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14/10/2021 | FRANCE | N°20NC00380

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 14 octobre 2021, 20NC00380


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Plateforme de l'or et pierres précieuses (Pfor) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er avril 2009 au 31 décembre 2012, des suppléments de contributions sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2011 et 2012 et des suppléments d'impôt sur les société

s au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Par une ordonnance du président de la sec...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Plateforme de l'or et pierres précieuses (Pfor) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er avril 2009 au 31 décembre 2012, des suppléments de contributions sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2011 et 2012 et des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat du 26 mars 2019, le jugement de cette affaire a été attribué au tribunal administratif de Nancy en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative.

Par un jugement N° 1720739 du 26 décembre 2019, le tribunal administratif de Nancy après avoir constaté un non-lieu à statuer dans la mesure de dégrèvements prononcés en cours d'instance, a rejeté le surplus de cette demande.

M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et des contributions sociales qui lui ont été assignés au titre des années 2011 et 2012.

Par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat du 26 mars 2019, le jugement de cette affaire a été attribué au tribunal administratif de Nancy en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative.

Par un jugement N°1720738 du 26 décembre 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête enregistrée le 13 février 2020, sous le numéro 20NC0380, ainsi que des mémoires enregistrés les 5 janvier et 21 avril 2021, l'EURL Plateforme de l'or et matières précieuses, représentée par Me Minni, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement N°1720739;

2°) de prononcer, au besoin après expertise, la décharge des impositions et pénalités laissées à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rapport de l'expert démontre que sa comptabilité n'est affectée d'aucune irrégularité et qu'il n'y a aucune anomalie concernant les quantités de métaux déposées ou retournées chez la société allemande Agosi alors que la comptabilité de cette dernière société ne saurait être tenue pour sincère et régulière ;

- le même rapport démontre le malfondé des redressements effectués en l'absence d'achats de métaux éludés.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

II.) Par une requête enregistrée le 13 février 2020, sous le numéro 20NC00383, ainsi que des mémoires enregistrés les 5 janvier et 21 avril 2021, M. A..., représenté par Me Minni, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement N°1720738;

2°) de prononcer, au besoin après expertise, la décharge des impositions et pénalités découlant des redressements provenant des bénéfices de la société Plateforme de l'or et pierres précieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le rapport de l'expert démontre que la comptabilité de la société Pfor n'est affectée d'aucune irrégularité et qu'il n'y a aucune anomalie concernant les quantités de métaux déposées ou retournées chez la société allemande Agosi alors que la comptabilité de cette dernière société ne saurait être tenue pour sincère et régulière ;

- le même rapport démontre le malfondé des redressements effectués en l'absence d'achats de métaux éludés.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Minni en présence de M. A..., associé unique de l'EURL Pfor.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Pfor, dont nul ne conteste que ses bénéfices sont soumis à l'impôt sur les sociétés, a pour activité l'achat et la vente de métaux précieux, de pièces de monnaie et de lingots. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er avril 2009 au 30 septembre 2012. Après avoir regardé la comptabilité de la société comme affectée de graves irrégularités, le service a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires et des bénéfices imposables et a porté à sa connaissance les rectifications envisagées en matière de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, selon la procédure contradictoire prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, par lettres modèle 3924 des 10 décembre 2013 et 31 juillet 2014. La société n'ayant pas accepté ces rectifications, celles-ci ont été partiellement confirmées par lettres des 4 novembre 2014 et 19 février 2015. Les impositions supplémentaires, assorties des pénalités pour manquement délibéré ainsi que de l'amende de l'article 1840 J du code général des impôts pour paiements en espèces, ont été mises en recouvrement le 21 avril 2016 conformément à un avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 30 novembre 2015. La réclamation présentée par l'EURL Pfor a donné lieu à une décision d'admission partielle du 9 décembre 2016. M. A..., gérant et associé unique de l'EURL Pfor, a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ayant concerné les années 2011 et 2012 à l'issue de laquelle, par proposition de rectification du 1er octobre 2014, suivant la procédure contradictoire prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, le service a imposé entre ses mains, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, les revenus réputés distribués provenant du rehaussement des bénéfices imposables de l'EURL Pfor ainsi que des dividendes provenant d'une société Banque de l'Or. Ces rectifications contestées par M. A... ont été partiellement maintenues par l'administration. Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 31 mars 2016 et la réclamation préalable de M. A... a été rejetée par le service le 28 novembre 2016. Par les deux requêtes ci-dessus visées qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, l'EURL Pfor et M. A... relèvent respectivement appel des jugements du 26 décembre 2019 du tribunal administratif de Nancy, à qui les affaires ont été attribuées par l'ordonnance ci-dessus visée du 26 mars 2019, en tant qu'il a rejeté leurs demandes.

