La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/2021 | FRANCE | N°21NC00090

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 05 octobre 2021, 21NC00090


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 juin 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

Par un jugement n° 2004845 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le

n° 21NC00090 le 12 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Sultan demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 juin 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

Par un jugement n° 2004845 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 21NC00090 le 12 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Sultan demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 octobre 2020 ;

2°) d'annuler les décisions du 29 juin 2020 prises à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence algérien sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre des frais de la première instance ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre des frais de l'instance d'appel.

Il soutient que :

- le jugement n'a pas répondu à son argumentation sur le fait qu'il avait bénéficié par le passé d'un titre de séjour en raison de son état de santé et que, compte tenu du contexte traumatique à l'origine de ses troubles de santé, le seul retour dans son pays aggraverait son état ;

- le préfet a inexactement appliqué les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ;

- le préfet a inexactement appliqué les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

- subsidiairement, l'avis du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) ne donne aucune indication sur la réalisation ou non d'examen complémentaire et sur le point de savoir si, dans ce cas, le demandeur a pu justifier de son identité ;

- l'annulation de la décision portant refus de séjour doit entraîner l'annulation par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

La préfète du Bas-Rhin a produit un mémoire en défense le 7 septembre 2021 qui n'a pas été communiqué.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Picque, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 25 février 1992, de nationalité algérienne, est entré en France régulièrement au mois de janvier 2016. Bénéficiaire d'un certificat de résidence délivré en application du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, valable du 13 avril 2017 au 12 avril 2018, il en a sollicité le renouvellement le 28 mars 2018. Par un arrêté du 29 juin 2020, le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande et également refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 5) du même article, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement du 13 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le considérant 5 du jugement attaqué indique les motifs pour lesquels le tribunal a estimé que le préfet n'a pas fait une inexacte application des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux ressortissants algériens pour la mise en œuvre des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance de carte de séjour prévu à l'article R. 311-4 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...). ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...). Cet avis mentionne les éléments de procédure ".

4. D'une part, il résulte des dispositions citées au point précédent, notamment de celles de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la convocation du demandeur ou la demande d'examen complémentaire n'est qu'une faculté pour le médecin qui établit le rapport médical ou le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en l'espèce cette faculté aurait été mise en œuvre, les rubriques de l'avis concernant la convocation à de tels examens et les conditions dans lesquelles ils se sont déroulés étaient sans objet et n'avaient pas à être renseignées.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du certificat médical du 9 août 2020 établi par un médecin spécialisé, que M. B... souffre d'une psychose chronique qui se manifeste par des hallucinations auditives, un délire de persécution, un état dépressif sévère chronique, des insomnies et une anxiété massive. Suivi de façon hebdomadaire par un psychiatre, il bénéficie d'un traitement anxiolytique (Valium, Séresta, Lyrica), hypnotique (Zolpidem), et neuroleptique (Haldol). Contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort de la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine élaborée par le ministère algérien de la santé, à jour du 31 décembre 2019, que la substance active du Valium, à savoir le diazépam, est disponible en Algérie sous forme de générique, tandis que celle du Zolpidem y est commercialisé sous la marque Stilnox. S'il est constant que l'oxazepam, qui constitue la substance active du Séresta, n'est pas disponible en Algérie, le requérant n'établit pas, comme le soutient le préfet, que les autres anxiolytiques de la classe des benzodiazépines commercialisés en Algérie ne pourraient pas lui apporter un effet équivalent. Dans ces conditions, M. B... n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émis le 4 septembre 2019, aux termes duquel il a estimé que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pourrait effectivement bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Bas-Rhin fait une inexacte application des stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien en refusant de renouveler le titre de séjour dont il bénéficiait sur le fondement de ces dispositions.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus(...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... ne séjournait en France que depuis quatre ans et demi à la date de la décision attaquée. Il est célibataire et sans charge de famille en France. Si son père est titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans portant la mention " retraité " et que quatre de ses frères et sœur sont français, le requérant, en dépit de son manque d'autonomie, vit seul sans justifier qu'il nécessite l'assistance d'une tierce personne. Par ailleurs, malgré le décès de sa mère, il n'est pas dépourvu d'attaches en Algérie dès lors que le titre de séjour de son père lui permet seulement d'effectuer des séjours en France n'excédant pas un an et qu'y vit encore un de ses frères. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet n'a pas fait une inexacte application des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 7, qu'en fixant l'Algérie, pays dont M. B... a la nationalité, comme pays de destination, la préfète ait apprécié de façon manifestement inexacte les conséquences de sa décision sur la situation de M. B....

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Moselle du 29 juin 2020. Ses conclusions à fin d'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, dès lors, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

4

N° 21NC00090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00090
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie PICQUE
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SULTAN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-05;21nc00090 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award