentant la collectivité européenne d'Alsace ;

- les observations de Me Zind, représentant l'association Alsace Nature ;

- les observations de Me Bégel, représentant l'association Consommation, logement et cadre de vie - Union départementale du Haut-Rhin ;

- les observations de Me Memlouk, représentant la région Grand Est ;

- les observations de Me Zind, représentant la commune de Wittenheim ;

- les observations de Mme A... et M. B..., représentant la ministre de la transition écologique ;

- et les observations de Me Le Roy-Gleizes, représentant la société Les mines de potasse d'Alsace.

Une note en délibéré, enregistrée le 13 octobre 2021, a été présentée par la ministre de la transition écologique.

Une note en délibéré, enregistrée le 13 octobre 2021, a été présentée pour la société Les mines de potasse d'Alsace.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du préfet du Haut-Rhin du 3 février 1997, modifié par un arrêté du 30 octobre 2014, la société Stocamine a été autorisée, pour une durée de trente ans, à exploiter, au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, un stockage souterrain réversible de déchets industriels d'une capacité de 320 000 tonnes au sein de cavités salines situées dans le sous-sol du territoire de la commune de Wittelsheim, à environ 600 mètres sous terre. L'apport de déchets a toutefois cessé à la suite d'un incendie survenu le 10 septembre 2002 dans le bloc 15 de la structure de stockage. Le 8 janvier 2015, la société Les mines de potasse d'Alsace (MDPA) a sollicité une prolongation de l'autorisation d'exploitation pour une durée illimitée. Par un arrêté du 23 mars 2017, pris sur le fondement de l'article L. 515-7 du code de l'environnement, le préfet du Haut-Rhin a fait droit à cette demande. Par trois requêtes, qu'il convient de joindre, le département du Haut-Rhin, auquel s'est substituée, au 1er janvier 2021, la collectivité européenne d'Alsace, l'association Alsace Nature et l'association Consommation, logement et cadre de vie - Union départementale du Haut-Rhin (CLCV- UD 68) font appel du jugement n°s 1701939, 1702675, 1703732, 1705267 du 5 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2017 présentées par le département du Haut-Rhin, la région Grand Est, la commune de Wittenheim et l'association Alsace nature.

Sur la requête présentée par la collectivité européenne d'Alsace :

En ce qui concerne la régularité du jugement du tribunal administratif de Strasbourg :

2. Aux termes du I de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, dans sa version applicable au jour de l'introduction de la requête du département du Haut-Rhin devant le tribunal administratif : " Les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les syndicats mixtes créés en application de l'article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales sont habilités à utiliser les articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural et de la pêche maritime pour entreprendre l'étude, l'exécution et l'exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d'intérêt général ou d'urgence, dans le cadre du schéma d'aménagement et de gestion des eaux s'il existe, et visant : / 1° L'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique ; / 2° L'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau, canal, lac ou plan d'eau, y compris les accès à ce cours d'eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d'eau ; / 3° L'approvisionnement en eau ; / 4° La maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou la lutte contre l'érosion des sols ; / 5° La défense contre les inondations et contre la mer ; / 6° La lutte contre la pollution ; / 7° La protection et la conservation des eaux superficielles et souterraines ; / 8° La protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines ; / 9° Les aménagements hydrauliques concourant à la sécurité civile ; / 10° L'exploitation, l'entretien et l'aménagement d'ouvrages hydrauliques existants ; / 11° La mise en place et l'exploitation de dispositifs de surveillance de la ressource en eau et des milieux aquatiques ; / 12° L'animation et la concertation dans le domaine de la gestion et de la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques dans un sous-bassin ou un groupement de sous-bassins, ou dans un système aquifère, correspondant à une unité hydrographique ".