Sur le bien-fondé des impositions mises à la charge de l'EURL Pfor :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

2. Au cours de la vérification de comptabilité de la société requérante et au vu des résultats de la demande d'assistance administrative internationale effectuée auprès des autorités allemandes, l'administration a constaté que l'inventaire physique des stocks n'avait pas été tenu au titre des exercices clos les 30 septembre 2010 et 2011 et que les opérations effectuées avec la société allemande Allgemeine Gold und Silberscheideanstalt ci-après Agosi, à la fois client et fournisseur de la société requérante, n'avaient pas été enregistrées dans leur totalité dans sa comptabilité et qu'elle n'en avait conservé aucune pièce justificative. Il résulte à cet égard de l'instruction que la société Pfor, pour les besoins des opérations d'achats, de ventes et de travaux à façon, remet en dépôt dans les locaux de la société Agosi des stocks de métaux précieux dont les mouvements de dépôts et de retraits sont retracés dans des comptes matière exprimés en poids dans la comptabilité de la société allemande. Le service a ainsi établi que la société Agosi avait déclaré des montants de livraisons intracommunautaires de biens effectuées au profit de l'EURL Pfor supérieurs aux montants des acquisitions déclarées par cette dernière. L'examen de la comptabilité de la société Agosi, effectué dans le cadre de l'assistance administrative, a ainsi démontré que de nombreuses prestations de travaux à façon de fonte et affinage de métaux précieux, de livraisons de marchandises, de paiements réalisés par cette société n'ont pas été comptabilisées par l'EURL Pfor tandis que la société requérante n'a pas non plus comptabilisé les livraisons de biens effectuées par elle au profit de la société allemande. Le service a enfin constaté que le stock d'argent appartenant à l'EURL Pfor, déposé dans les locaux de la société Agosi, ne figurait pas dans l'inventaire de la société requérante au 30 septembre 2012. Il résulte de ces constatations que la comptabilité de l'EURL Pfor, au cours de la période vérifiée, ne retrace pas l'intégralité de ses opérations réalisées avec la société Agosi dont elle n'a pas conservé les pièces justificatives et ne comporte pas d'inventaire des stocks. Par suite, en dépit de ce que le fichier des écritures comptables a bien été remis au vérificateur, la comptabilité de l'EURL Pfor est affectée de graves irrégularités et dépourvue de valeur probante.

3. Afin de remettre en cause ces éléments la société requérante, dont il vient d'être dit qu'elle n'a conservé aucune pièce justificative de ses relations avec la société Agosi, ne saurait utilement soutenir, sans le démontrer, que la comptabilité de cette dernière ne serait pas sincère. Si l'EURL Pfor entend se prévaloir des conclusions d'une expertise privée qu'elle a fait réaliser par un expert-comptable, il ressort de ses rapports que, si l'expert expose l'analyse qu'il convient selon lui de faire des relations ayant existé entre les deux sociétés ainsi que les conclusions qu'il convient selon lui d'en tirer, il ne conteste pas que la comptabilité de l'EURL Pfor n'a pas enregistré les opérations effectuées avec la société Agosi telles qu'il les décrit. Par suite, l'EURL Pfor n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'aurait pas rapporté la preuve des graves irrégularités affectant sa comptabilité au titre de la période vérifiée.

En ce qui concerne la charge de la preuve :

4. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge ".

5. Il résulte de ce qui précède que la comptabilité de l'EURL Pfor est affectée de graves irrégularités et dépourvue de valeur probante. Les impositions en litige ayant été établies conformément à l'avis rendu le 30 novembre 2015 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires, la charge de la preuve de leur caractère infondé incombe, par suite, à l'EURL Pfor.

