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06/07/2021 | FRANCE | N°20NC03147

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 06 juillet 2021, 20NC03147


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 2001800 du 8 octobre 2020, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 15 juillet 2020 du préfet de Meurthe-et-Moselle.

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Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 2001800 du 8 octobre 2020, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 15 juillet 2020 du préfet de Meurthe-et-Moselle.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 octobre 2020 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nancy.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en estimant qu'il avait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le droit à être entendu de Mme C... n'a pas été méconnu ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée ;

- il a procédé à un examen suffisamment approfondi de la situation de Mme C... ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a implicitement retiré l'attestation de demande d'asile de Mme C... et il n'a pas commis d'erreur de droit en application du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le moyen, soulevé par voie d'exception, à l'encontre de la décision portant délai de départ volontaire de 30 jours, tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;

- la décision portant délai de départ volontaire est suffisamment motivée ;

- il a procédé à un examen suffisant de la situation de l'intéressée ;

- la décision portant délai de départ volontaire n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le moyen, soulevé par voie d'exception, à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- Mme C... ne fait état d'aucun élément sérieux de nature à justifier la suspension de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2021, Mme C..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit à une vie privée et familiale normale ;

- elle méconnaît son droit à être entendue ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen suffisamment approfondi de sa situation, dès lors qu'elle se fonde sur des faits erronés ;

- elle ne pouvait être obligée de quitter le territoire français, dès lors qu'elle était titulaire d'une attestation de demande d'asile en cours de validité ;

- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant en situation de compétence liée pour procéder à son éloignement ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de délai de départ volontaire est entachée d'illégalité par voie d'exception, en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité, par voie d'exception, en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Grenier, présidente assesseure,

- et les observations de Me B... pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante arménienne née le 4 janvier 1947, est entrée en France le 17 septembre 2016 selon ses déclarations. Sa demande d'admission au titre de l'asile a été rejetée par une décision du 28 février 2020 de l'Office français de la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) statuant en procédure accélérée. Elle a relevé appel de cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui a rejeté son recours le 2 novembre 2020, postérieurement à l'arrêté litigieux toutefois. Par un arrêté du 15 juillet 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite. Par un jugement du 8 octobre 2020, dont le préfet de Meurthe-et-Moselle relève appel, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 15 juillet 2020.

Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :

2. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France le 17 septembre 2016 selon ses déclarations, à l'âge de 69 ans. Il ressort des pièces du dossier qu'elle est hébergée par sa fille et son gendre qui sont en France depuis 2014. Ces derniers ont fait l'objet, le 8 juillet 2019, d'une mesure d'admission au séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur. Ils résident ainsi régulièrement en France avec leurs trois enfants. A la date de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, Mme C... résidait en France depuis moins de 4 ans. Alors même qu'elle est veuve depuis 1994 et n'a pas d'autres enfants, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Arménie où vivent notamment trois de ses frères et soeurs et où elle a vécu sans sa fille de 2014 à 2016. Elle ne justifie, en outre, d'aucune insertion particulière en France. Elle n'établit pas qu'au regard de son âge, la présence de sa fille à ses côtés serait indispensable. De plus il ne ressort pas des pièces du dossier que sa fille, son gendre et ses petits-enfants ne pourraient pas lui rendre visite en Arménie et qu'elle ne pourrait elle-même pas venir les voir en France. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté porte au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été édicté.

4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy s'est fondée sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté du 15 juillet 2020.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif Nancy.

Sur les moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif de Nancy :

6. L'arrêté du 15 juillet 2020, après avoir rappelé que la demande d'asile de Mme C... a été rejetée par l'OFPRA et qu'elle ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français, énonce qu'elle se déclare veuve, qu'elle est entrée récemment sur le territoire français et qu'elle ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France alors qu'elle n'établit pas être dépourvue de liens dans son pays d'origine, l'Arménie. Il est cependant constant qu'il ne mentionne pas la présence de la fille de la requérante et de la famille de cette dernière en France.

7. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier et en particulier du compte-rendu de son entretien avec les services de l'OFPRA, que Mme C... avait expressément mentionné la présence depuis six ans de sa fille et de la famille de cette dernière en France, le préfet de Meurthe-et-Moselle ne peut être regardé comme ayant procédé à un examen suffisant de la situation privée et familiale de Mme C....

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté du 15 juillet 2020 et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme C... dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le tribunal administratif de Nancy a fait entièrement droit aux conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C.... Le présent arrêt, qui confirme le jugement attaqué, n'appelle pas de mesures d'exécution autres que celles prononcées par l'article 3 du jugement attaqué. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C... en appel ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

En ce qui concerne les frais exposés et non compris dans les dépens devant le tribunal administratif de Nancy :

10. Il résulte de ce qui est dit au point 8 que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy a mis à la charge de l'Etat le versement à Me B..., avocate de Mme C..., d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

En ce qui concerne les frais liés à l'instance d'appel :

11. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocate de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme C... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au ministre de l'intérieur, au préfet de Meurthe-et-Moselle et à Me B....

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Moselle.

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N° 20NC03147


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03147
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-06;20nc03147 ?
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