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06/07/2021 | FRANCE | N°18NC01262

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 06 juillet 2021, 18NC01262


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société groupe Pizzorno Environnement a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, à titre principal, d'annuler le contrat portant sur le lot n°1 du marché ayant pour objet des " prestations de service en vue du transport et du traitement des ordures ménagères et du tri et conditionnement des déchets valorisables sur l'ensemble de son territoire ", conclu le 10 novembre 2015, par le syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers et assimilés de Lorraine Nord (SYDELON) avec la

société SITA Nord Est, et de condamner le SYDELON à lui verser la somme d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société groupe Pizzorno Environnement a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, à titre principal, d'annuler le contrat portant sur le lot n°1 du marché ayant pour objet des " prestations de service en vue du transport et du traitement des ordures ménagères et du tri et conditionnement des déchets valorisables sur l'ensemble de son territoire ", conclu le 10 novembre 2015, par le syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers et assimilés de Lorraine Nord (SYDELON) avec la société SITA Nord Est, et de condamner le SYDELON à lui verser la somme de 1 378 080 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la réclamation préalable et la capitalisation des intérêts, à raison du préjudice qu'elle estime avoir subi compte tenu des irrégularités entachant la procédure de passation du marché ayant conduit à écarter son offre, ou, à titre subsidiaire, de désigner avant dire droit un expert pour définir la marge bénéficiaire nette qu'elle aurait réalisée si elle avait été attributaire du marché.

Par un jugement n° 1601985 du 21 février 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 avril 2018, 12 avril 2019, 13 mai 2019 et 24 mai 2019, la société Groupe Pizzorno Environnement, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 février 2018 ;

2°) d'annuler ou résilier le contrat portant sur le lot n°1 du marché ayant pour objet des " prestations de service en vue du transport et du traitement des ordures ménagères et du tri et conditionnement des déchets valorisables sur l'ensemble de son territoire ", conclu le 10 novembre 2015 entre le syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers et assimilés de Lorraine Nord (SYDELON) et la société SITA Nord Est ;

3°) de condamner le SYDELON à lui verser la somme de 1 378 080 euros en réparation du préjudice subi, assortie des intérêts de retard à compter de la réception de la réclamation préalable, au taux légal capitalisé, en ayant, le cas échéant, au préalable désigné un expert pour définir la marge bénéficiaire nette qu'elle aurait réalisée si elle avait été attributaire du marché ;

4°) de mettre à la charge du SYDELON et de la société Suez Rv Nord Est, anciennement dénommée Sita Nord Est, le versement d'une somme de 5 000 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les mémoires qu'elle a présentés en première instance ne sont pas correctement et exhaustivement analysés ;

- le jugement ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de ce que la différence de quatre points entre les candidats au titre de la " description générale de la ou des techniques utilisées pour le traitement des déchets " n'est pas justifiée ;

- le tribunal a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure dès lors qu'il s'est fondé sur des pièces du dossier qu'il lui a communiquées après la clôture de l'instruction et qu'il n'a pas tenu compte des observations qu'elle a produites postérieurement à cette clôture ;

- le marché litigieux a été attribué en méconnaissance des articles 46 et 59 du code des marchés publics dès lors que la société Sita Nord Est devait fournir les attestations sociales et fiscales exigées par l'article 46 de ce code, avant que le marché ne lui soit attribué ; les attestations émanant des quatre sociétés fusionnées, dont est issue la société Sita Nord Est, n'étaient pas recevables dès lors qu'elles avaient plus de six mois et qu'il n'est en outre pas démontré qu'elles aient été communiquées au moment de l'attribution du marché ;

- le syndicat devait vérifier que la société Sita Nord Est était en capacité de respecter son engagement de traitement des déchets sur la durée totale du marché et a, en s'abstenant de le faire, retenu une offre irrégulière dès lors que les techniques de traitement proposées ne pouvaient pas être respectées jusqu'au terme du contrat ;

- les besoins du SYDELON n'ont pas été définis avec précision en méconnaissance de l'article 5 du code des marchés publics, notamment s'agissant de ses attentes en matière de valorisation des déchets ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le moyen relatif au traitement discriminatoire des candidats au titre du traitement des lixiviats " in situ " n'était pas déterminant dans le choix de l'attributaire ;

