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28/09/2021 | FRANCE | N°19NC03599

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 28 septembre 2021, 19NC03599


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 1er juin 2018 par laquelle le conseil d'administration restreint de l'université de Strasbourg a émis un avis favorable à la proposition du même jour du conseil académique restreint de cet établissement portant approbation de l'avis du comité de sélection du 16 mai 2018, qui classe par ordre de préférence la liste des trois candidats retenus au poste de professeur des universités dans la discipline " littératu

re latine et humanisme rhénan ".

Par un jugement n° 1804790 du 3 octobre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 1er juin 2018 par laquelle le conseil d'administration restreint de l'université de Strasbourg a émis un avis favorable à la proposition du même jour du conseil académique restreint de cet établissement portant approbation de l'avis du comité de sélection du 16 mai 2018, qui classe par ordre de préférence la liste des trois candidats retenus au poste de professeur des universités dans la discipline " littérature latine et humanisme rhénan ".

Par un jugement n° 1804790 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2019, et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 10 janvier et 30 juillet 2020, M. A... B..., représenté par Me Teboul, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1804790 du tribunal administratif de Strasbourg du 3 octobre 2019 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil d'administration restreint de l'université de Strasbourg du 1er juin 2018 ;

3°) d'enjoindre au président de l'université de Strasbourg de prendre toute mesure d'exécution nécessairement impliquée par l'annulation de cette délibération.

Il soutient que :

- en violation des règles de procédure applicables, les membres du conseil d'administration de l'université de Strasbourg, qui se sont prononcés le même jour que ceux du conseil académique de l'établissement, n'ont pas disposé du temps de réflexion et des éléments d'information nécessaires pour se prononcer en toute connaissance de cause ;

- il est recevable à contester, par la voie de l'exception, l'avis du comité de sélection du 16 mai 2018 qui s'insère dans une opération complexe ;

- en le classant en deuxième position, derrière une candidate dont le profil n'est pas en adéquation avec celui du poste ouvert à la candidature, les membres du comité de sélection ont commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- la délibération du conseil d'administration en litige, qui repose sur l'avis du comité de sélection du 16 mai 2018 et sur la délibération confirmative du conseil académique du 1er juin 2018, est également entachée d'illégalité ;

- eu égard à l'inadéquation du profil de la candidate classée en première position avec celui du poste ouvert à la candidature, le conseil d'administration était tenu d'émettre un avis défavorable motivé conformément aux dispositions de l'article 9-2 du décret n° 84-441 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences ;

- en se prononçant sur le fond du litige, le tribunal administratif de Strasbourg a implicitement reconnu sa compétence ratione materiae ;

- dans l'hypothèse où la cour estime que le présent litige ressortit à la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d'Etat, il appartiendra à son président de transmettre sans délai le dossier au Conseil d'Etat en application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2020, l'université de Strasbourg, représentée par Me Clamer, conclut, à titre principal, à l'annulation pour incompétence ratione materiae du jugement de première instance et à la transmission du dossier au Conseil d'Etat en sa qualité de juge de premier et dernier ressort, à titre subsidiaire, au rejet de la requête, et à la mise à la charge de M. B... C... la somme de 2 000 euros ou toute autre somme qu'il plaira à la cour de fixer en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en vertu des dispositions de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort des litiges concernant le recrutement des agents publics qui, tels les professeurs des universités, sont nommés par décret du président de la République ;

- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal s'est reconnu à tort compétent pour statuer sur le présent litige ;

- subsidiairement, les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 ;

- le décret n° 84-441 du 6 juin 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Dezempte pour l'université de Strasbourg.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... est maître de conférences et titulaire d'une habilitation à diriger les recherches. Il exerce ses fonctions à la faculté des lettres de l'université de Strasbourg. Qualifié par le Conseil national des universités aux fonctions de professeur des universités, le requérant a présenté sa candidature à un poste de professeur en " littérature latine et humanisme rhénan ", ouvert au sein de cette université dans la section " langues et littératures anciennes " à compter du 1er septembre 2018. A l'issue de son audition par un comité de sélection le 16 mai 2018, il a été classé en deuxième position dans l'ordre de préférence des trois candidats finalement retenus. Le 1er juin 2018, le conseil académique de l'université de Strasbourg, siégeant en formation restreinte aux professeurs des universités, a approuvé ce classement à l'unanimité de ses membres. Puis, par une délibération du même jour, le conseil d'administration de l'établissement, siégeant également en formation restreinte aux professeurs des universités, a, par un vote unanime, émis un avis favorable sur la proposition du conseil académique conformément aux dispositions de l'article 9-2 du décret du 6 juin 1984, fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences. M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil d'administration du 1er juin 2018. Il relève appel du jugement n° 1804790 du 3 octobre 2019, qui rejette sa demande.

Sur l'exception d'incompétence soulevée en défense par l'université de Strasbourg :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 3° Des litiges concernant le recrutement et la discipline des agents publics nommés par décret du Président de la République en vertu des dispositions de l'article 13 (troisième alinéa) de la Constitution et des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat ; (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 2 de l'ordonnance du 28 novembre 1958, portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat : " Sont nommés par décret du Président de la République : (...) Les professeurs de l'enseignement supérieur (...) ".

3. Les dispositions précitées donnent compétence au Conseil d'Etat pour connaître en premier et dernier ressort de l'ensemble des litiges concernant le recrutement et la discipline des agents publics qu'elles mentionnent. Il en résulte que, lorsqu'un concours de recrutement ou une procédure de sélection commande l'accès, fût-ce au terme d'une période de formation, à un corps de fonctionnaires nommés par décret du Président de la République, tel le corps des professeurs des universités, un litige relatif soit à un refus d'admission à concourir, soit aux résultats du concours ou de la sélection ressortit à la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d'Etat.

4. Il est constant que la délibération du conseil d'administration du 1er juin 2018, dont M. B... sollicite l'annulation, est intervenue dans le cadre d'une procédure de recrutement pour un emploi de professeur des universités, pour l'occupation duquel la nomination est prononcée par décret du président de la République. Ainsi que le fait valoir l'université de Strasbourg en défense, le présent litige, en application des dispositions précitées, ressortit à la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d'Etat. Par suite, le jugement de première instance, qui s'est prononcé à tort sur la demande présentée par M. B..., est entaché d'irrégularité pour ce motif et doit, en conséquence, être annulé.

5. En second lieu, aux termes de l'article R. 351-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire (...) ".

6. Pour les motifs qui ont été exposés au point 4 du présent arrêt, il appartient au Conseil d'Etat de statuer sur le présent litige. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, il y a lieu de transmettre sans délai le présent dossier au Conseil d'Etat afin qu'il poursuive l'instruction de l'affaire.

Sur les frais d'instance :

7. La présente décision, qui transmet le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, ne se prononce pas sur le litige. Par suite, l'université de Strasbourg ne peut pas demander qu'en cas de transmission du dossier au Conseil d'Etat, soit mise à la charge de M. B... la somme qu'elle sollicite au titre des frais exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1804790 du tribunal administratif de Strasbourg du 3 octobre 2019 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'université de Strasbourg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le dossier de l'affaire est transmis au Conseil d'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'université de Strasbourg.

N° 19NC03599 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03599
Date de la décision : 28/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Enseignement supérieur et grandes écoles - Universités - Conseils d'université.

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Enseignement supérieur et grandes écoles - Universités - Gestion des universités - Gestion du personnel - Nominations.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : TEBOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-09-28;19nc03599 ?
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