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23/09/2021 | FRANCE | N°20NC00103

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 23 septembre 2021, 20NC00103


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS LS investissements a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 186 345,98 euros mise à sa charge par une mise en demeure valant commandement de payer du 5 mai 2017.

Par un jugement n° 1705369 du 13 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées les 15 et 16 janvier 2020, la SAS LS investissements, représentée pa

r Me Bonin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 novembre 2019 ;

2°) de pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS LS investissements a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 186 345,98 euros mise à sa charge par une mise en demeure valant commandement de payer du 5 mai 2017.

Par un jugement n° 1705369 du 13 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées les 15 et 16 janvier 2020, la SAS LS investissements, représentée par Me Bonin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 novembre 2019 ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 186 345,98 euros mise à leur charge par ce commandement de payer du 5 mai 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'acte de cautionnement du 29 avril 2008, n'étant pas conforme aux articles 17 et 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la mise en demeure de payer du 5 mai 2017 doit être annulée ;

- l'acte de cautionnement est contraire à son intérêt social ;

- l'obligation de payer les dettes de la société Multiples n'est pas justifiée par l'administration ;

- la lettre du 2 août 2012 adressée à son président est opposable à l'administration sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lambing,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'un plan de règlement de dettes fiscales et sociales intéressant plusieurs sociétés, la SAS LS Investissements a signé, le 29 avril 2008, un acte de cautionnement garantissant les dettes fiscales de la SAS Multiples à hauteur d'une somme de 364 183, 56 euros. A la suite de la liquidation judiciaire de la SAS Multiples, le comptable public a, par lettre du 4 mai 2012, adressé à la société LS Investissements, en sa qualité de caution de la SAS Multiples, une mise en demeure pour avoir paiement de la somme de 186 345,98 euros correspondant à des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2002 et 2003, à une cotisation d'imposition forfaitaire annuelle au titre de la période du 1er février 2005 au 31 janvier 2006, à une cotisation de taxe d'apprentissage au titre de l'année 2006, et à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du mois de janvier 2007, dont la SAS Multiples demeurait redevable. Une seconde mise en demeure portant sur la même somme et valant commandement de payer lui a été adressée le 5 mai 2017. La SAS LS investissements relève appel du jugement du 13 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 186 345,98 euros mise à leur charge par un commandement de payer du 5 mai 2017.

2. D'une part qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199. "

3. D'autre part qu'aux termes de l'article L. 282 du même livre : " Lorsqu'une tierce personne, mise en cause en vertu de dispositions autres que celles du code général des impôts, conteste son obligation d'acquitter la dette, le tribunal administratif, lorsqu'il est compétent, attend pour statuer que la juridiction civile ait tranché la question de l'obligation ". Ces dispositions n'ont d'autre effet que de prévoir, conformément aux règles générales applicables en matière de question préjudicielle, qu'il incombe au juge administratif de surseoir à statuer lorsque la contestation de l'obligation d'acquitter la dette soulève une difficulté sérieuse.

4. En premier lieu, la SAS LS Investissements soutient que l'acte de cautionnement a été conclu dans l'intérêt personnel de son président par interposition et qu'il est contraire à son objet social. Elle se prévaut du risque de disparition totale et sans contrepartie auquel elle a été exposée en se portant caution ainsi que de la disproportion avec le patrimoine de son président. Enfin, elle considère que son consentement a été vicié. Selon la société requérante, l'acte de cautionnement encourt, pour ces motifs, la nullité et ne saurait en conséquence fonder l'obligation d'acquitter les impositions en cause. Elle soutient par ailleurs que la mise en demeure valant commandement de payer en litige méconnaît les stipulations des articles 17 et 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

