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06/07/2021 | FRANCE | N°21NC00298-21NC00300

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 06 juillet 2021, 21NC00298-21NC00300


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, d'une part, l'arrêté du 9 juillet 2020 par lequel le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, d'autre part, l'arrêté du 28 septembre 2020 par lequel le préfet des Vosges l'a assigné à résidence.



Par un jugement n°2002402 du 2 octobre 2020, le magistrat désigné par la président...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, d'une part, l'arrêté du 9 juillet 2020 par lequel le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, d'autre part, l'arrêté du 28 septembre 2020 par lequel le préfet des Vosges l'a assigné à résidence.

Par un jugement n°2002402 du 2 octobre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 28 septembre 2020 et réservé les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2020 ainsi que celles à fin d'injonction.

Par un jugement n° 2002402 du 29 décembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2020 en tant qu'il porte refus de séjour.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 21NC00298, le 29 janvier 2021, complété par un mémoire enregistré le 5 juin 2021, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 décembre 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 9 juillet 2020 du préfet des Vosges ;

3°) d'enjoindre au préfet des Vosges, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a omis de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et interdisant le retour sur le territoire français, qui avaient été réservées à la formation collégiale par le jugement du magistrat désigné du 2 octobre 2020 ;

- il est irrégulier dès lors que ses motifs sont contraires à ceux retenus par le magistrat désigné dans son jugement du 2 octobre 2020, qui est devenu définitif faute d'appel et est revêtu de l'autorité de la chose jugée ;

en ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de la demande ;

- il remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur de droit dès lors qu'il n'a pas examiné sa demande sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au titre de l'intégration professionnelle ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur dans la qualification juridique des faits ;

en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

en ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de fait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2021, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. D... n'est fondé.

Le préfet des Vosges a présenté un mémoire, enregistré le 11 juin 2021, par lequel il conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens. Ce mémoire n'a pas été communiqué.

II. Par une requête, enregistrée sous le n°21NC00300, le 29 janvier 2021, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 décembre 2020 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- son éloignement du territoire aura des conséquences difficilement réparables au sens de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a omis de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et interdisant le retour sur le territoire français, qui avaient été réservées à la formation collégiale par le jugement du magistrat désigné du 2 octobre 2020 ;

- il est irrégulier dès lors que ses motifs sont contraires à ceux retenus par le magistrat désigné dans son jugement du 2 octobre 2020, qui est devenu définitif faute d'appel et est revêtu de l'autorité de la chose jugée ;

en ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de la demande ;

- il remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur de droit dès lors qu'il n'a pas examiné sa demande sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au titre de l'intégration professionnelle ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur dans la qualification juridique des faits ;

en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

en ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de fait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2021, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. D... n'est fondé.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant albanais né le 9 mars 1998, est entré sur le territoire français le 26 juin 2016, accompagné de sa mère, de son frère et de sa soeur, alors mineurs. Le 21 juillet 2016, il a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 23 octobre 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 octobre 2018. Par une décision du 13 décembre 2018, le préfet des Vosges l'a obligé à quitter le territoire français. Le 17 juin 2020, M. D... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-10, L. 313-11, 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 9 juillet 2020, le préfet des Vosges a rejeté sa demande de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par une décision du 28 septembre 2020, le préfet l'a assigné à résidence. Par un jugement du 2 octobre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 28 septembre 2020 et réservé les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2020 ainsi que celles à fin d'injonction. Par deux requêtes, enregistrées respectivement sous les n° 21NC00298 et 21NC00300, qu'il y a lieu de joindre, M. D... fait appel du jugement du 29 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 juillet 2020 portant refus de séjour et demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur la requête 21NC00298 :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Devant le tribunal administratif de Nancy, M. D... a présenté des conclusions tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 9 juillet 2020 par lequel le préfet des Vosges a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'autre part, de la décision du 28 septembre 2020 par laquelle le préfet des Vosges l'a assigné à résidence. Par son jugement du 2 octobre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy n'a statué que sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision d'assignation à résidence et a réservé à la formation collégiale le jugement des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2020. Toutefois, par le jugement attaqué, le tribunal n'a statué que sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour et a omis de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Il est, en conséquence, dans cette mesure, entaché d'irrégularité.

3. Il suit de là que le jugement du 29 décembre 2020 du tribunal administratif de Nancy doit être annulé en tant qu'il omet de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

4. Il y a lieu en conséquence pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres conclusions présentées par M. D... devant le tribunal administratif de Nancy.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement en tant qu'il porte sur les conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, M. D... reprend en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur et du défaut de motivation de la décision portant refus de séjour. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Vosges n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. D....

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

8. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

9. D'une part, il ressort des termes de la décision litigieuse que le préfet a examiné la demande de titre de séjour présentée par M. D... sur les trois fondements successifs invoqués par ce dernier. Pour examiner en dernier lieu la demande sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a renvoyé aux éléments de faits qu'il avait examinés à l'appui de la demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-10 du même code, notamment les deux promesses d'embauche produites par M. D.... Par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit en s'abstenant d'examiner sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 au regard sa situation professionnelle.

