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06/07/2021 | FRANCE | N°20NC03335

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 06 juillet 2021, 20NC03335


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Par un jugement n° 2000924 du 20 octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 20 décembre 2019 du préfet de l

'Aube et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Par un jugement n° 2000924 du 20 octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 20 décembre 2019 du préfet de l'Aube et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2020, le préfet de l'Aube, représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 octobre 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour ne méconnaît pas le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- aucun élément du dossier n'établit que M. E... contribue à l'entretien ou à l'éducation de l'enfant depuis la naissance de ce dernier ou au moins deux ans ;

- la reconnaissance de paternité présente un caractère frauduleux ;

- la décision portant refus de titre de séjour ne méconnaît pas le droit de la requérante à une vie privée et familiale normale et l'intérêt supérieur de son enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2021, Mme A..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la reconnaissance de paternité ne présente pas de caractère frauduleux ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît son droit à une vie privée et familiale normale ;

- elle méconnaît le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Grenier, présidente assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née le 12 décembre 1978, est entrée en France le 4 février 2013. Elle est la mère d'un enfant français, M. B..., Brandon, Emmanuel E..., né le 30 avril 2016. Une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " lui a été délivrée à compter du 19 décembre 2016, renouvelée jusqu'au 18 décembre 2019. Par un arrêté du 20 décembre 2019, le préfet de l'Aube a refusé de renouveler son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite. Par un jugement du 20 octobre 2020, dont le préfet de l'Aube relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 20 décembre 2019.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ". Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'un titre de séjour est subordonnée à ce que l'auteur de la reconnaissance, lorsqu'il n'est pas le postulant au séjour, contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.

3. Selon l'article 316 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Lorsque la filiation n'est pas établie dans les conditions prévues à la section I du présent chapitre, elle peut l'être par une reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance. / La reconnaissance n'établit la filiation qu'à l'égard de son auteur. / Elle est faite dans l'acte de naissance, par acte reçu par l'officier de l'état civil ou par tout autre acte authentique (...) ". L'article 371-2 du même code énonce que : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que l'enfant de Mme A..., né le 30 avril 2016, a été reconnu par anticipation, le 9 février 2016, par M. G... E..., ressortissant français né le 22 décembre 1965. Pour refuser de renouveler le titre de séjour en qualité de mère d'un enfant français de Mme A..., le préfet de l'Aube a relevé, par la décision du 20 décembre 2019, d'une part, qu'en méconnaissance du second alinéa du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes déposées postérieurement au 1er mars 2019 comme en l'espèce, Mme A... ne justifiait pas que M. E... contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil et d'autre part, que la reconnaissance de paternité présentait un caractère frauduleux, Mme A... ne pouvant, en conséquence se prévaloir de sa qualité de parent d'un enfant français.

5. Il ressort des pièces du dossier et n'est au demeurant pas contesté que M. E... ne contribue pas à l'entretien ou à l'éducation du jeune B....

6. Ce seul motif suffisait à justifier, en application des dispositions précitées, le refus de titre de séjour contesté.

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision portant refus de titre de séjour du 20 décembre 2019 et, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... tant devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qu'en appel.

Sur les moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :

9. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier qu'alors même que Mme A... déclare résider en France depuis le mois de février 2013, soit plus de cinq ans à la date de la décision litigieuse, elle ne produit aucun élément attestant de sa présence en France entre le mois de février 2013 et la naissance de son enfant en avril 2016. Elle ne justifie, en outre, d'aucune insertion particulière en France. Elle a été employée dans le cadre d'un contrat d'insertion à durée déterminée à compter du 1er mai 2018, sans faire état d'une insertion professionnelle antérieure. Si elle a déclaré être pacsée avec un ressortissant camerounais depuis le 22 août 2018, celui-ci est en situation irrégulière. Il ressort également des pièces du dossier que Mme A... est la mère de trois enfants, nés en 1997, 2007 et 2010, qui résident en Côte d'Ivoire. Par suite, la décision portant refus de titre de séjour, au regard de son objectif, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de la requérante à une vie privée et familiale normale, garanti notamment par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne méconnaît pas le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 20 décembre 2019 par laquelle le préfet de l'Aube a refusé de renouveler son titre de séjour doivent être rejetées.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour de Mme A... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de son illégalité, soulevé par voie d'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire, ne peut qu'être écarté.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ".

14. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit M. E... a reconnu le jeune B... par anticipation, le 9 février 2016. Il est constant que M. E... ne vit pas avec Mme A..., ce qu'elle a confirmé dans une attestation du 7 octobre 2019. Aucun élément du dossier ne vient établir l'existence d'une relation affective, même brève, entre Mme A... et M. E.... Mme A... a elle-même attesté, le 21 septembre 2016, ne pas savoir comment contacter M. E.... En outre, il ressort des pièces du dossier que M. E..., outre le jeune B..., a reconnu trois autres enfants de trois ressortissantes ivoiriennes en situation irrégulière sur le territoire français entre le 13 mars 2014 et le 15 juin 2016. Par suite, dans les circonstances de l'espèce et alors même que le préfet de l'Aube ne donne aucune précision quant à la suite qui a été donnée à sa demande d'enquête auprès du procureur de la République s'agissant de la reconnaissance de paternité litigieuse, le préfet de l'Aube, auquel incombe la charge de la preuve, apporte des éléments suffisamment précis et concordants permettant d'établir que la reconnaissance de paternité litigieuse est frauduleuse et qu'ainsi Mme A... ne peut être regardée comme mère d'un enfant mineur français résidant en France. Il suit de là que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire litigieuse méconnaît le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 10 du présent arrêt.

16. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2019 du préfet de l'Aube doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

17. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne doivent, en conséquence, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

19. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, eu égard à la situation de Mme A..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, de faire droit aux conclusions que présente le préfet de l'Aube au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 20 octobre 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 en appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par le préfet de l'Aube au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de l'Aube, à Mme F... A... et au ministre de l'intérieur.

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N° 20NC03335


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03335
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : OURIRI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-06;20nc03335 ?
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