Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Nancy d'annuler la décision du 1er octobre 2003 par laquelle le ministre de la défense a refusé de lui accorder une pension militaire d'invalidité pour ses " séquelles de fracture du fémur droit et contusion du genou droit, pseudarthrose hypertrophiante du fémur, laxité du genou ".
Par un jugement n° 14/00006 du 28 juin 2016, le tribunal des pensions de Nancy a, d'une part, déclaré son recours contre la décision du 1er octobre 2003 irrecevable pour tardiveté et, d'autre part, ordonné une expertise concernant le genou gauche et les lombalgies chroniques.
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 juillet 2016, 25 octobre 2016, 28 novembre 2016, 23 janvier 2017, 14 février 2017 et 29 janvier 2018, M. B..., représenté par Me Barbosa, a demandé à la cour régionale des pensions militaires de Nancy :
1°) de déclarer son appel partiel recevable et bien-fondé ;
2°) d'annuler le jugement du 28 juin 2016 en tant qu'il a déclaré son recours contre la décision du 1er octobre 2003 du ministre de la défense, irrecevable ;
3°) à titre principal, d'ordonner avant dire droit une expertise s'agissant de son infirmité au genou droit et réserver en ce cas ses droits sur le fond après dépôt du rapport d'expertise ;
4°) à titre subsidiaire, de constater que les infirmités évoquées résultent bien d'une blessure ;
5°) d'enjoindre à la ministre de la défense de lui accorder une pension militaire d'invalidité pour sa jambe droite.
Il soutient que :
- il n'a jamais signé l'accusé-réception de l'envoi comportant la décision litigieuse du 1er octobre 2003 de sorte que sa requête n'est pas tardive ;
- l'accident de circulation du 20 mars 1996 est imputable au service car il n'était pas en permission ;
- il a subi un second accident le 20 mars 1997 alors qu'il était en service, au cours duquel il s'est de nouveau cassé le fémur droit, ce qui a entrainé un taux d'invalidité de 10% justifiant sa demande de pension militaire d'invalidité.
Par des mémoires en défense enregistrés les 22 novembre 2016, 7 février 2017, 8 décembre 2017, 16 février 2018 et 6 juin 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la demande de première instance de M. B... est irrecevable pour cause de tardiveté ;
- l'accident de circulation du 20 mars 1996 de M. B... est hors service car il était en permission régulière du 14 mars au 2 avril 1996 ;
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par un arrêt n° 1212/17 du 8 juin 2017, la cour régionale des pensions militaires de Nancy a, d'une part, infirmé le jugement du 28 juin 2016 en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande déposé par M. B... le 5 mai 2014 et, d'autre part, a déclaré recevable la demande du 5 mai 2014 de M. B... contre la décision du 1er octobre 2003 rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité à la suite de l'accident de circulation du 20 mars 1996 et a ordonné la réouverture des débats.
Par un second arrêt n° 1494/18 du 21 juin 2018 la cour régionale des pensions militaires de Nancy a débouté M. B... de sa demande de prise en charge des infirmités résultant de son accident de moto du 20 mars 1996, non imputable au service et a ordonné avant-dire droit une expertise s'agissant des blessures constatées lors de l'accident du 20 mars 1997 afin de déterminer si les blessures subies par M. B... le 20 mars 1997 présentent une autonomie par rapport à celles du 20 mars 1996 ou si l'accident survenu pendant son service, le 20 mars 1997, a été un élément aggravant les blessures issues de l'accident de la circulation du 20 mars 1996 ou si les blessures constatées le 20 mars 1997 ne sont que les suites des blessures du 20 mars 1996 et si une des deux premières hypothèses est retenue, décrire la nature des infirmités de M. B... et évaluer le taux d'infirmité s'y rattachant.
L'expert désigné par la cour régionale des pensions militaires de Nancy a remis son rapport le 10 mai 2019.
Procédure devant la cour :
Par un acte de transmission des dossiers, en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Nancy a été saisie de la requête de M. B....
Par des mémoires, enregistrés les 18 mai 2020, 1er octobre 2020 et 22 février 2021, M. B..., représenté par Me Barbosa, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de déclarer son appel partiel contre le jugement du 28 juin 2016 recevable et bien fondé ;
2°) de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour sa jambe droite dont le taux d'invalidité ne saurait être inférieur à 10% ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les blessures constatées en mars 1997 ne sont pas les suites de celles de mars 1996 mais résultent de cette nouvelle chute au service ;
- il a droit à une pension militaire d'invalidité car après sa chute au service du 20 mars 1997, le médecin mandaté par l'armée a constaté un taux d'invalidité de 10% lors de son rapport du 19 décembre 2002.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 septembre 2020 et 2 décembre 2020, la ministre des armées conclut, dans le dernier état de ses écritures :
- à ce que la cour entérine le rapport d'expertise médicale judicaire du 10 mai 2019 ;
- à ce qu'elle confirme la décision du 1er octobre 2003 qui a rejeté l'imputabilité au service de l'infirmité " séquelles de fracture du fémur droit et contusion du genou droit, pseudarthrose hypertrophiante du fémur, laxité du genou " ;
- à ce qu'elle déboute M. B... de son recours en appel.