- la redondance des sous-sous-critères " description générale de la ou des techniques utilisées pour le traitement des déchets " et " technique de traitement et valorisation par nature de déchets " l'a pénalisée et a conduit à la neutralisation de l'avantage financier que comportait son offre ;

- la méthode de notation est entachée d'irrégularité ;

- le SYDELON s'est réservé une marge discrétionnaire d'appréciation en ne définissant pas suffisamment précisément ses besoins et ses attentes ;

- le système d'évaluation des offres est irrégulier en ce qu'il a conduit au choix de l'offre qui n'était pas économiquement la plus avantageuse ;

- le SYDELON a entaché l'analyse des offres d'erreurs manifestes d'appréciation le conduisant à retenir une offre qui n'était pas économiquement la plus avantageuse, s'agissant notamment des notes attribuées aux sous-sous-critères " description générale de la ou des techniques utilisées pour le traitement des déchets " et " technique de traitement et valorisation par nature de déchets " ;

- chacune de ces irrégularités, qui ne peuvent donner lieu à régularisation, affecte la validité du marché, et par conséquent, justifie son annulation, et en tant qu'elles sont la cause directe de son éviction, l'indemnisation de ses droits lésés ;

- le SYDELON n'est pas recevable à invoquer l'irrégularité de son offre dès lors qu'il ressort du rapport d'analyse des offres qu'il n'avait pas retenu ce motif pour écarter son offre ;

- son offre, qui avait pris en compte la réduction de la capacité maximale autorisée pour l'installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) d'Aboncourt à compter de l'année 2019 et mentionné l'engagement d'assurer les capacités nécessaires pour accueillir la totalité des tonnages du SYDELON eu égard aux autres contrats à exécuter, était régulière ;

- faute d'avoir informé les candidats qu'il attribuerait le marché en faveur du tri mécano-biologique (TMB), le SYDELON a manqué à son obligation de définition précise de ses besoins, s'est réservé une marge discrétionnaire d'appréciation et a violé les principes de transparence de la procédure et d'égalité de traitement des candidats ;

- le SYDELON a commis une erreur manifeste d'appréciation en choisissant la société Sita Nord Est dès lors que l'exploitation commerciale de l'ISDND de Flévy, vers lequel l'attributaire s'engageait à envoyer 49 000 tonnes de déchets, devait s'achever avant la fin du marché en litige.

Par des mémoires, enregistrés les 13 mars 2019 et 13 mai 2019, le syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers et assimilés de Lorraine Nord (SYDELON), représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Groupe Pizzorno Environnement le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens relatifs à l'irrégularité du jugement ne sont pas fondés ;

- les attestations sociales de janvier et février 2015 ont été produites moins de six mois avant la disparition des sociétés absorbées et la création de la société Sita Nord Est ;

- les documents de la consultation n'exigeaient pas la production de l'arrêté d'autorisation d'exploiter une installation classée ;

- si le moyen invoqué par la société requérante tiré de ce que, le SYDELON devait exiger des candidats la production de preuve de la disponibilité des exutoires nécessaires à l'exécution du marché, était accueilli, l'offre de la société requérante était également irrégulière ;

- ses besoins avaient été suffisamment déterminés au regard des exigences de l'article 5 du code des marchés publics ;

- la société requérante, en tant que société spécialisée dans le tri et la valorisation des déchets, connaissait les exigences de ce type de marché ;

- elle n'a pas été privée de la possibilité de présenter une offre selon des modalités appropriées à l'objet et aux caractéristiques du marché en cause alors qu'elle n'a pas posé de question au stade de l'élaboration de son offre ;

- ce sont d'autres éléments d'appréciation que ceux relatifs au traitement des lixiviats in situ qui ont justifié la différence de notes entre les entreprises ;

- la redondance alléguée des deux sous-sous-critères n'est pas fondée ; au demeurant, elle n'aurait en tout état de cause pas eu pour conséquence de rompre l'égalité entre les candidats ;

- l'irrégularité de la méthode de notation invoquée n'est pas fondée ;

