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01/07/2021 | FRANCE | N°20NC00072

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 01 juillet 2021, 20NC00072


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Truch'optique a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1706132 du 13 novembre 2019, le tribuna

l administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

M. D... E... a demandé au tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Truch'optique a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1706132 du 13 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1706128 du 13 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête, enregistrée sous le n°20NC00072, le 13 janvier 2020, la SARL Truch'optique, représentée par la SELARL GSA - KHM demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- eu égard au caractère de charges déductibles des dépenses rendues nécessaires par son activité, un droit à déduction à hauteur de 511,02 euros doit lui être accordé ;

- les frais kilométriques de M. A... et de M. E... doivent être déduits du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés ;

- les rémunérations versées à M. E... sont déductibles ;

- les amortissements ayant été comptabilisés lors de l'établissement des comptes, les dotations aux amortissements sont déductibles ;

- la provision pour créances douteuses ayant bien été inscrite à la clôture de l'exercice en 2011 et le caractère irrécouvrable étant établi, le rejet de la provision n'est pas justifié ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Truch'optique ne sont pas fondés.

II.) Par une requête, enregistrée sous le n°20NC00073, le 13 janvier 2020, M. D... E..., représenté par la SELARL GSA - KHM, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soulève les mêmes moyens que ceux exposés dans la requête n°20NC00072.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Truch'optique, qui avait pour activité la vente de lunettes en magasin, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. Par proposition de rectification du 13 décembre 2013, l'administration lui a notifié, dans le cadre de la procédure de taxation d'office, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010 et 2011 et 2012 et, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012 et a assorti ces impositions de majorations. M. E... a été considéré par le service comme étant bénéficiaire des revenus réputés distribués par la société découlant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de la réintégration dans les bénéfices imposables de la société des sommes regardées par l'administration comme non déductibles du résultat imposable. Les rectifications effectuées à ce titre ont été portées à sa connaissance dans le cadre d'une procédure contradictoire par proposition de rectification du 13 décembre 2013. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, la SARL Truch'optique et M. E... relèvent respectivement appel du jugement les concernant.

Sur les impositions établies à l'encontre de la SARL Truch'optique :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

2. Aux termes de l'article 168 bis de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée de l'Union européenne : " 1. Dans le cas d'un bien immeuble faisant partie du patrimoine de l'entreprise d'un assujetti et utilisé par l'assujetti à la fois aux fins des activités de l'entreprise et pour son usage privé ou celui de son personnel ou, plus généralement, à des fins autres que celles de son entreprise, la TVA sur les dépenses liées à ce bien ne doit être déductible, conformément aux principes énoncés aux articles 167, 168, 169 et 173, qu'à proportion de son utilisation aux fins des activités de l'entreprise de l'assujetti. (...) ". Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. " Aux termes du 1 du I de l'article 271 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. " Aux termes du 1 du II du même article : " Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / b) Celle qui est perçue à l'importation ; / c) Celle qui est acquittée par les redevables eux-mêmes lors de l'achat ou de la livraison à soi-même des biens ou des services ; / d) Celle qui correspond aux factures d'acquisition intracommunautaire établies conformément à la réglementation communautaire dont le montant figure sur la déclaration de recettes conformément au b du 5 de l'article 287. " Pris pour l'application de ces dispositions, l'article 205 de l'annexe II à ce code prévoit que la taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. L'article 206 de la même annexe prescrit que : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. /(...) IV. - 1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : 1° Lorsque le bien ou le service est utilisé par l'assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise ".

3. Il résulte de l'instruction que l'administration a remis en cause dans la proposition de rectification du 13 décembre 2013 le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des dépenses qui ne correspondaient pas, selon le vérificateur, à des dépenses professionnelles ou qui n'avaient pas été justifiées par une facture. S'agissant de l'achat d'un ordinateur de la marque Dell pour une valeur de 1 470 euros toutes taxes comprises, la société requérante se borne à soutenir que cet achat était destiné à son dirigeant sans toutefois produire la facture correspondante permettant de justifier de cette charge. Il en est de même s'agissant des frais d'alimentation engagés le 10 octobre 2009 qui auraient été destinés, selon la SARL Truch'optique, à inaugurer l'anniversaire des dix ans de l'ouverture de son magasin, ainsi que des achats de fournitures auprès des magasins Castorama et Super U destinés à la rénovation du magasin. Concernant l'achat d'un vélo-tout-terrain du 9 juin 2010, le service vérificateur a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette dépense en raison de l'absence de facture correspondante. La société requérante fait valoir que ce vélo constituait un lot de la tombola organisée lors de l'anniversaire des dix ans du magasin. La facture produite n'indique pas l'identité de l'acheteur. La société ne fournit aucun autre élément de nature à étayer ses allégations. Il en est de même s'agissant du matériel de jardinage pour lequel la facture produite postérieurement aux opérations de contrôle ne précise pas l'identité de l'acheteur. Il n'est ainsi pas justifié que les dépenses en litige ont été engagées pour les besoins des opérations imposables de la SARL Truch'optique. Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses.

