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08/07/2021 | FRANCE | N°20NC03199

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 08 juillet 2021, 20NC03199


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A..., épouse B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 7 mai 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination, a ordonné la remise de son passeport ou d'une pièce d'identité, l'a astreinte à se présenter une fois par semaine à la brigade mobile de recherche de Mulhouse et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territo

ire français d'une durée de deux ans et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A..., épouse B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 7 mai 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination, a ordonné la remise de son passeport ou d'une pièce d'identité, l'a astreinte à se présenter une fois par semaine à la brigade mobile de recherche de Mulhouse et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 2003274 du 13 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC03199 le 2 novembre 2020, Mme D... A..., épouse B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 7 mai 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une nouvelle attestation de demande d'asile ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de ramener l'interdiction de retour sur le territoire français à de plus justes proportions ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me C... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée est stéréotypée et insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- l'illégalité de décision portant obligation de quitter le territoire prive de base légale la décision fixant le pays de destination ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision ordonnant à Mme B... de remettre son passeport ou une pièce d'identité et lui imposant de se présenter une fois par semaine à la brigade mobile de recherche de Mulhouse :

- son identité est établie et n'a jamais été contestée ;

- elle n'a jamais été en fuite ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet du Haut-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Mme A..., épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 29 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A..., épouse B..., ressortissante kosovare née le 22 septembre 1977, est entrée en France le 28 décembre 2014 selon ses déclarations, accompagnée de son époux. Le 9 avril 2015, elle a fait l'objet d'une décision de transfert vers la Hongrie qui n'a pas été exécutée. L'intéressée a déposé le 2 février 2017 une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 24 octobre 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 23 mai 2018. Mme A..., épouse B... a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, mais l'OFPRA lui a opposé une décision d'irrecevabilité le 17 février 2020. Par un arrêté du 7 mai 2020, le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination, a ordonné la remise de son passeport ou d'une pièce d'identité, l'a astreinte à se présenter une fois par semaine à la brigade mobile de recherche de Mulhouse et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Mme A..., épouse B... fait appel du jugement du 13 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, la décision du préfet du Haut-Rhin obligeant Mme A..., épouse B... à quitter le territoire français, qui n'est pas stéréotypée, mentionne les textes dont elle fait application, notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 743-2 4°bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise que l'intéressée a vu sa demande rejetée par l'OFPRA et la CNDA et qu'elle ne bénéficie donc plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Alors que le préfet du Haut-Rhin n'était pas tenu de mentionner dans sa décision l'ensemble des éléments caractérisant la situation de Mme A..., épouse B..., elle souligne également que cette dernière n'entre dans aucun des cas d'attribution de plein droit d'un titre de séjour, et qu'il n'est porté aucune atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Elle comporte, dès lors, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de Mme A..., épouse B..., avant de l'obliger à quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de ce que préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., épouse B... est entrée en France le 28 décembre 2014, accompagnée de son époux. Si elle résidait ainsi sur le territoire français depuis plus de cinq ans à la date de la décision préfectorale contestée, la durée de sa présence sur le territoire français s'explique pour l'essentiel par les démarches vaines qu'elle avait entreprises pour obtenir le statut de réfugié. En outre, il ne ressort des pièces du dossier, ni qu'elle serait dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine, ni qu'elle aurait développé des liens personnels ou familiaux en France. Par ailleurs, son époux, dans la même situation qu'elle, n'a pas vocation à se maintenir sur le territoire français. Dans ces conditions, nonobstant la scolarisation de son fils en France, Mme A..., épouse B... n'est pas en mesure d'établir l'existence de liens personnels ou familiaux en France d'une ancienneté et d'une stabilité telles que la décision contestée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

6. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre d'une décision d'éloignement, qui n'a pas pour objet de fixer le pays de destination.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A..., épouse B... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

8. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".

9. Si la requérante soutient qu'elle est menacée dans son pays d'origine, elle n'assortit ce moyen d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé. Au surplus, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile de Mme A..., épouse B... a été rejetée par une décision de l'OFPRA en date du 24 octobre 2017, confirmée par une décision de la CNDA en date du 23 mai 2018. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.

Sur la décision ordonnant à Mme B... de remettre son passeport ou une pièce d'identité et lui imposant de se présenter une fois par semaine à la brigade mobile de recherche de Mulhouse :

10. Aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ (...) " Aux termes de l'article R. 513-3 du même code : " L'autorité administrative désigne le service auprès duquel l'étranger doit effectuer les présentations prescrites et fixe leur fréquence qui ne peut excéder trois présentations par semaine ".

11. Il résulte de ces dispositions que la décision par laquelle le préfet astreint un étranger à une obligation de présentation et de remise de son passeport ou d'une pièce d'identité tend à assurer qu'il accomplit les diligences nécessaires à son départ dans le délai qui lui a été imparti en vue de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Par suite, en imposant à Mme B... de remettre l'original de son passeport et de se présenter une fois par semaine à la gendarmerie, le préfet du Haut-Rhin n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à l'objet de cette mesure, nonobstant la circonstance que l'identité de la requérante est connue et qu'elle dispose d'une adresse stable.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

12. Il résulte de ce qui précède que Mme A..., épouse B... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A..., épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 7 mai 2020. Ses conclusions tendant, d'une part, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Haut-Rhin, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et, d'autre part, à ce que la cour ramène l'interdiction de retour sur le territoire français à de plus justes proportions doivent être rejetées, par voie de conséquence.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme A..., épouse B... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... A..., épouse B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., épouse B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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N° 20NC03199


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03199
Date de la décision : 08/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : CHOLLET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-08;20nc03199 ?
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