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21/09/2021 | FRANCE | N°20NC02321

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 21 septembre 2021, 20NC02321


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 1er octobre 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a suspendu le bénéfice de ses conditions matérielles d'accueil.

Par un jugement n°1900455 du 29 mai 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 août 2020, M. B..., représenté par Me Sabatakakis, d

emande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 mai 2020 du tribunal administratif de Strasbo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 1er octobre 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a suspendu le bénéfice de ses conditions matérielles d'accueil.

Par un jugement n°1900455 du 29 mai 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 août 2020, M. B..., représenté par Me Sabatakakis, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 mai 2020 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler la décision du 1er octobre 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a suspendu ses conditions matérielles d'accueil ;

3°) d'enjoindre au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de lui rétablir le versement de l'allocation pour demandeur d'asile avec effet au 23 avril 2018 et jusqu'à la date de lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que l'Office français de l'immigration et de l'intégration aurait dû prendre en compte sa vulnérabilité ;

- elle est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article L. 744-8 du code précité car l'Office français de l'immigration et de l'intégration a suspendu ses conditions matérielles d'accueil le 1er octobre 2018 et l'a seulement ensuite informé de son intention de le faire par courrier du 16 octobre 2018 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car :

- l'office s'est fondé sur la circonstance qu'il ne s'était pas présenté à une seule convocation de l'administration ;

- l'office n'a pas pris en compte sa situation de vulnérabilité alors qu'il est atteint d'une hépatite B chronique.

Le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 octobre 2020.

Vu la demande de pièce adressée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 20 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 1er janvier 1997 et de nationalité guinéenne, serait entré irrégulièrement en France le 27 septembre 2017. Il a présenté une demande d'asile le 27 novembre 2017 et a accepté l'offre de prise en charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 28 novembre 2017. Par un arrêté du 14 janvier 2019, le préfet du Bas-Rhin a pris à son encontre un arrêté portant transfert d'un demandeur d'asile aux autorités espagnoles responsables de l'examen de sa demande d'asile. M. B... ne s'est pas présenté à la convocation de la préfecture et a été déclaré en fuite par le préfet du Bas-Rhin le 23 avril 2018. Le 1er octobre 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a suspendu ses conditions matérielles d'accueil. M. B... fait appel du jugement du 29 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 1er octobre 2018 :

2. Aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable :" - Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être :1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile ; (...) ". Aux termes de l'article D. 744-38, du même code dans sa version applicable au litige : " La décision de suspension, de retrait ou de refus de l'allocation est écrite, motivée et prise après que l'allocataire a été mis en mesure de présenter à l'Office français de l'immigration et de l'intégration ses observations écrites dans le délai de quinze jours. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. Lorsque le bénéfice de l'allocation a été suspendu, l'allocataire peut en demander le rétablissement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. La reprise du versement intervient à compter de la date de la décision de réouverture. ". Enfin, aux termes de l'article D. 744-35 du même code dans sa version applicable au litige : " Le versement de l'allocation peut être suspendu lorsqu'un bénéficiaire : (...)2° Sans motif légitime, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'information ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile ; (...) L'interruption du versement de l'allocation prend effet à compter de la date de la décision de suspension ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a accepté les conditions matérielles d'accueil le 28 novembre 2017 proposées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par courrier du 1er octobre 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a suspendu ses conditions matérielles d'accueil au motif qu'il n'avait pas répondu à ses demandes d'informations. Postérieurement à cette décision, par un courrier notifié le 16 octobre 2018, l'Office a informé M. B... de son intention de suspendre ses conditions matérielles d'accueil au motif qu'il n'avait pas respecté l'obligation de se présenter à la direction départementale de la police aux frontières comme cela lui avait été demandé par le préfet dans son courrier du 28 mars 2018 et qu'il disposait d'un délai de 15 jours pour présenter ses observations. L'Office français de l'immigration et de l'intégration qui n'a pas produit de mémoire en défense et s'est abstenu de répondre à la mesure d'instruction du tribunal ne conteste pas qu'aucune procédure contradictoire, telle que prévue par l'article D. 744-38 précité, n'a été mise en œuvre avant l'édiction de la décision de suspension en litige. M. B... est donc fondé à soutenir que la décision du 1er octobre 2018 est entachée d'un vice de procédure, qui l'a privée de la garantie de pouvoir répondre aux motifs avancés par l'administration lorsqu'elle envisage de suspendre les conditions matérielles d'accueil d'un demandeur d'asile et ainsi à en demander l'annulation pour ce motif.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique uniquement que la situation de M. B... soit réexaminée. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de procéder à ce réexamen dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Sur les frais liés à l'instance :

6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sabatakakis, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement à Me Sabatakakis de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 mai 2020 et la décision du 1er octobre 2018 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de procéder à un réexamen de la situation de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Office français de l'immigration et de l'intégration versera à Me Sabatakakis une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Sabatakakis renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à Me Sabatakakis.

2

N° 20NC02321


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02321
Date de la décision : 21/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-01


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SABATAKAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-09-21;20nc02321 ?
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