5. D'une part, il résulte de l'instruction que la cour d'appel de Colmar s'est prononcée sur la nullité de l'acte de cautionnement du 29 avril 2008 dans son arrêt du 15 septembre 2016. Le pourvoi formé par la société requérante à l'encontre de cet arrêt a été rejeté par décision de la Cour de cassation du 7 février 2018. La cour d'appel de Colmar a considéré, dans cet arrêt du 15 septembre 2016, que la dette garantie était propre à la SAS Multiples et que l'acte de cautionnement ne portait pas ainsi sur une dette personnelle de son président. La cour a également jugé que lorsqu'une société par actions simplifiée est engagée par un acte de son président dépassant l'objet social en application de l'article L. 227-6 du code du commerce, cet acte ne doit pas nécessairement être conforme à l'intérêt social, cette exigence ne s'appliquant qu'aux sociétés de personnes. La cour a en outre constaté qu'en l'espèce, le président de la SAS LS Investissements avait été autorisé à signer le cautionnement par délibération de l'assemblée générale des associés. La circonstance que le cautionnement était de nature à générer un risque de disparition totale de la société était dans ces conditions sans incidence sur la nullité de l'acte signé le 29 avril 2008. Il en est de même s'agissant de la disproportion invoquée de la dette avec le patrimoine de son président. Enfin, la cour a considéré que les contraintes évoquées par la SAS LS Investissements n'étaient pas constitutives d'un vice de consentement. Par suite, les moyens tirés de la nullité de l'acte de cautionnement doivent être écartés.

6. D'autre part, selon le paragraphe 1 de l'article 51 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Les dispositions de la présente charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ". La société requérante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations des articles 17 et 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne au motif que la mise en demeure en litige porterait atteinte à son droit de propriété et à ses biens, dès lors que l'administration fiscale, de par la procédure de recouvrement de la dette fiscale en litige, ne met pas en œuvre le droit de l'Union.

7. En deuxième lieu, la SAS LS Investissements entend se prévaloir d'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 novembre 2010 qui avait annulé les actes de poursuites engagées à son encontre. Cette décision avait ordonné la mainlevée des inscriptions d'hypothèque judiciaire prises sur un hôtel particulier situé à Paris, appartenant à la SAS LS Investissements. Par cette décision, la cour s'est bornée à apprécier les conséquences juridiques d'un acte notarié du 16 septembre 2008, par lequel la société requérante s'obligeait seulement à une promesse d'hypothèque, sans se prononcer sur l'existence d'une obligation de payer les dettes fiscales de la SAS Multiples découlant de l'acte de cautionnement signé par la SAS LS Investissements le 29 avril 2008. Par suite, la SAS LS Investissements n'est pas fondée à se prévaloir de cet arrêt du 25 novembre 2010 pour contester l'existence d'une obligation de payer les sommes en litige.

8. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".

9. La SAS LS Investissements se prévaut, sur le fondement de ces dispositions, de la prise de position de l'administration fiscale dans la lettre du 2 août 2012, adressée à M. A..., son président. Par ce courrier, l'administration avait informé M. A... de l'annulation de la mise en demeure de paiement du 4 mai 2012, au motif que l'acte de cautionnement, qu'il avait signé le 19 mars 2008 afin de garantir les dettes de la SAS Multiples, était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, au sens de l'article L. 341-4 du code de la consommation

10. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales que la garantie prévue au 1° de l'article L. 80 B, laquelle est applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, n'est opposable à l'administration que dans le cadre de la garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Si la dernière phrase du second alinéa de l'article L. 80 A du même livre, introduite par l'article 47 de la loi de finances rectificative 2008-1443 du 30 décembre 2008, étend le champ de l'opposabilité des prises de position formelles aux instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt, cette extension ne concerne que la garantie prévue au second alinéa de l'article L. 80 A. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la société requérante, il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales que la garantie prévue au 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales n'est pas applicable en matière de recouvrement. Par suite, la SAS LS Investissements ne saurait utilement se prévaloir des dispositions du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. En tout état de cause, dès lors que ladite garantie ne concerne que les contribuables se trouvant dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation a été portée, la société requérante ne saurait se prévaloir d'une prise de position sur la situation de fait personnelle de M. A..., en tant que personne physique.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS LS investissements n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS LS investissements est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS LS investissements et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

5

N° 20NC00103


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00103
Date de la décision : 23/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art - L - 80 A du livre des procédures fiscales) - Absence.

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Paiement de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : BONIN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-09-23;20nc00103 ?
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