3. Il résulte de l'instruction que le département du Haut-Rhin était engagé, à la date de l'introduction de sa requête devant le tribunal administratif, dans de multiples actions dans le domaine de l'eau visant à la préservation de la qualité de cette dernière. Il justifie à ce titre avoir engagé, lors de l'année 2017, plusieurs millions d'euros dans des dépenses de fonctionnement et d'investissement pour des opérations en lien direct avec la gestion des milieux aquatiques, telles que des actions d'assainissement de l'eau potable, des fonctions d'appui technique ou encore des opérations de soutien à la préservation de la ressource en eau. Le département a également créé, en décembre 2016, le syndicat mixte des Rivières de Haute-Alsace, qui avait pour objet de préparer le transfert, au 1er janvier 2018, de la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations du département du Haut-Rhin vers les établissements publics de coopération intercommunale. Il était, à la date de sa requête devant le tribunal, membre de ce syndicat et s'investissait ainsi, en parallèle à ses opérations dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques, pour veiller à la continuité des actions en la matière après le 1er janvier 2018. Le département du Haut-Rhin était également membre du syndicat mixte pour le recyclage agricole du Haut-Rhin, qui œuvrait notamment à la maîtrise de l'épandage et ainsi nécessairement à la protection des eaux souterraines. Enfin, il est également justifié de ce que le département apportait un soutien financier majeur à plusieurs opérations liées notamment à la préservation de la qualité de l'eau dans le cadre de sa politique de soutien aux programmes d'actions des plans de gestion de l'espace rural et périurbain. Ainsi le projet litigieux, qui est implanté dans le département du Haut-Rhin et qui, ainsi que le fait valoir le département, pourrait impacter directement la nappe phréatique d'Alsace, est de nature, eu égard à ses inconvénients et à ses dangers notamment pour la protection des eaux, à avoir une incidence directe sur les intérêts du département. La collectivité européenne d'Alsace, qui s'est, ainsi qu'il a été rappelé précédemment, substituée au département du Haut-Rhin, est donc fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme irrecevable la demande du département pour défaut d'intérêt pour agir. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il rejette comme irrecevable la demande du département du Haut-Rhin.

4. Il y a donc lieu, pour la cour, de se prononcer par voie d'évocation sur la demande présentée devant le tribunal administratif par le département, auquel s'est substituée la collectivité européenne d'Alsace.

En ce qui concerne la demande d'annulation de l'arrêté du 23 mars 2017 présentée par le département du Haut-Rhin, auquel s'est substituée la collectivité européenne d'Alsace :

S'agissant de l'intervention de la région Grand Est en première instance :

5. La région Grand Est justifiait, du fait notamment de sa compétence en matière d'élaboration du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires mais, également, de sa volonté de s'engager dans l'animation et la concertation dans le domaine de l'eau manifestée par la délibération du conseil régional du 18 novembre 2016 et par la délibération de la conférence territoriale de l'action publique du 23 mars 2017, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 23 mars 2017 présentées en première instance par le département du Haut-Rhin. Son intervention doit donc être admise.

S'agissant de la légalité de l'arrêté du 23 mars 2017 :

6. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 515-7 du code de l'environnement : " Le stockage souterrain en couches géologiques profondes de produits dangereux, de quelque nature qu'ils soient, est soumis à autorisation administrative. Cette autorisation ne peut être accordée ou prolongée que pour une durée limitée et peut en conséquence prévoir les conditions de réversibilité du stockage. Les produits doivent être retirés à l'expiration de l'autorisation. / A l'issue d'une période de fonctionnement autorisé de vingt-cinq ans au moins, ou si l'apport de déchets a cessé depuis au moins un an, l'autorisation peut être prolongée pour une durée illimitée, sur la base d'un bilan écologique comprenant une étude d'impact et l'exposé des solutions alternatives au maintien du stockage et de leurs conséquences. Le renouvellement s'accompagne d'une nouvelle évaluation des garanties financières prévues à l'article L. 541-26 ou à l'article L. 552-1. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 515-11 du code de l'environnement : " I.- Toute personne qui souhaite obtenir la prolongation d'autorisation mentionnée à l'article R. 515-10 adresse une demande au préfet du département qui a délivré l'autorisation. / II.- La demande (...) / 5° Décrit les capacités techniques et financières du pétitionnaire. (...) ". L'article L. 237-2 du code de commerce prévoit que : " La société est en liquidation dès l'instant de sa dissolution pour quelque cause que ce soit sauf dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article 1844-5 du code civil. Sa dénomination sociale est suivie de la mention " société en liquidation ". La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu'à la clôture de celle-ci. (...) ".