- les requêtes de première instance et d'appel sont irrecevables dès lors que l'offre de la société requérante étant irrégulière, aucun des vices invoqués n'est susceptible de l'avoir lésée ;

- le préjudice allégué par la société requérante n'est pas démontré ;

- l'irrégularité de l'offre de la société requérante la prive de la possibilité de se prévaloir de moyens qui ne l'ont pas lésée ; cette irrégularité peut être constatée a posteriori par le juge administratif sans priver la requérante d'une garantie procédurale ;

- la société requérante ne peut prétendre à un manque à gagner qu'au titre de l'année 2016 ;

- le candidat évincé n'a droit qu'à la perte de son bénéfice avant impôt et non à la perte de son chiffre d'affaires, s'il démontre qu'il a perdu une chance réelle et sérieuse d'obtenir le marché ;

- compte tenu du résultat opérationnel de la société requérante pour l'année 2016, le montant maximal de l'indemnité qui pourrait lui être allouée est de 75 667 euros.

Par des mémoires, enregistrés les 13 mars 2019 et 30 avril 2019, la société Suez Rv Nord Est, anciennement dénommée Sita Nord Est, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Groupe Pizzorno Environnement le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens relatifs à l'irrégularité du jugement ne sont pas fondés dès lors que l'absence d'analyse des mémoires alléguée n'est pas établie, que le tribunal n'est pas tenu de répondre à tous les arguments des parties, que le moyen tiré de l'irrégularité de la méthode de notation, au soutien duquel la société requérante avait fait valoir la différence de quatre points entre sa note et celle de l'attributaire concernant le sous-critère de la description générale des techniques utilisées pour le traitement des déchets, a été examiné par le tribunal dans son considérant n°19 et que le mémoire produit par la société requérante le 2 février 2018 ne comportait aucun élément nouveau sur lequel il n'avait pas déjà été débattu contradictoirement ;

- compte tenu de sa date de création récente, l'obligation de produire les attestations fiscales et sociales prévues à l'article 46 du code des marchés publics ne s'appliquait pas ;

- son offre n'était pas irrégulière du seul fait que l'arrêté relatif aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) du centre de Flévy n'était pas valide pendant toute la durée du marché ;

- au regard des exigences posées dans le dossier de consultation, son offre était régulière ;

- la définition des besoins, et notamment les caractéristiques des déchets concernés par le marché, était suffisamment déterminée et indiquée dans les documents de la consultation ;

- le fait même que la requérante ait pu présenter une offre conforme à l'objet du marché suffit à établir qu'elle n'a pas été susceptible d'être lésée par les irrégularités se rapportant à une phase de la procédure antérieure à la sélection de son offre ;

- il était loisible à la société requérante de solliciter des précisions complémentaires auprès du pouvoir adjudicateur, ce qu'elle n'a pas fait ;

- le SYDELON ne s'est arrogé aucun pouvoir discrétionnaire dans la définition du sous-sous-critère relatif à la technique de traitement et valorisation par nature de déchets ;

- aucune discrimination dans le jugement des offres n'est établie ;

- à supposer établi le caractère redondant des deux sous-sous-critères, invoqué par la société requérante, cela ne constitue pas pour autant un manquement du SYDELON à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;

- la société requérante ne conteste aucune méthode de notation mais regrette, sur le terrain de l'appréciation comparative des mérites respectifs des offres des candidats, les notes qui lui ont été attribuées par rapport à celles de l'attributaire ;

- une méthode de notation peut amplifier, même de manière importante, les écarts réels entre les offres ;

- la requérante ne démontre pas qu'à la date de remise de son offre, elle aurait été en mesure de proposer un mode valorisation des déchets par TMB ; elle ne démontre dès lors pas que le vice allégué a été susceptible de la léser.

Par ordonnance du 24 mai 2019, la clôture d'instruction a été reportée au 11 juin 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E..., première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant la société Groupe Pizzorno Environnement,

- les observations de Me D..., représentant le syndicat mixte de transports et de traitement des déchets ménagers et assimilés de Lorraine Nord ;

- et les observations de Me A..., représentant la société Suez Rv Nord Est.

