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06/07/2021 | FRANCE | N°19NC03638

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 06 juillet 2021, 19NC03638


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Wind Lorraine Kalkoffen a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 mars 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour l'implantation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Rahling.

Par un jugement no 1803230 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 déc

embre 2019, le 27 novembre 2020 et les 4 et 14 juin 2021, la société Wind Lorraine Kalkoffen, r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Wind Lorraine Kalkoffen a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 mars 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour l'implantation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Rahling.

Par un jugement no 1803230 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 décembre 2019, le 27 novembre 2020 et les 4 et 14 juin 2021, la société Wind Lorraine Kalkoffen, représentée Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 mars 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour l'implantation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Rahling ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de prendre une nouvelle décision après avoir repris l'instruction de sa demande d'autorisation, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement, en raison de sa motivation insuffisante, est irrégulier ;

- la décision contestée est illégale dès lors que le préfet s'est estimé, à tort, lié par l'avis du ministère de la défense ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation s'agissant des risques de perturbations du fonctionnement du radar de Phalsbourg ainsi que l'a jugé le tribunal ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation compte tenu de l'illégalité de l'avis du ministère de la défense lui-même entaché d'une erreur d'appréciation ; le secteur Voltac, en l'absence d'existence juridique, n'est pas opposable et, en tout état de cause, l'implantation du parc éolien en son sein n'est pas de nature à justifier un refus ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal cet espace n'est pas dédié à l'entraînement des équipages au vol à très basse altitude ; l'utilisation du secteur pour les entraînements n'est pas établi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 10 juin 2020, la ministre des armées a produit des observations.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'aviation civile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique,

- et les observations de Me B... pour la société Wind Lorraine Kalkoffen.

Une note en délibéré présentée pour la société Wind Lorraine Kalkoffen a été enregistrée le 23 juin 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Le 20 décembre 2017, la société Wind Lorraine Kalkoffen a sollicité la délivrance d'une autorisation environnementale en vue de la réalisation d'un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs situés sur la commune de Rahling, en Moselle. Le 15 février 2018, la ministre des armées a émis un avis défavorable au projet en invoquant les contraintes aéronautiques et radioélectriques. Par un arrêté du 29 mars 2018, le préfet de la Moselle a refusé d'accorder l'autorisation sollicitée. Par un jugement du 18 octobre 2019, dont la société Wind Lorraine Kalkoffen fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Pour écarter le moyen tiré de l'illégalité de l'avis de la ministre des armées, les premiers juges ont mentionné qu'eu égard à la proximité du parc éolien de Dehlingen, composé de cinq éoliennes et éloigné de seulement 3,45 km du parc projeté et des périmètres de sécurité que devaient respecter les pilotes par rapport aux obstacles, le projet de parc éolien en litige aurait pour effet d'accroitre les contraintes pesant sur les pilotes, sans que les indications cartographiques portées à la connaissance des pilotes puissent suffire, eu égard à la forte densité d'éoliennes dans le secteur considéré, à prévenir tout risque de collision. Les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments, ont ainsi suffisamment répondu au moyen, sans qu'il leur ait été nécessaire d'expliciter davantage les contraintes pesant sur les pilotes ou les périmètres de sécurité, dont les parties ont débattu dans leurs écritures. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : (...) / 2° Le ministre de la défense (...) ". Aux termes de cet article R. 244-1 du code de l'aviation civile, dont certaines des dispositions du premier alinéa ont été abrogées à compter du 1er décembre 2010 pour être reprises à l'article L. 6352-1 du code des transports : " À l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. / Des arrêtés ministériels déterminent les installations soumises à autorisation ainsi que la liste des pièces qui doivent être annexées à la demande d'autorisation. / L'autorisation peut être subordonnée à l'observation de conditions particulières d'implantation, de hauteur ou de balisage suivant les besoins de la navigation aérienne dans la région intéressée. / (...) ". Aux termes de l'article R. 181-34 du code de l'environnement : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : (...) / 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable ; (...) ".