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".

5. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Pour être admises en déduction du résultat imposable, les charges doivent être exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise et être appuyées de justifications suffisantes. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée.

6. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 13 décembre 2013, que l'administration a remis en cause la déductibilité des indemnités kilométriques versées à M. A... au titre de l'exercice clos en 2010 et à M. E... au titre des exercices clos en 2011 et 2012. D'une part, s'agissant des déplacements effectués par M. A..., en se bornant à se référer aux relevés mensuels établis par M. E..., la SARL Truch'optique ne justifie pas du montant des charges qu'elle entend déduire de son bénéfice imposable. D'autre part, s'agissant des déplacements effectués par M. E..., la société a déclaré que ce dernier avait effectué au titre des exercices clos en 2011 et 2012 respectivement 14 021 et 12 004 kilomètres. Au regard des justificatifs apportés au cours du contrôle, le vérificateur a constaté que le véhicule Audi A6 mentionné sur les relevés mensuels de M. E... n'avait en réalité parcouru que 14 652 kilomètres au cours des années 2011 et 2012 en litige. La SARL Truch'optique soutient que M. E... a utilisé plusieurs véhicules à des fins professionnelles. Toutefois, la seule production d'une attestation d'assurance d'un autre véhicule, de trois cartes grises et de l'historique d'une Renault 5 acquise par M. B... E..., tiers à l'entreprise, ne suffit pas à justifier que son gérant aurait utilisé d'autres véhicules. De surcroît, comme le fait valoir le ministre en défense, les relevés mensuels produits par la société requérante ne mentionnent que l'utilisation d'une Audi A6. C'est donc à bon droit que l'administration a refusé d'admettre ces dépenses en déduction du bénéfice imposable de la société requérante.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : a. Les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées (...) ".

8. L'administration a constaté que la SARL Truch'optique a indiqué dans ses déclarations de résultat au titre des exercices clos en 2011 et 2012 avoir versé à M. E... des rémunérations à hauteur respectivement de 81 823 euros et 132 000 euros. Cependant, les déclarations annuelles de données sociales souscrites par la société Truch'optique auprès de l'URSSAF au titre des exercices vérifiés ne mentionnaient pas M. E... en qualité de salarié. En outre, le vérificateur a dressé, le 24 juillet 2013, un procès-verbal pour défaut de présentation de la comptabilité. Ni aucune fiche de paie ou contrat de travail concernant M. E... ni aucun procès-verbal d'assemblée générale n'a pu être présenté au vérificateur au cours des opérations de contrôle. Si la société se prévaut, pour la première fois en appel, du procès-verbal de l'assemblée générale du 28 juin 2010 au cours de laquelle il a été décidé de nommer M. E... en qualité de gérant tout en ne résiliant pas son contrat de travail conclu le 10 juin 1999 en qualité de directeur technique, ce seul élément ne suffit pas à justifier de la réalité des dépenses. La société requérante ne saurait par ailleurs utilement se prévaloir du travail effectif de M. E... dès lors que l'administration a remis en cause la déductibilité des rémunérations au seul motif de l'absence de justification des dépenses. Enfin, comme le fait valoir le ministre, le salaire mentionné au contrat de travail du 10 juin 1999 est largement inférieur aux sommes qui auraient été versées à M. E.... Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déductibilité des rémunérations versées à M. E... au titre des années 2011 et 2012

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions que peuvent seules être regardées comme " effectivement constatées dans les écritures de l'exercice " les provisions qui ont été effectivement portées dans les écritures de l'entreprise avant l'expiration du délai de déclaration des résultats de cet exercice. De même, ne peuvent être déduits du bénéfice imposable que les amortissements qui ont été effectivement inscrits dans les écritures comptables à la clôture de chacun des exercices concernés. Il appartient au contribuable de justifier que cette inscription a été effectuée avant l'expiration du délai imparti pour souscrire la déclaration des résultats annuels de l'entreprise.

