Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'ordonner une expertise médicale et, d'autre part de condamner les hôpitaux civils de Colmar à lui verser une provision à valoir sur le préjudice de 6 657 euros.
Par un jugement n° 1700514 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande d'expertise et condamné les Hôpitaux civils de Colmar à verser à Mme A... la somme de 4 600 euros.
Procédure devant la cour :
I- Par une requête enregistrée sous le n° 19NC00661 le 4 mars 2019, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 janvier 2019 ;
2°) d'ordonner en tant que de besoin une nouvelle expertise médicale ;
3°) de condamner les Hôpitaux civils de Colmar à lui verser une somme de 49 513 euros en réparation des préjudices subis lors de l'intervention pratiquée le 2 octobre 2012 ;
4°) de mettre à la charge des Hôpitaux civils de Colmar la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- à juste titre le tribunal administratif de Strasbourg a considéré que l'oubli d'une compresse lors de l'intervention du 2 octobre 2012 était constitutif d'une faute ;
- la demande d'expertise contradictoire est légitime ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que la procédure d'expertise s'était déroulée conformément à ce qui avait été défini par les parties ;
- les préjudices qu'elle a subis, tels que déterminés par l'avis médical du médecin qu'elle a elle-même consulté, sont plus importants que l'indemnisation accordée en première instance ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2019, les Hôpitaux civils de Colmar concluent au rejet de la requête.
Ils font valoir que :
- les conclusions de Mme A... sont nouvelles en appel et irrecevables ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés et les préjudices ne sont pas établis.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25 %) par une décision du 28 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Grossrieder, présidente,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., alors âgée de 23 ans, a été suivie à partir de novembre 2011 pour des douleurs lombaires. Le 19 septembre 2012, il a été diagnostiqué une hernie discale volumineuse postéro-médiane et para-médiane droite de l'étage L4-L5, rétrécissant le canal lombaire. L'intervention chirurgicale de cure de hernie discale L4-L5 a été réalisée le 2 octobre 2012 aux Hôpitaux civils de Colmar. A la suite de douleurs persistantes, le 2 février 2013, un scanner a montré la présence de matériel chirurgical qui a justifié une intervention chirurgicale permettant l'évacuation d'un corps étranger compatible avec une compresse. Mme A... fait valoir des douleurs certes atténuées mais des paresthésies qui demeurent. Elle a adressé une demande d'indemnisation aux Hôpitaux civils de Colmar. L'assureur des Hôpitaux civils de Colmar (HCC) a proposé une expertise amiable qui a été confiée au docteur Wahl. A la suite de cette expertise, une offre indemnitaire a été proposée à Mme A..., qui l'a refusée. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner les HCC à lui verser une somme de 6 657 euros en réparation des préjudices subis. Par un jugement du 8 janvier 2019 le tribunal administratif de Strasbourg a considéré que l'oubli d'une compresse lors de l'intervention du 2 octobre 2012 constituait un manquement fautif aux règles de l'art et a condamné les HCC à verser à Mme A... la somme de 4 600 euros. Mme A... relève appel de ce jugement et demande la condamnation des HCC à lui verser une somme de 49 513 euros.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. L'appelante qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une personne publique, est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel en invoquant le cas échéant des chefs de préjudices dont elle n'avait pas fait état devant les juges de première instance, dès lors qu'ils relèvent du même fait générateur et qu'ils se sont révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement attaqué. Mme A... fait état de nouvelles douleurs apparues tardivement, qu'elle impute au manquement fautif commis par les HCC et ayant engagé leur responsabilité. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que Mme A... aurait présenté en appel des conclusions nouvelles doit être écartée.
Sur la demande d'expertise judiciaire :
3. Aux termes de l'article R. 621-1 du Code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. L'expert peut se voir confier une mission de médiation. Il peut également prendre l'initiative, avec l'accord des parties, d'une telle médiation ".