7. Il résulte des dispositions précitées que la prolongation illimitée d'une autorisation de stockage souterrain en couches géologiques profondes de produits dangereux ne peut être délivrée, sous le contrôle du juge de plein contentieux, si l'exploitant ne dispose pas de capacités techniques et financières propres ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine, le mettant à même de mener à bien ce projet et d'assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du prolongement de l'autorisation au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que des garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des articles L. 541-26 ou à l'article L. 552-1 du code de l'environnement.

8. Il résulte de l'instruction que les coûts de confinement des déchets ont été, en dernier lieu, évalués par la société MDPA à un montant de 180 millions d'euros pour un déstockage de 95 % du mercure présent sur le site. Cette somme n'intègre cependant pas l'ensemble des coûts liés au projet dès lors, notamment, qu'elle ne comprend pas les frais de surveillance à long terme du stockage une fois les travaux d'isolement et de remblayage opérés. La société MDPA devait ainsi nécessairement justifier disposer de capacités financières suffisantes au regard de la nature particulière de ce projet et donc établir qu'elle pouvait non seulement assumer le coût des travaux de confinement du stockage mais, également, les frais liés aux opérations de gestion et de surveillance d'une exploitation à long terme. A ce titre, la société MDPA, qui n'apporte aucune indication quant à ses capacités financières propres, a précisé que l'Etat est son unique actionnaire et qu'il veillera à assurer l'ensemble des dépenses liées à l'exploitation illimitée du stockage. Pour justifier de cet engagement de l'Etat, la société MDPA s'est cependant limitée à indiquer que le financement s'opérera par la voie de subventions allouées par le ministère en charge des mines au titre du programme 174 " énergie, climat et après-mines ". Or, si les différentes lois de finances ont pu allouer des subventions annuelles à la société MDPA pour des montants variant autour de 30 millions d'euros, ces subventions sont accordées annuellement sans garantie de leur maintien, non plus que de leur montant, et ne peuvent suffire à justifier de l'existence d'un engagement ferme de l'Etat à assumer les coûts du projet. De plus, il résulte de l'instruction et notamment de l'arrêté du 31 décembre 2008 portant approbation de la dissolution et mise en liquidation de la société anonyme MDPA, de la nomination du liquidateur, de la détermination de ses missions et fixant les modalités spéciales d'exercice du contrôle économique et financier de l'Etat sur cette société pendant la période de liquidation que la société MDPA a été dissoute à compter du 1er janvier 2009 et est, depuis cette date, en situation de liquidation. La personnalité morale de la société MDPA n'a, conformément aux dispositions de l'article L. 237-2 du code de commerce, vocation à subsister que pour les besoins de la liquidation. L'article 3 de l'arrêté du 31 décembre 2008 rappelle également ce principe en indiquant que le liquidateur ne peut engager de nouvelles opérations que pour le besoin de la liquidation. La dissolution de la société exploitante et le maintien de sa personnalité morale uniquement pour les besoins de la finalisation de la liquidation s'opposent ainsi à ce qu'elle puisse être reconnue comme disposant des capacités financières suffisantes pour assurer une exploitation dont la particularité est d'être illimitée dans le temps. Dans ces conditions, eu égard à sa situation juridique et ses modalités de financement, la société MDPA ne justifie pas disposer de capacités financières la mettant à même de mener à bien l'exploitation illimitée litigieuse et d'assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du prolongement de l'autorisation au regard notamment des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

9. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 541-26 du code de l'environnement : " Lorsqu'elle constate que les garanties financières exigées en application de l'article L. 516-1 ne sont plus constituées, l'autorité administrative compétente met en demeure l'exploitant de les reconstituer (...) ". L'article L. 516-1 du même code prévoit que : " La mise en activité, tant après l'autorisation initiale qu'après une autorisation de changement d'exploitant, des installations définies par décret en Conseil d'Etat présentant des risques importants de pollution ou d'accident, des carrières et des installations de stockage de déchets est subordonnée à la constitution de garanties financières. (...). / Un décret en Conseil d'Etat détermine la nature des garanties et les règles de fixation de leur montant. Ce décret fixe les conditions dans lesquelles les sommes versées au titre des garanties financières sont insaisissables, au sens de l'article L. 112-2 du code des procédures civiles d'exécution, par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, et les conditions de leur utilisation en cas d'ouverture d'une procédure collective. (...) ". Aux termes de l'article R. 516-1 de ce code : " Les installations dont la mise en activité est subordonnée à l'existence de garanties financières et dont le changement d'exploitant est soumis à autorisation préfectorale sont : / 1° Les installations de stockage des déchets, à l'exclusion des installations de stockage de déchets inertes ; (...) / Sont exemptées des obligations de constitution de garanties financières les installations classées mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4° et 5° et exploitées directement par l'Etat. (...) ". Enfin, aux termes du II de l'article R. 516-2 du code de l'environnement : " L'arrêté d'autorisation fixe le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d'actualisation de ce montant. ".

10. Il résulte des dispositions précitées, ainsi que de celles de l'article L. 515-7 du code de l'environnement citées au point 6 que le préfet doit, dans le cadre de la prolongation pour une durée illimitée d'une autorisation de stockage souterrain, procéder à une nouvelle évaluation des garanties financières constituées par l'exploitant lors de la mise en activité du stockage. Le préfet est ainsi tenu de vérifier si le montant des garanties financières, prévu notamment par l'article L. 516-1 du code de l'environnement et mentionné dans l'arrêté d'autorisation d'exploitation initial, reste adapté à la prolongation pour une durée illimitée de l'autorisation ou si, au contraire, elles doivent être réévaluées. Cette obligation ne s'impose toutefois pas aux demandes de prolongation d'exploitation des installations directement exploitées par l'Etat, pour lesquelles aucune garantie financière n'est exigée sur le fondement de l'article L. 516-1 du code de l'environnement.

11. Il résulte de l'instruction que l'arrêté du 3 février 1997 avait imposé à la société exploitante de constituer des garanties financières d'un montant initial de trois millions de francs, qui a été revu au 1er janvier 2005 et fixé alors à un total de dix millions de francs. L'arrêté litigieux du 23 mars 2017 du préfet du Haut-Rhin ne fait pas état d'une réévaluation de cette somme et ne confirme pas la pertinence du montant arrêté précédemment. Le préfet du Haut-Rhin, dans ses écritures de première instance, dont la ministre de la transition écologique s'approprie la teneur devant la cour, ne conteste pas ne pas avoir opéré une nouvelle évaluation des garanties financières mais fait valoir que le stockage souterrain est exploité directement par l'Etat, de sorte qu'aucune garantie financière n'était exigée. Pour autant, la prolongation litigieuse a été délivrée à la société MDPA, qui est une personne juridique distincte. Le seul fait que l'Etat soit l'unique actionnaire de la société MDPA ne saurait permettre d'apprécier cette société comme transparente dès lors, notamment, que, du fait de son placement en liquidation, la société exploitante ne peut plus être représentée que par son liquidateur. L'Etat, en dépit de sa qualité d'unique actionnaire, est sans droit, ni qualité pour se substituer au liquidateur et ne saurait, dans ces conditions, être regardé comme assurant la direction effective de la société. Par suite, le stockage souterrain litigieux ne peut être apprécié comme exploité directement par l'Etat. Dans ces conditions, le préfet du Haut-Rhin, en ne procédant pas à une nouvelle évaluation des garanties financières précédemment constituées par l'exploitant, a méconnu les dispositions de l'article L. 515-7 du code de l'environnement.