En ce qui concerne le moyen tiré l'illégalité de l'avis défavorable de la ministre des armées :

5. Si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.

6. Dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale de la société Wind Lorraine Kalkoffen, le préfet a sollicité l'avis de la ministre des armées, qui a mentionné qu'elle s'opposait au projet de parc éolien au motif, d'une part, du risque de perturbations radioélectriques que le projet est susceptible d'entraîner sur le fonctionnement du radar de Phalsbourg et, d'autre part, des contraintes supplémentaires préjudiciables à la sécurité des vols et à la réalisation des missions que l'implantation du projet dans un secteur Voltac, dédié à l'entraînement des équipages au vol à très basse altitude, de jour comme de nuit, à une hauteur inférieure à 150 mètres et en particulier, au vol tactique, était de nature à induire.

7. La société requérante, qui doit être regardée comme excipant de l'illégalité de cet avis défavorable émis par la ministre des armées, fait notamment valoir que le secteur Voltac, dépourvu d'existence juridique, ne lui est pas opposable et que le projet de parc éolien n'est pas de nature à générer un risque pour les pilotes d'hélicoptères qui, évoluant dans un secteur de classe G, non réglementé et non contrôlé, doivent être en mesure d'éviter les obstacles se présentant à eux et ont, en outre, la possibilité de s'entraîner sur la partie résiduelle de ce secteur ainsi que sur des terrains spécifiquement dédiés aux forces armées.

8. Toutefois, il est constant que le projet litigieux se situe à l'intérieur d'un secteur dénommé " Voltac PHG N ", qui constitue une zone d'entraînement privilégiée au vol tactique compris entre le sol et 150 mètres le jour et 300 mètres la nuit ainsi que l'autorise, en dehors des espaces aériens spécifiquement réservés à la circulation militaire aérienne, le paragraphe 5060-02 CAM T de l'arrêté du 20 juillet 2016 fixant les règles et services de la circulation aérienne militaire. Ce secteur Voltac est notamment utilisé par le 1er régiment d'hélicoptères de combat de la base de Phalsbourg pour des exercices techniques et tactiques, parfois conjointement avec d'autres unités de l'aviation légère de l'Armée de terre. Si ce secteur, qui ne constitue pas une servitude aéronautique, ne fait pas obstacle, par lui-même, au développement de projets éoliens, ceux-ci ne peuvent y être autorisés que sous réserve d'être compatibles avec la sécurité des aéronefs.

9. Il résulte de l'instruction que les hélicoptères doivent, pour des raisons de sécurité, respecter une distance réglementaire d'évitement latéral d'un obstacle d'au moins 900 mètres qui équivaut à la distance parcourue en 10 secondes de vol à la vitesse maximale, et qui est portée à 1 800 mètres lorsqu'ils évoluent en patrouille, pour tenir compte de la complexité des manoeuvres dans cette formation et à laquelle s'ajoute une marge de sécurité intégrant la longueur des pales fixée, en l'espèce, à 50 mètres. En se bornant à produire différentes distances, basées notamment sur une vitesse moyenne qu'elle a arbitrairement fixée à 200 kilomètres par heure, la requérante n'établit ni que la marge de sécurité supplémentaire pour les manoeuvres en patrouille de 900 mètres, ni que le rayon global de 1 850 mètres par rapport à un obstacle, seraient disproportionnées au regard des contraintes de vol tactique en patrouille alors que la ministre des armées a précisé que les hélicoptères évoluaient à des vitesses moyennes comprises, selon le type d'engins, entre 278 et 324 kilomètres par heure. Il résulte ainsi de l'instruction, notamment des cartes produites par l'administration, que la distance de 3 470 mètres entre le parc existant de Delhingen et le parc projeté est insuffisante pour permettre le passage en toute sécurité d'une patrouille, qui doit pouvoir respecter la marge de sécurité de 1 850 mètres de part et d'autre des obstacles que constitueraient les éoliennes des deux parcs. En outre, les possibilités de contournement du mur d'éoliennes que constitueraient le projet en litige avec le parc existant par une approche en provenance de l'est sont, compte tenu de l'interdiction de survol des agglomérations, sensiblement réduites.