4. Il appartient au juge, saisi d'une demande d'expertise dans le cadre d'une action en responsabilité du fait des conséquences dommageables d'un acte médical, d'apprécier son utilité au vu des pièces du dossier et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon la demande, la mesure sollicitée. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'assureur des HCC a, en accord avec Mme A..., organisé une expertise amiable dont le rapport a été déposé le 15 octobre 2013 par le Docteur Wahl. Par ailleurs, Mme A... a pris l'initiative de consulter le Docteur Schelgel qui a rendu un rapport amiable et non contradictoire le 11 février 2019 sur l'état de santé de l'appelante. Ces deux rapports contiennent des éléments permettant d'évaluer les différents postes de préjudices subis par Mme A.... Dans ces circonstances, la mesure d'instruction demandée par la requérante ne présente pas de caractère utile. La demande présentée à ce titre doit dès lors être rejetée.
Sur l'évaluation des préjudices :
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction et des rapports d'expertise du Docteur Wahl et du Docteur Schelgel que le manquement consistant en l'oubli d'une compresse lors de l'intervention de cure d'une hernie hiatale le 2 octobre 2012 a causé à Mme A... des préjudices temporaires. En effet, le Docteur Wahl fixe la date de consolidation de Mme A... en lien avec cet oubli au 12 juin 2013 et le Docteur Schelgel fixe cette date en lien avec la complication post-opératoire fautive trois mois après la seconde intervention, soit le 1er mai 2013. En conséquence, le préjudice d'agrément et le déficit fonctionnel permanent dont la requérante demande réparation ne sont pas imputables au manquement fautif commis par les HCC.
6. En deuxième lieu si Mme A... indique que la complication induite par l'oubli d'une compresse lors de l'intervention chirurgicale a entraîné une incidence professionnelle et une perte de gains professionnels futurs, elle ne l'établit pas par ses seules allégations et en produisant ses bulletins de salaire en qualité d'intérimaire, sans justifier notamment d'un arrêt de travail ni même d'une promesse d'embauche.
7. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le manquement fautif des HCC a impliqué une seconde intervention chirurgicale ainsi que des périodes de douleurs et de raideurs se manifestant en un déficit fonctionnel temporaire total du 02 au 08 février 2013, et un déficit fonctionnel temporaire partiel de 10 % du 03 octobre 2012 au 01er février 2013 ainsi que du 09 février 2013 au 2 juin 2013. Mme A... n'établit pas en quoi le déficit fonctionnel partiel devrait être évalué à 25 %, dès lors que le Docteur Schelgel, dans l'évaluation des préjudices, n'a pas distingué la part imputable à la pathologie initiale de celle imputable au manquement fautif. En conséquence, il a été fait une juste évaluation du préjudice lié au déficit fonctionnel temporaire subi par Mme A... en lui allouant une somme de 400 euros.
8. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que Mme A... a subi des souffrances imputables au manquement fautif, et pendant toute sa durée, évaluées à 3 sur 7, dont il a été fait une juste évaluation par les premiers juges par une somme de 4 000 euros.
9. En cinquième lieu, si Mme A... demande l'indemnisation d'un préjudice esthétique, il résulte de l'instruction que le Dr Wahl a indiqué que la seconde intervention a été réalisée par une incision sur la précédente cicatrice sans causer de préjudice esthétique. Mme A... ne justifie pas que la photographie de cicatrice produite le lien de causalité entre cette cicatrice et la seconde intervention.
10. Enfin, si Mme A... demande le remboursement de dépenses de santé à hauteur de 189,72 euros elle n'établit pas le lien entre les dépenses alléguées et le manquement fautif commis par les HCC. Mme A... ne saurait, par ailleurs, pas prétendre au remboursement de note d'honoraires du Docteur Schelgel pour une somme de 500 euros, dès lors que cette dépense n'a pas présenté un caractère utile et cet avis médical n'a apporté aucun élément par rapport à la précédente expertise amiable.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande d'expertise et condamné les Hôpitaux civils de Colmar à lui verser une somme de 4 600 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge des Hôpitaux civils de Colmar, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., aux Hôpitaux civils de Colmar et à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin.
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N° 19NC00661