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01/07/2021 | FRANCE | N°20NC00652

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 01 juillet 2021, 20NC00652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... et M. F... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 26 juillet 2019 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office.

Par un jugement N°1902299 et 1902300 du 15 octobre 2019 la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté les demandes de Mme E... et M. F... tendant à

l'annulation de ces arrêtés.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête, enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... et M. F... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 26 juillet 2019 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office.

Par un jugement N°1902299 et 1902300 du 15 octobre 2019 la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté les demandes de Mme E... et M. F... tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête, enregistrée le 12 mars 2020, sous le N° 20NC00652, M. F..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 26 juillet 2019 ;

3°) de faire injonction au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire : a été prise par une autorité incompétente ; a été prise en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en ce qu'il n'a pas été mis à même de présenter des observations préalables ; viole le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé, aucun traitement n'étant disponible en Géorgie et il en va de même pour sa conjointe dont il ne peut être séparé et l'avis médical du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration aurait dû être recueilli au préalable ;

- la décision fixant le pays de renvoi : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 juin 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

II.) Par une requête, enregistrée le 12 mars 2020, sous le N° 20NC0653, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 26 juillet 2019 ;

3°) de faire injonction au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire : a été prise par une autorité incompétente ; a été prise en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en ce qu'il n'a pas été mis à même de présenter des observations préalables ; viole le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé, aucun traitement n'étant disponible en Géorgie et il en va de même pour son conjoint dont elle ne peut être séparée et l'avis médical du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration aurait dû être recueilli au préalable ;

- la décision fixant le pays de renvoi : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 juin 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme E... et M. F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 11 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2006-1516 du 8 décembre 2005 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... ;

- et les observations de Me C... représentant M. et Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme F..., ressortissants géorgiens, nés respectivement en 1991 et en 1996, déclarent être entrés en France au cours de l'année 2018. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 30 avril 2019 et les intéressés ont déposé une demande d'aide juridictionnelle afin de contester ces décisions devant la Cour nationale du droit d'asile. Par deux arrêtés du 26 juillet 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont ils ont la nationalité. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, Mme et M. F... relèvent appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. D'abord, par un arrêté n° 19.bci.09 du 27 juin 2019, publié au recueil des actes administratifs de Meurthe-et-Moselle le 27 juin 2019, le préfet de ce département a donné délégation à Mme Bernard, secrétaire générale de la préfecture, pour signer tous actes entrant dans les attributions de l'Etat. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la signataire des arrêtés attaqués n'était pas compétente.

3. Ensuite, si les requérants soutiennent ne pas avoir été mis à même de présenter leurs observations préalablement à la décision attaquée, en méconnaissance du droit à être entendu découlant de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ils ont été mis à même de faire valoir tous éléments utiles relatifs à leurs situations personnelles dans le cadre de l'instruction de leur demande d'asile et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient été empêchés de porter à la connaissance des services préfectoraux des informations utiles avant que ne soient prises à leur encontre les obligations de quitter le territoire. Par suite, le moyen invoqué de ce chef sera écarté.

4. Enfin, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un étranger justifie d'éléments suffisamment précis sur la nature et la gravité des troubles dont il souffre, le préfet est tenu, préalablement à l'édiction d'une mesure d'éloignement, de recueillir l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

5. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les époux F..., à qui il appartenait d'en prendre l'initiative en vertu des règles ci-dessus rappelées, auraient saisi l'autorité administrative de leur état de santé préalablement à l'édiction des décisions attaquées. Si M. F... a été examiné par le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans le cadre de l'instruction de sa demande d'asile, le certificat médical établi à cette occasion, le 6 mars 2019, pour les besoins de cette procédure, n'a pas été transmis aux services de la préfecture dans le cadre de la procédure d'éloignement litigieuse. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait dû saisir pour avis le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

En ce qui concerne la légalité interne :

6. Il est établi par les pièces du dossier que M. F... a été atteint d'un cancer dont il a été soigné avec succès en Géorgie et a bénéficié d'un suivi en France. Il se déduit de ces éléments que M. F... pourra bénéficier d'un suivi adapté de cette affection en Géorgie. Il ressort en outre des pièces du dossier que si les requérants sont tous deux atteints de l'hépatite B, le traitement de cette maladie est disponible en Géorgie. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées auraient été prise en violation des dispositions ci-dessus reproduites du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

7. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à invoquer par la voie de l'exception l'illégalité des obligations de quitter le territoire à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de destination.

8. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...). / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

9. Les requérants ne produisent aucun élément de nature à démontrer qu'ils seraient exposés à des traitements contraires aux normes juridiques ci-dessus rappelées en cas de retour en Géorgie.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme et M. F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes d'appel doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de Mme et M. F... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... née E..., M. B... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

N°20NC00652, 20NC00653 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00652
Date de la décision : 01/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. le Pdt. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SGRO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-01;20nc00652 ?
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