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05/10/2021 | FRANCE | N°20NC03669

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 05 octobre 2021, 20NC03669


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée.

Par un jugement n° 2006215 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistré

e le 17 décembre 2020, Mme A..., représentée par Me Galland, demande à la cour :

1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée.

Par un jugement n° 2006215 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 2020, Mme A..., représentée par Me Galland, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 novembre 2020 ;

2°) d'annuler les décisions du 7 septembre 2020 prises à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- les premiers juges auraient dû écarter les écritures de l'administration dès lors qu'elle n'avait pas répertorié par signets les pièces produites dans un fichier unique, en méconnaissance de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative ;

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen soulevé par la requérante sur la méconnaissance de cet article ;

- le mémoire en réplique produit par la requérante, dans lequel elle a soulevé ce moyen, n'a pas été visé et analysé et n'a pas été pris en compte ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- l'arrêté est intervenu en méconnaissance des dispositions des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- la préfète a commis une erreur de droit en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'elle ne disposait pas d'un visa long séjour ;

- la préfète a commis une erreur de droit en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif et ne suivait pas d'études supérieures mais poursuivait des études secondaires et professionnelles ;

- la préfète a commis une erreur de fait, dès lors qu'à la date de la décision elle n'était plus inscrite en CAP mais en première année de baccalauréat professionnel ;

- la préfète n'établit pas qu'elle n'aurait pas de ressources suffisantes ;

- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; les mesures d'éloignement prises à l'encontre de ses parents ne peuvent pas être exécutées ;

- la préfète a commis une erreur de droit en n'examinant pas sa situation dans sa globalité et en n'envisageant pas la possibilité de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;

- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 2 du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 9 août 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 1er septembre 2021 à 12 heures.

Un mémoire en défense a été présenté par la préfète du Bas-Rhin le 1er septembre 2021 à 14 heures.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Picque, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante arménienne née le 15 décembre 2000, est entrée en France, selon ses déclarations, le 22 juillet 2017. Le 4 juillet 2019, elle a demandé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement n° 1908086 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 23 septembre 2019 du préfet du Bas-Rhin rejetant cette demande et prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire. A l'issue du réexamen enjoint par le jugement, la préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 7 septembre 2020, a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A... l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée. Mme A... relève appel du jugement du 20 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En application de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, le jugement doit contenir notamment l'analyse des conclusions et mémoires des parties.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges de première instance que, dans le mémoire enregistré le 3 novembre 2020 présenté pour Mme A..., il était soutenu que les écritures produites par la préfète du Bas-Rhin le 27 octobre 2020 devaient être écartées des débats, en application de l'article R. 811-8-2 du code de justice administrative, dès lors que les pièces jointes au mémoire en défense n'étaient pas répertoriées par signets. Ce moyen n'a pas été analysé dans les visas du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 novembre 2020 et les premiers juges n'y ont pas répondu, les motifs du jugement, et en particulier la mention " sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir ", ne permettant pas de suppléer à cette omission. Dès lors, Mme A... est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité substantielle. Par suite, ce jugement doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".

6. Ainsi qu'il a été dit au point 1, par un jugement du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir annulé l'arrêté du 23 septembre 2019 rejetant la demande de titre de séjour présentée le 4 juillet 2019 par Mme A... et l'obligeant à quitter le territoire français, a enjoint à l'administration de réexaminer la situation de l'intéressée. L'autorité préfectorale s'est trouvée, dans ces conditions, à nouveau saisie de la demande de titre de séjour initialement présentée par Mme A.... Elle n'était dès lors pas tenue, préalablement à l'intervention de la décision de refus de titre de séjour en litige, prise à l'issue de ce réexamen, de mettre en œuvre la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit donc être écarté comme inopérant.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin, qui était saisie d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a examiné le droit au séjour de Mme A... au regard de ces dispositions. Elle a également tenu compte, avant de décider de ne pas accorder de titre de séjour à l'intéressée et de prononcer une mesure d'éloignement, de la vie privée et familiale de celle-ci. Enfin, la préfète, qui n'était pas tenue de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, n'avait pas à faire état des raisons pour lesquelles elle s'était abstenue de délivrer à Mme A... un titre de séjour sur un autre fondement que celui demandé par l'intéressée. Dans ces conditions, la situation de Mme A... ayant fait l'objet d'un examen réel et sérieux par l'autorité administrative, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes du I de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 ".

9. Il résulte de ces dispositions qu'en principe, pour obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", l'étranger doit justifier être entré en France avec un visa long séjour, établir la réalité des études ou des enseignements suivis en France et disposer de moyens d'existence suffisants. Ce n'est qu'en cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger poursuit des études supérieures après une scolarité interrompue depuis l'âge de seize ans qu'il est dispensé de produire un visa long séjour, à la condition toutefois d'être entré régulièrement sur le territoire français.

10. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme A... en qualité d'étudiante, la préfète du Bas-Rhin s'est fondée sur la circonstance qu'elle était dépourvue de visa long séjour, qu'elle ne suivait que des études secondaires et qu'elle ne justifiait pas de moyens d'existence suffisants.

11. Contrairement à ce qui est soutenu, il résulte de ce qui a été dit au point 9, que l'autorité administrative pouvait légalement tenir compte du niveau d'études suivi par Mme A....

12. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée Mme A... était inscrite en classe de première au sein du lycée professionnel Camille Schneider à Molsheim, après avoir achevé avec succès en juin 2020 son CAP " cuisine ". Dès lors que l'intéressée poursuivait, non pas des études supérieures, mais des études de niveau secondaire, et ne faisait pas valoir de nécessitées liées au déroulement de ses études, la préfète pouvait, sans erreur de droit, lui opposer l'absence de visa long séjour. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, la circonstance que l'autorité administrative ait, à tort, indiqué que Mme A... était inscrite en CAP non en première année de baccalauréat professionnel, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté.

13. Enfin, Mme A..., à qui cette preuve incombe, ne justifie pas qu'elle disposait de moyens d'existence suffisants au jour de la décision attaquée et il est constant qu'elle est entrée en France sans visa long séjour. C'est donc sans méconnaître les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la préfète a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur ce fondement.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

15. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée Mme A..., née le 15 décembre 2000, était présente en France depuis trois ans. Ses parents séjournent irrégulièrement en France. L'existence d'un appel contre le jugement de première instance rejetant leurs demandes d'annulation des obligations de quitter le territoire prises à leur encontre ne suspendait pas le caractère exécutoire de ces mesures d'éloignement. L'intéressée ne fait état d'aucune précision, ni n'apporte aucun élément sur les attaches personnelles qu'elle aurait développées en France et ne démontre ainsi pas qu'elle y aurait tissé des liens d'une particulière intensité. Enfin, Mme A... ne soutient pas ne plus avoir d'attaches familiales en Arménie, où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de dix-sept ans. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant refus de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations et dispositions précitées une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise.

16. En dernier lieu, aux termes de l'article 2 du protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction (...) ". La décision de refus de séjour n'a ni pour objet, ni pour effet de priver Mme A... d'un droit à l'instruction. En tout état de cause, l'intéressée n'allègue ni n'établit qu'elle ne pourrait suivre des études en Arménie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant et doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 7 septembre 2020 de la préfète du Bas-Rhin. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2006215 du 20 novembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Strasbourg, ainsi que le surplus des conclusions de sa requête, sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

2

N° 20NC03669


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03669
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie PICQUE
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : KLING

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-05;20nc03669 ?
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