Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... E..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 18 février 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.
Par un jugement n° 2000788 du 15 septembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 octobre 2020, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 15 septembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 18 février 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du seizième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
s'agissant du refus de titre de séjour :
- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;
- le préfet a méconnu les articles L. 313-11 4° et 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision litigieuse méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle n'est pas motivée ;
- sa situation personnelle n'a pas été prise en compte ;
- elle méconnaît l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en se référant à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante kosovare née le 21 décembre 1999, est entrée irrégulièrement en France le 12 décembre 2014, accompagnée de ses parents. Le 20 février 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 4° et 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 février 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme B... fait appel du jugement du 15 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté litigieux :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France en décembre 2014, à l'âge de quinze ans, accompagnée de ses parents, qui ont présenté une demande d'asile. Elle y a poursuivi sa scolarité jusqu'à l'obtention d'un baccalauréat professionnel. A la date de l'arrêté en litige, elle vivait depuis deux ans avec un ressortissant français, qu'elle a épousé le 19 janvier 2019. Si ses parents et sa sœur étaient en situation irrégulière à la date de la décision attaquée, il ressort des pièces du dossier qu'ils ont obtenu depuis un titre de séjour " vie privée et familiale ". Dans ces conditions, au regard de la durée de séjour de l'intéressée sur le territoire et des liens qu'elle y a tissés, la décision de refus de titre de séjour a, dans les circonstances particulières de l'espèce, porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et doit être annulée pour ce motif ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à Mme B... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer ce titre à Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2000788 du tribunal administratif de Nancy du 15 septembre 2020 et l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 18 février 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., épouse B..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 20NC02972