12. Au demeurant, il résulte de l'instruction que, si le dossier de demande présentait une évaluation du montant des opérations de déstockage, il se bornait, pour justifier des capacités financières de la société demanderesse, à indiquer, après avoir rappelé le placement en liquidation de l'exploitante au 1er janvier 2009, que l'Etat était l'unique actionnaire de la société MDPA et que toutes les dépenses liées au projet seraient couvertes par le montant des subventions annuelles octroyées par l'Etat au titre du programme du 174 " énergie, climat et après-mines ". Ces mentions n'étaient pas, en l'absence d'indications concernant un engagement de l'Etat quant au maintien de ces subventions et quant à leur montant, suffisamment précises et étayées sur les capacités dont la société MDPA était effectivement en mesure de disposer. Le dossier de demande ne satisfaisait ainsi pas aux exigences des dispositions de l'article R. 515-11 du code de l'environnement citées au point 6. Une telle insuffisance a été, en l'espèce, de nature à nuire à l'information complète du public.

13. Il résulte de tout ce qu'il précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par la collectivité européenne d'Alsace et par la région Grand Est, que l'arrêté du 23 mars 2017 doit être annulé.

Sur les requêtes présentées par l'association Alsace Nature et l'association CLCV - UD 68 :

En ce qui concerne les interventions présentées au soutien des conclusions à fin d'annulation par l'association Alsace Nature et l'association CLCV - UD 68 :

14. Le mémoire en intervention présenté en appel par une personne ayant introduit une demande à fin d'annulation en première instance et disposant ainsi de la qualité de partie devant le tribunal administratif, doit, en principe, être regardé comme un appel principal. Il en va, toutefois, différemment lorsqu'un demandeur en première instance n'avait pas un intérêt lui donnant qualité pour présenter lui-même un recours et que le tribunal a procédé à la jonction de sa demande et de celle d'une autre personne. Dans cette hypothèse, ce demandeur peut, en dépit de son erreur initiale, intervenir à l'appui de conclusions présentées devant la cour administrative d'appel sous la condition qu'il justifie d'un intérêt suffisant à intervenir eu égard à la nature et à l'objet du litige.

15. La commune de Wittenheim a présenté, devant le tribunal administratif de Strasbourg, une demande à fin d'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 23 mars 2017 et elle avait donc la qualité de partie en première instance. Si elle présente, devant la cour administrative d'appel, un mémoire en intervention, enregistré le 9 août 2019, pour s'associer aux conclusions présentées par l'association Alsace Nature, la commune avait, au regard de la proximité immédiate du site du projet litigieux et des risques de remontées de saumure par des puits situés sur son territoire, un intérêt lui donnant qualité pour présenter elle-même un recours en annulation contre l'arrêté du 23 mars 2017. Le mémoire en intervention présenté par la commune de Wittenheim devant la cour doit donc être regardé comme un appel principal. Or, le jugement n°s 1701939, 1702675, 1703732, 1705267 du 5 juin 2019, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a notamment rejeté la requête de la commune de Wittenheim, a été notifié à cette commune le 5 juin 2019, de sorte que le mémoire de la commune, qui a été enregistré le 9 août 2019 et qui doit être regardé comme un appel, a été présenté après l'expiration du délai de recours contentieux. La société MDPA est dès lors fondée à soutenir que les conclusions de la commune de Wittenheim sont tardives et, par suite, irrecevables.