Considérant ce qui suit :

1. Le Syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers et assimilés de Lorraine Nord (SYDELON) a lancé le 15 juillet 2015 un appel d'offres ouvert en vue de la conclusion d'un marché portant sur des " Prestations de service en vue du transport et du traitement des ordures ménagères et du tri et conditionnement des déchets valorisables sur l'ensemble du territoire du SYDELON ", divisé en quatre lots. Le 29 septembre 2015, il a informé la société Groupe Pizzorno Environnement du rejet de l'offre présentée par le groupement dont elle était mandataire pour l'attribution du lot n°1 de ce marché relatif au " Traitement des déchets sur le territoire du SYDELON " et de son attribution à la société SITA Nord Est, nouvellement dénommée Suez RV Nord Est. La société Groupe Pizzorno Environnement a sollicité la communication des motifs du rejet de son offre à laquelle le SYDELON a fait droit par un courrier du 8 octobre 2015. Par une ordonnance du 5 novembre 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la requête présentée par la société Groupe Pizzorno Environnement sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Par un jugement du 21 février 2018, dont la société Groupe Pizzorno Environnement relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la société Groupe Pizzorno Environnement tendant, d'une part, à l'annulation du marché conclu le 10 novembre 2015 entre le SYDELON et la société Sita Nord Est, et d'autre part, à la condamnation du SYDELON à lui verser la somme de 1 378 080 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

3. Contrairement à ce que soutient la société requérante, les premiers juges ont visé les mémoires que la société requérante avait présentés en première instance et analysé de manière exhaustive ceux communiqués. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Strasbourg a méconnu l'article R. 741-2 du code de justice administrative doit être écarté.

4. En deuxième lieu, le point n°19 du jugement attaqué répond au moyen soulevé par la société requérante, tiré de l'irrégularité de la méthode de notation des offres. La circonstance que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués au soutien de ce moyen, n'a pas apporté de réponse à celui relatif à l'absence de justification de l'écart de quatre points entre la notation des deux candidats concernant le sous-sous-critère intitulé " description générale de la ou des techniques utilisées pour le traitement des déchets ", n'est par suite pas constitutif d'une irrégularité.

5. En dernier lieu, l'article R. 611-1 du code de justice administrative, dans sa version alors en vigueur, prévoit que : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe./ La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6./ Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. (...) ". L'article R. 613-2 du même code, dans sa version alors en vigueur, précise que : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne (...) ". L'article R. 613-3 indique que : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ". Enfin, l'article R. 613-4 du même code prévoit que : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties".

6. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire, après la clôture de l'instruction, une production de l'une des parties, qui a été produite avant ou après celle-ci, le président de la formation de jugement doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. S'il ne prend pas une nouvelle ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience.

7. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, par une ordonnance du 16 janvier 2018, la clôture de l'instruction avait été fixée le 31 janvier 2018 à 12 heures. Or, en procédant à la communication du mémoire présenté par le SYDELON aux parties le 31 janvier 2018 après 12 heures, le président de la formation de jugement, qui a soumis cette production au contradictoire après la clôture de l'instruction, doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Aucune nouvelle ordonnance de clôture n'ayant été prise, l'instruction s'est trouvée close trois jours francs avant le 7 février 2018, date de l'audience indiquée dans les avis d'audience, soit le 3 février 2018 à minuit. Il s'ensuit que le mémoire de la société Groupe Pizzorno Environnement, enregistré au greffe du tribunal administratif le 2 février 2018, a été produit avant la clôture de l'instruction. Si le tribunal administratif ne l'a pas communiqué, ni analysé, il ressort des termes du jugement qu'il ne s'est pas fondé sur les éléments contenus dans ce mémoire. Par suite, en s'abstenant de communiquer et donc d'examiner le dernier mémoire produit par la société requérante, pour statuer sur la demande qui lui était soumise, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur les conclusions en contestation de la validité du contrat :

8. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Un concurrent évincé ne peut ainsi invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

9. Saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice du consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

En ce qui concerne la lésion des intérêts de la société Groupe Pizzorno Environnement :

10. Aux termes de l'article 53 du code des marchés publics alors en vigueur : " III Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L'offre la mieux classée est retenue ". Aux termes de l'article 35 du même code : " (...) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation. Une offre est inacceptable si les conditions qui sont prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur, ou si les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur est tenu de rejeter les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables. Par suite, la circonstance que l'offre du concurrent évincé ait été examinée et classée ne fait pas obstacle à ce que le pouvoir adjudicateur puisse le cas échéant se prévaloir de l'irrégularité de cette offre devant le juge.

12. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction que l'exigence d'une autorisation valide sur toute la durée du marché d'exploiter les installations classées pour l'environnement au sein desquelles les candidats entendaient assurer le traitement des déchets pris en charge résultait des documents de la consultation. D'autre part, en tout état de cause, il résulte de l'instruction que la société Groupe Pizzorno Environnement justifie avoir pris en compte, dans son offre, la réduction de la capacité d'enfouissement du site d'Aboncourt à partir de 2019, tout en s'engageant à maintenir ses capacités de traitement tout au long de la durée du marché. En outre, elle démontre que la limitation de la capacité de stockage de l'installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) d'Aboncourt n'était susceptible de concerner que le renouvellement du marché prévu par le cahier des clauses administratives particulières pour une durée maximale d'une année, lequel n'était pas de droit. Il ne résulte donc pas de l'instruction que l'offre de la société requérante était irrégulière. Par suite, cette dernière est susceptible d'avoir été lésée par les différents manquements qu'elle invoque.

En ce qui concerne la régularité de l'offre de SITA Nord Est :

13. Le règlement de la consultation n'exigeait pas des candidats qu'ils présentent les arrêtés d'autorisation d'exploiter les installations classées pour l'environnement au sein desquelles ils entendaient assurer le traitement des déchets pris en charge. En outre, comme il vient d'être dit, il ne résulte pas de l'instruction que l'exigence d'une telle autorisation valide sur toute la durée du marché résultait des documents de la consultation. S'il est constant que l'ISDND de Flévy au sein duquel la société Sita Nord Est s'engageait à traiter 49 000 tonnes de déchets par an bénéficiait d'une autorisation d'exploitation préfectorale qui expirait avant la fin de la durée ferme du marché, il ne résulte cependant pas de l'instruction que cette dernière ne disposait pas des capacités techniques pour assurer l'exécution de ses prestations jusqu'au terme du marché. Dans ces conditions, l'offre remise par la société Sita Nord Est, qui n'était ni incomplète, ni en contradiction avec les documents de la consultation, n'était pas irrégulière. Par suite, le moyen tiré de ce que le SYDELON aurait dû écarter son offre comme telle doit être écarté.

En ce qui concerne la détermination préalable de ses besoins par le SYDELON :

14. Aux termes de l'article 5 du code des marchés publics alors applicable : " I. - La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable. Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur ont pour objet exclusif de répondre à ces besoins. (...) ".

15. Le règlement de consultation et le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché en litige mentionnaient que l'objet du marché portait sur le traitement des ordures ménagères et assimilées, le traitement des objets encombrants et des déchets de voirie sur le territoire du SYDELON suivant les conditions définies au cahier des charges, indiquaient les quantités de déchets annuelles estimées et définissaient les prestations à réaliser, soit le traitement des ordures ménagères et commerciales et le traitement des objets encombrants et des déchets de voirie, la durée du contrat, les horaires de collecte, les ordures et les déchets concernés (ordures ménagères et commerciales, objets encombrants et déchets de voirie) avec leurs caractéristiques, ainsi que le suivi des prestations. Les deux annexes de ce CCTP précisaient la moyenne des tonnages par catégorie de déchets sur les trois dernières années et le contexte de la gestion des déchets sur le territoire du SYDELON. Si ce dernier n'a pas, dans ces documents, détaillé ses attentes en matière de valorisation des déchets, il était cependant indiqué que les offres seraient jugées notamment au vu d'un sous-sous-critère " technique de traitement et de valorisation par nature des déchets ", suffisant pour permettre à un professionnel tel que la société requérante, candidate sortante du marché litigieux, à proposer au SYDELON les solutions de traitement et de valorisation des déchets qu'il estimait les plus adaptées aux besoins du pouvoir adjudicateur compte tenu des solutions techniques à sa disposition. Par suite, la société Groupe Pizzorno Environnement n'est pas fondée à soutenir que le SYDELON aurait insuffisamment défini ses besoins et ses attentes.

