Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 mai 2020 par lequel le préfet de la Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2001239 du 3 juin 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juin 2020, M. A... C..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 juin 2020 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 24 mai 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté méconnait l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le préfet a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né en 1985 et de nationalité algérienne, serait entré irrégulièrement en France en 2018 selon ses déclarations. Il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français. Le 23 mai 2020, M. C... a été interpellé par les services de police de Reims pour des faits de vol aggravé. Par arrêté du 24 mai 2020, le préfet de la Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 3 juin 2020 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 24 mai 2020.
2. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
3. Il ressort des pièces du dossier que la présence en France de M. C... est établie depuis novembre 2018 et qu'il réside depuis cette date au moins avec sa compagne avec qui il s'est marié en 2012 en Algérie. Le couple a eu un fils, B..., né le 16 décembre 2018. L'enfant est suivi régulièrement depuis mars 2019 en vue de l'implantation cochléaire à la suite d'un diagnostic de surdité. Les certificats médicaux produits ainsi que les attestations des responsables de la crèche et de l'orthophoniste justifient de la présence de M. C... lors des visites médicales et dans son quotidien. Une fille est née de leur union postérieurement à l'arrêté attaqué. Cependant, l'intéressé n'a pas résidé en France aux côtés de son épouse pendant huit années et ne justifie pas avoir fait des allers-retours entre la France et l'Algérie jusqu'à ce qu'il s'établisse sur le territoire national en novembre 2018 et avec sa compagne à compter de janvier 2019. Par ailleurs, M. C... ne justifie d'aucun effort d'insertion sociale en France et n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine. Son entrée en France est très récente et il ne justifie pas avoir cherché à régulariser sa situation. D'autre part, l'arrêté en litige n'a ni pour effet, ni pour objet de séparer définitivement M. C... de ses enfants mineurs ni de les empêcher de vivre sur le territoire français auprès de leur mère, l'appelant disposant en outre de la faculté de déposer, s'il s'y croit fondé, une demande de regroupement familial ou une demande de visa. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée et au condition de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, les décisions attaquées, qui n'auront pas pour effet une séparation définitive des membres de la famille comme il a été dit, ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. L'arrêté n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée que la préfète a suffisamment examinée.
4. Il résulte de tout ce qui précède, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 20NC01230