16. La région Grand Est est intervenue devant le tribunal administratif de Strasbourg au soutien des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 23 mars 2017 du préfet du Haut-Rhin présentées par le département du Haut-Rhin, par la commune de Wittenheim et par l'association Alsace Nature, mais elle a également introduit elle-même une requête à fin d'annulation de l'arrêté du 23 mars 2017 du préfet du Haut-Rhin. La région Grand Est ne disposait cependant pas d'un intérêt suffisant pour lui permettre d'introduire elle-même un recours, comme l'a d'ailleurs relevé le tribunal administratif de Strasbourg en rejetant comme irrecevable sa requête. Il apparaît, en revanche, que la région Grand Est dispose, du fait notamment de sa compétence en matière d'élaboration du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires et de sa volonté de s'engager dans l'animation et la concertation dans le domaine de l'eau manifestée par la délibération du conseil régional du 18 novembre 2016 et par la délibération de la conférence territoriale de l'action publique du 23 mars 2017, d'un intérêt lui donnant qualité pour intervenir eu égard à la nature et à l'objet de l'arrêté litigieux. Par suite, en dépit de son erreur initiale devant le tribunal administratif, la région pouvait intervenir au soutien des conclusions à fin d'annulation présentées par l'association Alsace Nature et par l'association CLCV-UD 68. Or, dès lors que tant l'appel formé par l'association Alsace Nature que celui introduit par l'association CLCV-UD 68 étaient, notamment au regard de l'intérêt à interjeter appel des deux associations, recevables, les interventions de la région au soutien des conclusions à fin d'annulation présentées par ces deux associations doivent être admises.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation présentées par les deux associations :

17. Il appartient au juge de plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement de se prononcer sur l'étendue des obligations mises à la charge de l'exploitant par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue. Il en résulte que si l'acte attaqué, pris pour l'application de la législation relative aux installations classées, est rapporté par l'autorité compétente avant que le juge ait statué, il n'y a pas lieu pour celui-ci, que ce retrait ait ou non acquis un caractère définitif, de se prononcer sur le mérite de la demande dont il est saisi. Il en va de même lorsque, après avoir fait usage de la faculté de jonction dont il dispose dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge annule l'acte attaqué dans une instance puis tire les conséquences nécessaires de ses propres énonciations dans le ou les dossiers joints.

18. Il résulte de ce tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par l'association Alsace Nature et par l'association CLCV-UD 68 ont perdu leur objet et qu'il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société MDPA une somme de 3 000 euros à verser à la collectivité européenne d'Alsace sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'une somme de 3 000 euros à verser à l'association Alsace Nature. Il y a également lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à l'association CLCV-UD 68 au même titre. En revanche, les conclusions présentées par la société Les mines de potasse d'Alsace sur ce fondement doivent être rejetées.

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative prévoient seulement la mise à charge d'une des parties à l'instance des frais exposés par une autre partie non compris dans les dépenses. Elles ne sauraient recevoir application au profit ou à l'encontre d'une personne qui a la qualité d'intervenant et qui n'aurait pas eu qualité pour former tierce opposition. Par suite les conclusions présentées sur ce fondement par la région Grand Est ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les interventions de la région Grand Est sont admises.

Article 2 : L'intervention de la commune de Wittenheim n'est pas admise.

Article 3 : Le jugement n°s 1701939, 1702675, 1703732, 1705267 du 5 juin 2019 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il rejette la requête du département du Haut-Rhin, devenu la collectivité européenne d'Alsace.

Article 4 : L'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 23 mars 2017 est annulé.

Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées devant la cour par l'association Alsace Nature et l'association Consommation Logement Cadre de vie - Union départementale du Haut-Rhin.

Article 6 : La société Les mines de potasse d'Alsace versera à la collectivité européenne d'Alsace la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : La société Les mines de potasse d'Alsace versera à l'association Alsace Nature la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : L'Etat versera à l'association Consommation Logement Cadre de vie - Union départementale du Haut-Rhin la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Les conclusions présentées par la société Les mines de potasse d'Alsace et par la région Grand Est sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à la collectivité européenne d'Alsace, à l'association Alsace Nature, à l'association Consommation, logement et cadre de vie - Union départementale du Haut-Rhin, à la région Grand Est, à la commune de Wittenheim, à la société Les mines de potasse d'Alsace et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

N°s 19NC02483, 19NC02516, 19NC02517 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02483
Date de la décision : 15/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Actes affectant le régime juridique des installations - Extension.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : SCP LONQUEUE - SAGALOVITSCH - EGLIE-RICHTERS et Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-15;19nc02483 ?
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