11. Il résulte de l'instruction que la SARL Truch'optique a déduit des dotations aux amortissements à la clôture de ses exercices 2010, 2011 et 2012 à hauteur respectivement des sommes de 9 233 euros, 8 270 euros et 5 925 euros. La société a également comptabilisé à la clôture de son exercice clos au 30 juin 2012 une provision de 152 222 euros en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées. Les déclarations de résultat ayant été déposées hors délai pour ces trois exercices, l'administration a remis en cause la déductibilité des provisions et des dotations aux amortissements au motif qu'elles n'ont pas été inscrites dans la comptabilité de la société avant l'expiration du délai légal de déclaration.

12. La société soutient que les dotations aux amortissements et la provision en litige ont été régulièrement inscrites en comptabilité. Cependant, un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité a été signifié à la société requérante le 24 juillet 2013 par lequel le vérificateur a constaté le défaut de communication du grand livre, du bilan, des balances et des journaux des exercices clos en 2010, 2011 et 2012. De plus, s'agissant de la provision, la société a déposé le 24 mai 2013 sa déclaration de résultat au titre de son exercice clos au 30 juin 2012 à la suite d'une mise en demeure du 18 janvier 2013, la date limite de dépôt de sa déclaration pour cet exercice ayant expiré le 30 septembre 2012. Elle n'apporte ainsi pas la preuve, qui lui incombe, de l'inscription dans ses écritures comptables de la provision avant l'expiration du délai légal de dépôt de la déclaration de résultats. S'agissant des amortissements, les tableaux d'amortissement remis au vérificateur au cours des opérations de contrôle ont été établis postérieurement à la date limite de dépôt des déclarations de résultat pour chacune des trois années en litige. La société ne produit ainsi aucune pièce comptable permettant d'établir avec date certaine la comptabilisation des amortissements, ses déclarations de résultat ayant toutes été déposées postérieurement au délai légal. Dans ces conditions, la société requérante ne saurait être regardée comme justifiant que les dotations aux amortissements et les provisions litigieuses ont été inscrites dans sa comptabilité avant l'expiration du délai légal imparti pour souscrire la déclaration des résultats annuels. Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans le bénéfice imposable les dotations aux amortissements et les provisions au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers de M. E... :

13. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : "1. Sont considérés comme revenus distribués :/1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". En cas de refus des propositions de rectification par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

14. M. E..., qui ne conteste pas sa qualité de maître de l'affaire, doit être regardé

comme le bénéficiaire des revenus distribués correspondant, d'une part, aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée et à la réintégration des charges déduites de manière injustifiée du résultat imposable de la SARL Truch'optique au titre des années 2010, 2011 et 2012 et, d'autre part, aux distributions irrégulières constituées par les rémunérations versées sans qu'il en soit justifié. Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, l'administration, qui a procédé à bon droit aux rectifications opérées à l'encontre de la société, établit ainsi les avantages accordés à M. E.... Le requérant se bornant à contester les redressements de ses revenus imposables par les mêmes moyens que ceux soulevés par la SARL Truch'optique, appuyés des mêmes éléments justificatifs, sa requête doit être rejetée par voie de conséquence par les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus.

Sur les pénalités :

15. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

16. Pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré au seul chef de redressement concernant les sommes versées à M. E... au titre de ses rémunérations, l'administration fiscale fait valoir que la SARL Truch'optique ne pouvait pas ignorer le caractère non déductible des rémunérations de son gérant en l'absence de justification du versement de ces sommes et qu'en sa qualité de maître de l'affaire et associé de la société, M. E... a eu nécessairement connaissance des faits motivant ce rehaussement. Ce faisant, l'administration démontre tant l'intention de la SARL Truch'optique d'éluder l'impôt que le fait que M. E... ne pouvait ignorer la situation, sans que les requérants ne puissent se prévaloir des défaillances du cabinet d'expertise-comptable. Par suite, c'est à bon droit que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur le revenu au titre des années en litige ont été majorées de la pénalité pour manquement délibéré.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Truch'optique et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. E... et de la SARL Truch'optique sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Truch'optique, à M. D... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

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N° 20NC00072, 20NC00073


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