En ce qui concerne la reconstitution des chiffres d'affaires taxables et des bénéfices imposables :

6. Après avoir écarté la comptabilité de la société requérante dans les conditions ci-dessus analysées, le service a procédé à la reconstitution des chiffres d'affaires et bénéfices à partir des opérations enregistrées dans la comptabilité de la société Agosi correspondant d'une part, à des retraits en l'état de métaux précieux, d'autre part, à des retraits de lingots façonnés. Le service a considéré que toutes les opérations de retraits ainsi réalisés par Pfor qui ne se retrouvaient pas dans sa comptabilité correspondaient à des achats revendus au cours de l'exercice non comptabilisés par elle. La vérificatrice a alors retenu le montant des achats facturés par Agosi pour le prix facturé et retenu le montant des virements et travaux à façons pour la valeur statistique en euro du poids des métaux figurant dans le compte matière correspondant. Ayant ainsi déterminé la valeur des achats revendus éludés, considérés comme l'ayant été au cours de la période vérifiée, le service a déterminé un taux de marge moyen sur achats revendus égal à la moyenne du taux de marge sur les exercices vérifiés conduisant à déterminer le montant des recettes dissimulées à réintégrer. Le service a en outre considéré que l'argent conservé pour son compte par la société Agosi constituait un stock de marchandise non comptabilisé au 30 septembre 2012. Une telle méthode, exhaustive et détaillée, n'est ni sommaire ni viciée dans son principe.

7. L'EURL Pfor, en s'appuyant sur l'étude qu'elle a fait réaliser par un expert privé, soutient que c'est à tort que l'administration a considéré que tous les retraits de métaux précieux effectués sur ses comptes au sein de la société Agosi constituaient des achats et fait valoir que ces marchandises, compte tenu d'une situation de fluctuations importantes des cours de matières, lui étaient confiées par Agosi, après façonnage, pour qu'elle les revende, l'achat n'étant comptabilisé qu'au moment de la vente et la marchandise demeurant la propriété d'Agosi jusqu'à cette date mais lui étant restituée en cas d'absence de commercialisation. Il ressort cependant de la lecture de son rapport, établi de manière non contradictoire, que l'expert privé reconnaît que les relations commerciales entre les deux sociétés, telles qu'il les décrit, ne se retrouvent pas dans la comptabilité de Pfor tandis que cette explication ne pourrait valoir au mieux que pour les retraits de lingots après façonnage et non pour les retraits de métaux en l'état. Surtout, dès lors que la société Pfor n'était en possession d'aucune pièce de nature à justifier de ses relations avec Agosi et que les retraits de matière ont donné lieu à des facturations de la part de cette dernière, c'est à juste titre que l'administration a considéré que tout retrait effectué sur les comptes matière qui n'était pas comptabilisé correspondait à un achat revendu au cours de la période vérifiée. Si la société requérante, s'appuyant sur une attestation d'un ancien de ses salariés établie plusieurs années après les faits ainsi que sur des bordereaux de livraisons qui n'ont pas été présentés au cours des opérations de contrôle, soutient que la réalité des opérations de dépôt-vente réalisées avec Agosi est établie par les retours de matières effectués à destination de cette dernière, elle ne justifie pas, en l'absence d'une comptabilité probante, que les matières et marchandises ainsi remises à Agosi seraient les mêmes que celles que cette dernière lui avaient livrées. A cet égard, l'allégation selon laquelle la société Agosi aurait systématiquement procédé à un façonnage dans le cas où les matières qui lui étaient remises ne seraient pas celles qu'elle avait préalablement confiées à la société requérante est dépourvue de toute justification utile. Par suite, la société Pfor ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère infondé des impositions supplémentaires qui lui ont été assignées.

Sur le bien-fondé de l'imposition des revenus distribués imposés entre les mains de M. A... :

8. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ". En cas de refus des redressements par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé.

9. M. A..., gérant et associé unique de l'EURL Pfor a été regardé comme le bénéficiaire des revenus réputés distribués correspondant à la réintégration dans les bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés des recettes dissimulées mises en lumière par la reconstitution dont le bien-fondé vient d'être établi. Afin de contester le bien-fondé des suppléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignés, M. A... invoque les mêmes moyens que ceux soulevés par l'EURL Pfor dans sa requête d'appel. Il y a lieu, par suite, de les écarter par les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que l'EURL Pfor et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de leurs demandes. Par suite, leurs requêtes d'appel doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes ci-dessus visées présentées respectivement par l'EURL Pfor et M. A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Plateforme de l'or et matières précieuses, à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

N° 20NC00380, 20NC00383 4


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