10. D'autre part, le requérant, entré en France en juin 2016, se prévaut de la durée de son séjour habituel, de sa scolarisation au cours de l'année 2018/2019 dans un lycée professionnel à Remiremont, de l'obtention d'un bac professionnel spécialité " métiers de l'électricité et de ses environnements connectés " en juin 2020, de la réalisation de stages au cours de l'année 2019, au sein de l'entreprise Suchetet et de la mairie de Gérardmer et de la sépulture de sa mère à Gérardmer. Toutefois, hormis la durée de sa présence en France, qui ne résulte que de la non-exécution de la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet en 2018, le requérant ne justifie d'aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel justifiant qu'il soit fait droit à sa demande de régularisation. Il n'établit pas être particulièrement inséré au sein de la société française ou y avoir tissé des liens importants alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il entretiendrait encore des relations avec son frère et sa soeur, placés dans un autre centre pour demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration afin de les éloigner du requérant par mesure de sécurité. En outre, il n'est, en tout état de cause, pas démontré que la sépulture de sa mère serait à Gérardmer alors qu'il ressort de l'audition de sa soeur par les services de police que leur père a transféré le corps de cette dernière afin qu'elle soit enterrée dans leur pays d'origine en mars 2017. C'est, par suite sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet des Vosges lui a refusé le bénéfice des dispositions précitées.

11. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... entretienne des relations avec son frère et sa soeur depuis qu'ils ont été transférés dans un centre pour demandeur d'asile en Moselle par l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour les mettre à l'abri du requérant en juin 2020, à la suite de la plainte déposée par sa soeur pour vol et violence. Par suite, en mentionnant que M. D... ne pouvait pas se prévaloir de la présence de ces derniers en France pour justifier des liens personnels et familiaux, le préfet des Vosges n'a commis aucune erreur de fait.

12. En dernier lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

13. M. D..., célibataire et sans enfant, est entré sur le territoire français le 26 juin 2016, accompagné de sa mère, de son frère et soeur nés en 2005 et 2000. Il fait valoir qu'il est bien intégré en France où il a été scolarisé, qu'il a obtenu un baccalauréat professionnel, spécialité " métiers de l'électricité et de ses environnements connectés ", en juin 2020, qu'il dispose d'une promesse d'embauche en qualité d'agent d'accueil pour une durée de travail hebdomadaire de quatre heures et qu'il s'occupe de ses frère et soeur depuis le décès de leur mère en mars 2017 et la condamnation pénale de leur père pour violence. Il ressort cependant des pièces du dossier qu'à la suite d'une plainte formée par sa soeur en juin 2020 à l'encontre de M. D..., pour des faits de vol et de violence volontaire, les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ont été contraints de transférer celle-ci ainsi que leur petit frère dans un centre de demandeur d'asile en Moselle, pour les éloigner du requérant. Contrairement à ce qu'il soutient, M. D... n'établit nullement la réalité et l'intensité des liens qu'il entretient avec ces derniers depuis cette séparation. En outre, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Albanie où il a résidé jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, et en dépit des efforts d'intégration réalisés par ce dernier, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision attaquée a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'appui des conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté.

15. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 13, le préfet des Vosges n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

17. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

18. Il ressort des termes de la décision contestée que le préfet des Vosges, pour prononcer à l'encontre de M. D... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, a précisé, après avoir rappelé les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les considérations de faits qui fondent sa décision. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée doit être écarté.

19. En troisième lieu, M. D... s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement. Par ailleurs, il n'est entré en France qu'en 2016, il est célibataire et sans enfant et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. En outre, il n'établit pas l'intensité de ses liens avec son frère et sa soeur. Si la plainte de la soeur de Mme D... est toujours en cours d'instruction, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet se fonde sur les allégations qu'elle contient, qui sont précises et détaillées quant au comportement violent de celui-ci à son égard. D'ailleurs, l'OFII a décidé de mettre à l'abri cette dernière et leur petit frère en les éloignant du requérant. Ainsi qu'il a été dit, ce dernier ne démontre pas que depuis cette séparation, les relations se seraient apaisées entre eux ou que sa soeur aurait retiré sa plainte. Dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur de fait en se fondant sur cet élément pour estimer que le comportement de M. D... était susceptible de troubler l'ordre public. Dans ces conditions, le préfet, en prononçant à l'encontre du requérant, une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, n'a commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation.

20. Il résulte de tout ce qui précède que si M. D... est fondé à demander l'annulation du jugement en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français, il n'est, en revanche pas fondé à demander l'annulation de ces décisions, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de séjour. Dès lors, le surplus de ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la requête 21NC00300 :

21. Le présent arrêt statue sur les conclusions de M. D... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 décembre 2020. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête susvisée par lesquelles le requérant demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les frais liés aux instances :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans les présentes instances, la partie perdante, la somme que demande M. D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21NC00300 de M. D... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2002402 du 29 décembre 2020 du tribunal administratif de Nancy.

Article 2 : Le jugement du 29 décembre 2020 du tribunal administratif de Nancy est annulé en tant qu'il omet de statuer sur les conclusions présentées par M. D... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Article 3 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nancy tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans est rejetée.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Vosges.

2

N° 21NC00298, 21NC00300


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00298-21NC00300
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GEHIN - GERARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-06;21nc00298.21nc00300 ?
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