10. Si la requérante fait valoir qu'au vu de la réglementation de la circulation aérienne militaire, notamment du principe " voir et éviter ", les pilotes ont l'obligation d'éviter, verticalement ou horizontalement, tout obstacle qui se présenterait à eux, précisant que les parcs éoliens sont matérialisés sur les cartes aéronautiques, il résulte de l'instruction qu'eu égard à la hauteur des éoliennes en litige, de 150 mètres, pales comprises, et à la marge de franchissement d'obstacle de 50 mètres que doivent respecter les pilotes, un survol du parc en litige conduirait nécessairement à un dépassement du plafond du secteur Voltac et serait, par suite, de nature à interrompre la mission d'entraînement en cours et à créer un risque de collision avec les autres usagers de l'espace aérien, notamment ceux des bases d'ULM et des aérodromes situés aux alentours, qui évoluent au-dessus de 150 mètres, alors que les conditions d'utilisation de ce secteur consistent à privilégier les entraînements en dessous de ce plafond pour éviter d'entrer en concurrence avec les autres usagers et réduire, ainsi, les risques de collision. Du reste, aucun élément ne permet de considérer, alors que l'administration le conteste, que les autres activités aéronautiques de loisirs se dérouleraient également en dessous du plafond de 150 mètres, ni même qu'elles feraient déjà obstacle au déroulement des exercices militaires au sein du secteur d'implantation du projet en litige. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le secteur en cause serait déjà inutilisable en raison de la présence d'agglomérations, en particulier de celles de Dehlingen et de Rahling, les exercices aériens pouvant se dérouler dans la portion située entre cette dernière commune et celle de Rohrbach-Lès-Bitche, ce que le projet en litige empêcherait.

11. Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le balisage des éoliennes du parc en litige et leur dénombrement dans la documentation aéronautique ne suffisent pas à prévenir tous les risques de collision avec les hélicoptères militaires, en particulier lors des exercices tactiques.

12. Même si le projet en litige ne représente que 0,005 % de la superficie du secteur Voltac, il n'en demeure pas moins, ainsi que le fait valoir l'administration, que son implantation en plein centre d'un sous-secteur, situé à proximité de la base de Phalsbourg, condamnera la possibilité d'y réaliser des missions tactiques et techniques en patrouille eu égard, notamment à la présence d'agglomérations, interdites de survol et des nombreux autres parcs existants.

13. Enfin, la circonstance que la direction générale de l'aviation civile a émis un avis favorable au projet en litige, n'est pas, par elle-même, de nature à établir l'illégalité de l'avis rendu par le ministre des armées au regard des activités relevant de sa compétence.

14. Dans ces conditions, nonobstant l'existence d'autres terrains d'exercices, notamment celui de Phalsbourg Bourscheid, l'implantation du parc éolien en litige est de nature à présenter un danger pour la circulation aérienne militaire et à affecter les capacités d'entraînement des forces armées. Par suite, en émettant un avis défavorable au projet en litige en raison des contraintes qu'il induirait pour la sécurité des vols lors des entraînements des hélicoptères, la ministre des armées n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

En ce qui concerne les autres moyens :

15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 14 que l'avis défavorable de la ministre des armées n'est pas illégal. Par suite, le préfet, qui était tenu, en application des dispositions de l'article R. 181-34 du code de l'environnement de refuser l'autorisation environnementale sollicitée par la requérante, n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le préfet est, dès lors, inopérant.

16. Il résulte de tout ce qui précède, que la société Wind Lorraine Kalkoffen n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Wind Lorraine Kalkoffen est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Wind Lorraine Kalkoffen et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée à la ministre des armées.

N° 19NC03638 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03638
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : LPA-CGR

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-06;19nc03638 ?
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