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05/10/2021 | FRANCE | N°21NC00139

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 05 octobre 2021, 21NC00139


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 juin 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an.

Par un jugement n° 2003739 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a

rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 juin 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an.

Par un jugement n° 2003739 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2021, M. A... B..., représenté par Me Sultan, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003739 du tribunal administratif de Strasbourg du 29 septembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, subsidiairement de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son avocate au titre de ses frais de première instance, et la somme de 1 500 euros à verser à son avocate au titre de ses frais d'appel.

Il soutient que :

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance de son droit à être entendu ;

- c'est à tort que le préfet a estimé que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public ;

- le refus de séjour méconnaît les stipulations des paragraphes 2 et 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit, de fait et d'appréciation, dès lors que sa vie privée et familiale n'a pas été prise en compte ;

- le refus de délai de départ volontaire est injustifié, dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et compte tenu de ses liens familiaux et de ses garanties de représentation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas justifiée, compte tenu de ses attaches familiales en France et de ce qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public.

Par ordonnance du 7 juillet 2021, l'instruction a été close le 22 juillet 2021.

Le 12 septembre 2021, postérieurement à cette clôture d'instruction, le préfet du Haut-Rhin a déposé un mémoire en défense, qui n'a pas été communiqué.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Le rapport de M. Rees, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur la légalité du refus de séjour :

1. En premier lieu, M. B... soutient que, du fait de l'annulation de ses rendez-vous en préfecture des 23 avril, puis 30 juin 2020, il n'a pas pu déposer son dossier complet de demande de titre de séjour, et a ainsi été privé de son droit à être entendu, principe général du droit de l'Union européenne. Toutefois, il était loisible à M. B..., qui avait déposé sa demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité de conjoint de Française dès le 23 mars 2020, de la compléter à tout moment, et non pas uniquement à l'occasion d'un rendez-vous en préfecture. Il ne saurait être regardé comme ayant été privé de cette possibilité du seul fait de l'annulation de ses rendez-vous en préfecture. Dès lors, le moyen doit être écarté.

2. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ". Ni les stipulations précitées ni aucune des autres stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne privent l'administration du pouvoir qui lui appartient en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour d'un ressortissant algérien en se fondant sur la circonstance que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

3. Il est constant que M. B... a été interpellé et placé en garde à vue le 25 juin 2020 par les services de police de Mulhouse pour des faits de recel de vol et port d'arme de catégorie D. Auparavant, il avait été condamné, le 14 août 2017, par le tribunal correctionnel de Créteil, à une peine de douze mois de prison pour des faits de recel de bien provenant d'un vol, de vol en réunion, de vol simple et de vol avec violence commis entre avril et juin 2017. Eu égard à la gravité de ces faits, à leur répétition et à leur caractère récent, le préfet du Haut-Rhin n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le comportement de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public. Par suite, il a pu légalement, pour ce motif, refuser à M. B... la délivrance du certificat de résidence algérien prévu par les stipulations précitées.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

5. M. B..., ressortissant algérien né en 1991 et entré en France en 2015, selon ses déclarations, fait valoir son mariage, le 28 février 2020, avec une Française, et sa participation à l'éducation de la fille de cette dernière, née d'une précédente union le 9 mars 2018. Toutefois, l'ancienneté et la stabilité de la relation de M. B... avec son épouse ne sont pas établies. Par ailleurs, l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu la majeure partie de sa vie et où résident ses parents. Dans ces conditions, et eu égard aux conditions du séjour en France de M. B..., qui s'y est maintenu en dépit d'une mesure d'éloignement assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans prise à son encontre le 4 janvier 2018 par le préfet du Val-de-Marne, et qui, ainsi qu'il a été dit au point 3, constitue une menace pour l'ordre public, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a refusé de l'admettre au séjour. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour.

7. En deuxième lieu, pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'erreur de droit, de fait et d'appréciation, M. B... se borne à faire valoir que sa vie privée et familiale n'a pas été prise en compte. Cette affirmation sommaire, au demeurant contredite par les énonciations de l'arrêté contesté, ne permet pas à la cour d'apprécier la portée des moyens que l'intéressé a entendu soulever.

8. En troisième lieu, M. B... ne peut pas utilement soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au motif qu'il n'aurait plus de domicile en Algérie, dès lors que cette décision n'a pas, par elle-même, pour objet ou pour effet de le renvoyer dans ce pays.

Sur la légalité de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

9. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " II. ' Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".

10. Ainsi qu'il a été dit au point 3, le comportement de M. B... constitue une menace pour l'ordre public. En outre, il est constant qu'il ne dispose pas d'un passeport en cours de validité. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que ses liens familiaux en France font obstacle à ce qu'il quitte sans délai le territoire national. Dans ces conditions, et alors même que M. B... dispose d'un domicile qu'il partage avec son épouse, le préfet a pu, sans commettre d'erreur de droit ni d'appréciation, refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) ".

12. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 et 5, M. B... n'est pas fondé à soutenir que sa situation familiale en France caractérise des circonstances humanitaires de nature à justifier qu'une interdiction de retour ne soit pas prononcée à son encontre.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

N° 21NC00139 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00139
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SULTAN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-05;21nc00139 ?
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