En ce qui concerne le défaut de transparence des modalités de jugement des offres et de pertinence des critères :

16. Aux termes de l'article 53 du code des marchés publics alors applicable : " I. - Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; (...) II. - Pour les marchés passés selon une procédure formalisée autre que le concours et lorsque plusieurs critères sont prévus, le pouvoir adjudicateur précise leur pondération. (...) Les critères ainsi que leur pondération ou leur hiérarchisation sont indiqués dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation. (...) ".

17. Pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces critères. Il doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection.

18. D'une part, l'article 5 du règlement de consultation du lot litigieux mentionnait que les offres seraient évaluées en tenant compte des critères du prix et de la valeur technique, à hauteur de 50 % chacun. Le critère de la valeur technique se décomposait lui-même en un sous-critère n°1 " Organisation générale " pondéré à 35 %, se décomposant à son tour, d'une part, en un sous-sous-critère n°1 : " Description générale de la ou des techniques utilisées pour le traitement des déchets " pondéré à 20 % et d'autre part en un sous-sous-critère n°2 " Technique de traitement et valorisation par nature de déchets ", pondéré à 15 %, puis en un sous-critère n°2 " Organisation particulière ", pondéré à 10 % qui comportait les sous-sous-critères n°1 " Méthodologie de transmission des informations au SYDELON ", pondéré à 8 %, n°2 " Pourcentage des actes dématérialisés et identification ", pondéré à 2 % et n°3 : " Bilan annuel ", pondéré à 5 %.

19. Contrairement à ce que soutient la société requérante, les indications relatives aux critères et sous-sous-critères pris en compte, qui étaient en rapport avec l'objet du marché et non discriminatoires, étaient suffisamment précises pour permettre aux candidats de présenter une offre conforme aux attentes du SYDELON, alors même que ce dernier n'a pas détaillé ses attentes en matière de valorisation des déchets. La circonstance que les candidats avaient toute latitude pour exposer la ou les techniques de traitement des déchets et de leur valorisation n'a pas eu pour effet de rompre l'égalité entre les candidats, chacun d'entre eux disposant de la faculté d'exposer la ou les techniques les plus appropriées. Par suite, la société Groupe Pizzorno Environnement n'est pas fondée à soutenir que le SYDELON se serait, en raison de l'imprécision de ce sous-sous-critère, arrogé un pouvoir discrétionnaire d'appréciation.

20. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que le SYDELON, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation de la valeur des offres qui lui ont été soumises, aurait appliqué les critères rappelés au point 18 afin de privilégier le recours à une technique de valorisation des déchets spécifique, qu'il aurait omis de mentionner dans les documents de la consultation. S'il a valorisé la présentation faite par l'attributaire, qui a proposé une technique de tri mécano-biologique dont les bienfaits sont controversés, il ne résulte cependant pas de l'instruction que la société requérante ait proposé une autre technique, dont les avantages seraient objectivement supérieurs à celle retenue par le pouvoir adjudicateur.

21. Il résulte de ce qui a été dit aux points 16 à 20 que les moyens tirés de l'absence de pertinence des critères de jugement des offres et de la méconnaissance du principe de transparence des modalités de jugement des offres, doivent être écartés ;

En ce qui concerne la dénaturation de l'offre de la requérante :

22. Il ne résulte pas de l'instruction que le SYDELON se serait mépris sur le contenu de l'offre de la société requérante en s'abstenant de mentionner dans son rapport d'analyse des offres qu'elle proposait, comme l'attributaire, le traitement des lixiviats " in situ ", alors au demeurant que la collectivité connaissait les prestations que celle-ci était en mesure de proposer, en sa qualité de candidat sortant du marché. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la dénaturation de son offre doit être écarté.

En ce qui concerne le non-respect par le SYDELON de son propre système d'évaluation :

23. Si le rapport d'analyse des offres porte une mention " Argumentaire général sur la valeur technique ", il résulte de l'instruction, d'une part, que le tableau reportant chaque sous-critère et chaque sous-sous-critère montre qu'ils ont tous fait l'objet d'une appréciation spécifique, et d'autre part, que l'appréciation littérale de l'argumentaire général détaille lui aussi, nonobstant son titre, la réponse apportée par le mémoire technique des candidats à chacun d'eux. Le moyen doit donc être écarté.