Elle soutient que les blessures constatées le 20 mars 1997 ne sont que les suites des blessures du 20 mars 1996.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 octobre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et notamment son article 51 ;
- le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été incorporé dans l'armée de terre, le 2 juin 1992. Il a été radié des cadres le 2 décembre 2009. Il a été victime d'un accident de la circulation le 20 mars 1996 puis d'un second accident le 20 mars 1997 alors qu'il était au poste de sergent de semaine. Il a sollicité auprès du ministre de la défense le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour " séquelles de fracture du fémur droit et contusion du genou droit, pseudarthrose hypertrophiante du fémur, laxité du genou ". Par décision du 1er octobre 2003, le ministre de la défense lui a opposé un refus. Par un jugement du 28 juin 2016, le tribunal des pensions militaires de Nancy a d'une part, déclaré le recours déposé par le concluant le 5 mai 2014 irrecevable pour tardiveté et d'autre part, sur la demande concernant le genou gauche et les lombalgies chroniques, a ordonné une expertise. Par un arrêt du 8 juin 2017, la cour régionale des pensions militaires de Nancy a infirmé le jugement et a déclaré recevable le recours formé par M. B... le 5 mai 2014 à l'encontre de la décision du ministre de la défense en date du 1er octobre 2003 rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité à la suite de son accident de la circulation survenu le 20 mars 1996 et statuant dans cette limite, a invité le ministre de la défense à répliquer au fond. Par un arrêt du 21 juin 2018 n° 1494/18, la cour régionale des pensions de Nancy a d'une part débouté M. B... de sa demande de prise en charge des infirmités résultant de son accident de moto du 20 mars 1996, non imputable au service et d'autre part a ordonné avant-dire droit une expertise médicale s'agissant des blessures constatées lors de son second accident intervenu le 20 mars 1997 afin de déterminer notamment si elles étaient ou non imputables à l'accident du 20 mars 1996. Un rapport d'expertise a été déposé le 10 mai 2019. Le présent arrêt a pour unique objet de se prononcer, au vu du rapport d'expertise judiciaire, sur le droit de M. B... à bénéficier d'une pension d'invalidité consécutivement à l'accident du 20 mars 1997.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable au litige : " Ouvrent droit à pension :1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ;(...) ".
3. Il résulte de l'instruction que M. B... a été victime d'un accident de circulation en moto le 20 mars 1996 qui a entraîné un traumatisme de son fémur droit présentant " une fracture ouverte traitée par ostéosynthèse avec une plaie de la face inférieure du genou droit ". Par la suite, le 20 mars 1997, à l'occasion de travaux d'intérêt général, M. B..., qui était alors sur son lieu de travail, a glissé dans les escaliers et a alors ressenti une vive douleur au genou droit. Il s'est alors rendu à l'infirmerie et le médecin chef a diagnostiqué un traumatisme du fémur droit. Le rapport du 10 mai 2019 du médecin-expert désigné par la cour régionale des pensions de Nancy, à la suite de l'ordonnance du 21 juin 2018, a précisé que l'accident du 20 mars 1997 n'a entrainé aucune nouvelle fracture fémorale et a constaté une " insuffisance de consolidation, pseudarthrose, évolution défavorable de la fracture initiale. La dépose du matériel de janvier 1997 a démasqué cette pseudarthrose, le cal en formation ne s'avérant pas suffisant pour résister à la reprise des activités. La douleur est apparue au décours d'un traumatisme relativement bénin dans les escaliers mais cette pseudarthrose se serait révélée d'une manière ou d'une autre (douleurs, fracture déplacée, angulation processive...) quelles que soient les activités militaires ou civiles de M. B... ". Il a également précisé que " la lésion ligamentaire du genou droit est également connue depuis l'origine " pour en conclure que " les blessures constatées le 20 mars 1997 ne sont que les suites des blessures du 20 mars 1996, évolution défavorable vers la pseudarthrose d'une fracture fémorale droite ". Ce rapport très circonstancié du médecin-expert reprend de manière très précise les antécédents de M. B... à la suite à son accident du 20 mars 1996, hors service, qui démontrent que la consolidation osseuse de son accident du 20 mars 1996 a été ralentie par plusieurs facteurs défavorables ce qui a entrainé la blessure du 20 mars 1997, laquelle est ainsi indépendante de sa chute. Par ce rapport, l'administration doit être regardée comme renversant la présomption, dont bénéficie M. B... en application de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, d'imputabilité de sa blessure du 20 mars 1997 au service.
4. Pour contester le rapport de ce médecin expert, M. B... produit notamment deux rapports médicaux des 10 février 2018 et 13 janvier 2021 lesquels précisent " qu'il persiste des séquelles au niveau du genou droit en rapport avec l'accident du 20 mars 1996 et du 20 mars 1997 ". Ces documents ne viennent cependant pas sérieusement contredire le rapport du médecin expert qui a conclu à un lien précis entre la blessure du 20 mars 1997 et celle non consolidée consécutive à l'accident du 20 mars 1996.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que tribunal des pensions a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision lui refusant le bénéfice d'une pension d'invalidité à la suite de son accident survenu le 20 mars 1997.
Sur les dépens :
6. Il résulte de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article R. 761-1 du code de justice administrative que, lorsque la partie perdante bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, et hors le cas où le juge décide de faire usage de la faculté que lui ouvre l'article R. 761-1 du code de justice administrative, en présence de circonstances particulières, de mettre les dépens à la charge d'une autre partie, les frais d'expertise incombent à l'Etat.
7. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 6 octobre 2016. En l'absence de circonstances particulières, il y a lieu de mettre définitivement les frais d'expertise ordonnée par la cour régionale des pensions de Nancy à la charge de l'Etat.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le surplus de conclusions la requête de M. B... est rejeté.
Article 2 : Les frais de l'expertise ordonnée par la cour régionale des pensions de Nancy sont mis définitivement à la charge de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.
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N° 19NC03748