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20/07/2021 | FRANCE | N°20NC02455

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 20 juillet 2021, 20NC02455


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 25 novembre 2019 par lesquels le préfet de la Haute-Saône, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'autre part, l'a assigné à résidence da

ns le département de la Haute-Saône pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 25 novembre 2019 par lesquels le préfet de la Haute-Saône, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Saône pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1902068 du 4 décembre 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé les décisions du 25 novembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixation du pays de destination, interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence, a renvoyé les conclusions tendant à l'annulation du refus de séjour et à fin d'injonction à la formation collégiale et a mis à la charge de l'Etat le versement de 1 000 euros au conseil de M. C... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1902068 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 25 novembre 2019 portant refus de séjour, a enjoint au préfet de la Haute-Saône de procéder au réexamen de la demande de M. C... et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 août 2020 et 10 mai 2021, le préfet de la Haute-Saône demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 juin 2020 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) de rejeter la demande de M. C....

Il soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il a pu estimer que M. C... n'était pas mineur lors de son entrée en France et n'a ainsi entaché sa décision de refus de séjour d'aucune erreur de fait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2021, M. C..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Saône ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Se présentant sous l'identité d'Ali C..., ressortissant guinéen né le 30 décembre 2000, le défendeur a déclaré être entré en France le 2 novembre 2016. Par un jugement du tribunal pour enfants D... du 9 décembre 2016, il a été confié à la direction de la solidarité et de la santé publique de la Haute-Saône jusqu'à sa majorité et a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance de ce département en sa qualité de mineur isolé. Le 12 décembre 2018, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La consultation du fichier " Visabio " ayant révélé que les empreintes de M. C... avaient été enregistrées sous le nom de A... B..., ressortissant guinéen né le 25 septembre 1997, celui-ci a, le 25 novembre 2019, été placé en garde à vue pour obtention indue d'avantages administratifs et faux et usage de faux documents administratifs. Par deux arrêtés du même jour, le préfet de la Haute-Saône, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Saône pour une durée de quarante-cinq jours. L'intéressé a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés du 25 novembre 2019. Par un jugement du 4 décembre 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé les décisions du 25 novembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixation du pays de destination, interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence et a renvoyé les conclusions tendant à l'annulation du refus de séjour et à fin d'injonction à la formation collégiale. Par arrêt n°19NC03692 du 2 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par M. C.... Le préfet de la Haute-Saône relève appel du jugement n° 1902068 du 25 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 25 novembre 2019 portant refus de séjour.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le jugement :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ; (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015, relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. / Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger et rédigé dans les formes usitées dans le pays concerné peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact et notamment par les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé " Visabio ", qui sont présumées exactes. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

3. Le préfet de la Haute-Saône a refusé à M. C... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que ce dernier avait dissimulé sa véritable identité et qu'il n'établissait pas être mineur lors de son entrée sur le territoire français. Il ressort des pièces du dossier que la consultation du fichier " Visabio " a permis au préfet de la Haute-Saône de constater que les empreintes digitales de M. A... C... avaient été enregistrées sous le nom de A... B... et que l'intéressé était né, non pas le 30 décembre 2000 ainsi qu'il le prétend, mais le 25 septembre 1997. S'il indique que ce n'est pas lui qui a effectué les démarches pour obtenir ce visa et qu'il ignorait l'identité figurant sur celui-ci, ses explications sont apparues peu convaincantes alors que ce sont ses empreintes et sa photographie, qui ont été enregistrées dans le fichier, ainsi qu'il l'a reconnu devant les services de police. Pour justifier de son état de minorité lors de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, le défendeur s'est prévalu d'un jugement supplétif rendu le 25 juillet 2017 par le tribunal de première instance de Kaloum-Conakry et d'une transcription de ce jugement effectuée le jour même dans le registre de l'état-civil de la commune de Kaloum. Il produit également une carte d'identité consulaire délivrée le 15 mai 2018 par l'ambassade de Guinée en France. S'il est vrai que le rapport du 14 décembre 2017, établi par la direction centrale de la police aux frontières, admet que le jugement supplétif du 25 juillet 2017 ne peut être considéré comme faux, il n'est cependant pas établi que le défendeur soit la personne concernée par cet acte, qui ne supporte aucune photographie. En outre, une carte d'identité consulaire a uniquement pour vocation d'attester de la résidence à l'étranger d'un ressortissant et ne saurait équivaloir à un document d'identité. Enfin, ainsi que le fait valoir le préfet de la Haute-Saône, il ressort des pièces du dossier que le titre de voyage délivré par le service consulaire de l'ambassade de Guinée en France en vue de l'éloignement de l'intéressé à destination de son pays d'origine a été établi au nom de Ali B..., né le 25 septembre 1997. Dans ces conditions et alors que, au demeurant, le rapport d'expertise technique documentaire du 9 septembre 2019 estime que les certificats de décès des parents du défendeur constituent des faux en écriture publique, le préfet est fondé à soutenir qu'il n'a pas commis d'erreur de fait en considérant que l'intéressé, qui était majeur au moment de son arrivée en France, ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le requérant devant le tribunal administratif de Besançon à l'encontre de la décision en litige.

En ce qui concerne les autres moyens :

5. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet de la Haute-Saône a refusé d'admettre l'intéressé au séjour au motif notamment qu'il ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre en application des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite et alors même que dans le dispositif de l'arrêté du 25 novembre 2019 le refus de titre de séjour n'est pas mentionné, M. C..., alias B..., n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas été pris.

6. En second lieu, pour les raisons déjà exposées au point 3, les moyens tirés respectivement de la méconnaissance des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des dispositions combinées de l'article L. 111-6 du même code, de l'article 47 du code civil et de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 ne peuvent qu'être écartés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant dirigées contre la décision du 25 novembre 2019 portant refus de séjour doivent être rejetées. Par suite, le préfet de la Haute-Saône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a prononcé l'annulation de cette décision.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1902068 du 25 juin 2020 du tribunal administratif de Besançon est annulé.

Article 2 : Les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C... à l'encontre de la décision du 25 novembre 2019 portant refus de séjour, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles, présentées en appel, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Saône.

5

N° 20NC02455


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02455
Date de la décision : 20/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : MAILLARD-SALIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-20;20nc02455 ?
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