En ce qui concerne les erreurs manifestes commises dans l'appréciation des offres :

24. D'une part, il résulte de l'instruction que l'offre du groupement dont la société Groupe Pizzorno Environnement était mandataire a obtenu la note de 6 sur 10 au sous-sous-critère relatif à la " Méthodologie de transmission des informations au SYDELON " alors que celle de l'attributaire a obtenu un point de plus. Dès lors que la société requérante avait mentionné dans son mémoire technique les limites auxquelles elle serait confrontée concernant l'obtention d'informations sur la provenance des tonnages de déchets apportés par les centres de transfert gérés par un autre prestataire dans le cadre du lot n°2 du marché, cette note n'apparaît pas manifestement disproportionnée. Si la société requérante fait valoir que les limites qu'elle a exposées étaient objectives et communes à l'ensemble des candidats et que sa note n'aurait ainsi pas dû être dégradée à ce titre, elle ne l'établit pas. Enfin, en tout état de cause, la différence de notation d'un point entre les deux candidats est justifiée par les réunions d'exploitation des tableaux de bord proposées uniquement par la société SITA Nord Est.

25. D'autre part, la société Groupe Pizzorno Environnement ne démontre pas que l'offre de la société attributaire, qui a recours, pour partie, à la technique du tri mécano-biologique, laquelle est controversée, serait objectivement moins pertinente d'un point de vue environnemental alors que cette dernière a proposé la valorisation des déchets sur un tonnage largement supérieur à celui proposé par la requérante.

26. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, les deux sous-sous-critères, " Description générale de la ou des techniques utilisées pour le traitement des déchets " et " Technique de traitement et valorisation par nature de déchets ", du sous-critère n°1 " Organisation générale " ne sont pas redondants dès lors que le second implique une appréciation de la qualité intrinsèque des techniques utilisées pour la valorisation des déchets par nature de déchets alors que le premier se borne à apprécier le caractère général de la description des prestations de traitement proposées par chaque candidat.

27. Enfin, il résulte de l'instruction que l'offre de la société SITA Nord Est, telle que retranscrite dans le tableau comparatif des offres, apparaît plus complète et détaillée que celle présentée par le groupement de la société Groupe Pizzorno Environnement laquelle valorise, en outre, une moindre quantité de déchets.

28. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante ne démontre pas que l'analyse des mérites respectifs des candidats est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'irrégularité de la méthode de notation utilisée :

29. Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en oeuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Il peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour l'élaboration de la note des critères que les modalités de détermination de cette note par combinaison de ces éléments d'appréciation. Une méthode de notation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour noter les critères de sélection des offres sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités de détermination de la note des critères de sélection par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en oeuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n'y est pas tenu, aurait rendu publique, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode de notation.

30. D'une part, il résulte du rapport d'analyse des offres que la notation attribuée au sous-sous-critère n°2 " Technique de traitement et valorisation par nature de déchets " du sous-critère n°1, pondéré à 15 %, a tenu compte de l'ensemble des éléments présentés par les candidats pour ce sous-sous-critère et non pas seulement la quantité de déchets valorisés par rapport à la quantité totale de déchets. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction qu'en lui attribuant la note de 10,5/15 alors que son concurrent s'est vu attribuer une note de 14,5/15, le pouvoir adjudicateur aurait mis en oeuvre une méthode de notation illégale, alors même au demeurant que l'absence de caractère proportionnel dans la mise en oeuvre de la notation des critères n'est pas en elle-même irrégulière. Par suite, eu égard à l'appréciation globale qui a été portée sur les offres des candidats au regard de ce critère, il ne résulte pas de l'instruction que la meilleure note n'aurait pas été attribuée à l'offre économiquement la plus avantageuse. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la méthode de notation mise en oeuvre serait, de ce seul fait, irrégulière.

31. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 15, que les besoins du SYDELON, notamment en matière de valorisation des déchets, avaient été suffisamment précisés dès le lancement de la procédure. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne résulte pas de l'instruction que le SYDELON aurait modifié sa méthode de notation après l'ouverture des offres, notamment s'agissant de l'appréciation de la quantité de déchets valorisés.

En ce qui concerne la méconnaissance des articles 46 et 59 du code des marchés publics :

32. Aux termes de l'article 46 du code des marchés publics alors applicable : " I.- Sous réserve des dispositions du VI de l'article 45, le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché produit en outre : / 1° Les pièces prévues aux articles D. 8222-5 ou D. 8222-7 et D. 8222-8 du code du travail ; ces pièces sont à produire tous les six mois jusqu'à la fin de l'exécution du marché ; / 2° Les attestations et certificats délivrés par les administrations et organismes compétents prouvant qu'il a satisfait à ses obligations fiscales et sociales. Un arrêté des ministres intéressés fixe la liste des administrations et organismes compétents ainsi que la liste des impôts et cotisations sociales devant donner lieu à délivrance du certificat. (...) / III.- Le marché ne peut être attribué au candidat dont l'offre a été retenue que si celui-ci produit dans le délai imparti les certificats et attestations prévus au I et au II. S'il ne peut produire ces documents dans le délai imparti, son offre est rejetée et le candidat éliminé. / Le candidat dont l'offre a été classée immédiatement après la sienne est sollicité pour produire les certificats et attestations nécessaires avant que le marché ne lui soit attribué. Si nécessaire, cette procédure peut être reproduite tant qu'il subsiste des offres qui n'ont pas été écartées au motif qu'elles sont inappropriées, irrégulières ou inacceptables. (...). ". .

33. Il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article 46 du code des marchés publics qu'une société de moins de six mois, qui est dans l'incapacité de produire les attestations et certificats requis, soit soumise à une obligation jugée équivalente.

34. Il résulte de l'instruction que la société SITA Nord Est n'a été immatriculée que le 7 avril 2015, soit environ cinq mois avant l'attribution du marché. Dans ces conditions, elle était dans l'impossibilité matérielle de fournir les attestations fiscales et sociales annuelles exigées par les dispositions précitées, destinées à vérifier la régularité de la situation de l'attributaire au regard de ces réglementations au cours de l'exercice antérieur à l'année de présentation de sa candidature. Par suite, à supposer même que le SYDELON ait reçu, après le délai imparti, les attestations sociales et fiscales, certifiant la régularité de leur situation au 31 décembre 2014, des quatre sociétés, SITA Lorraine, SITA Nord, SITA Alsace et SITA Dectra, de la fusion desquelles la société SITA Nord Est est issue, cette transmission tardive n'a pas entaché d'irrégularité l'attribution du marché litigieux à la société Sita Nord Est. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 46 du code des marchés publics doit être écarté.

35. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société Groupe Pizzorno Environnement tendant à obtenir l'annulation du marché à raison des irrégularités qui auraient entaché la procédure à l'issue de laquelle il a été attribué ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions indemnitaires :

36. Il résulte de ce qui précède que la société Groupe Pizzorno Environnement n'a pas été évincée irrégulièrement du marché et n'est en conséquence pas fondée à demander l'indemnisation des préjudices qui auraient résulté pour elle de cette éviction. Ses conclusions indemnitaires doivent par voie de conséquence être rejetées, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner l'expertise sollicitée.

37. Il résulte de ce qui précède que la société Groupe Pizzorno Environnement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

38. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du SYDELON et de la société Suez Rv Nord Est qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la société Groupe Pizzorno Environnement demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

39. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Groupe Pizzorno Environnement le versement de la somme de 1 000 euros chacun au SYDELON et à la société Suez Rv Nord Est au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société groupe Pizzorno Environnement est rejetée.

Article 2 : La société groupe Pizzorno Environnement versera 1 000 euros au SYDELON et à la société Suez Rv Nord Est, chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société groupe Pizzorno Environnement, au syndicat mixte de transports et de traitement des déchets ménagers et assimilés de Lorraine Nord et à la société Suez Rv Nord Est.

2

N° 18NC01262


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01262
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas - Marchés.

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Aléas du contrat - Imprévision.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : CABINET CABANES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-06;18nc01262 ?
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