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30/06/2021 | FRANCE | N°19NC02408

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 30 juin 2021, 19NC02408


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision en date du 8 août 2017 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a confirmé la décision du 30 juin 2017 du président de la commission de discipline ayant prononcé à son encontre la sanction de placement en cellule disciplinaire pour une durée de six jours.

Par un jugement n° 1704735 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Proc

édure devant la Cour :

Par une requête enregistrée, sous le n° 19NC02408, le 26 juille...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision en date du 8 août 2017 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a confirmé la décision du 30 juin 2017 du président de la commission de discipline ayant prononcé à son encontre la sanction de placement en cellule disciplinaire pour une durée de six jours.

Par un jugement n° 1704735 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée, sous le n° 19NC02408, le 26 juillet 2019 M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juin 2019 ;

2°) d'annuler la décision en date du 8 août 2017 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a confirmé la décision du 30 juin 2017 du président de la commission de discipline qui a prononcé la sanction de placement en cellule disciplinaire pour une durée de 6 jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 7611 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- son refus de réintégrer sa cellule n'a pas été formulé dans des conditions ou circonstances qui auraient pu mettre en cause la sécurité de l'établissement ;

- l'administration ne lui a pas enjoint à plusieurs reprises de réintégrer sa cellule ;

- les faits qui lui ont été reprochés ne relèvent pas d'une faute du second degré et sa faute n'a eu aucun impact sur le bon fonctionnement de l'établissement ; ainsi, aucune des deux conditions cumulatives au placement en prévention n'était réunie ;

- le président de la commission de discipline n'a pas décompté du quantum de la sanction le temps passé en prévention ;

- la sanction de six jours de cellule disciplinaire est disproportionnée ;

- le président de la commission de discipline n'a pas reçu délégation de signature ;

- les deux assesseurs, qui avaient voix délibérative, n'ont pas été consultés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2021, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 5 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 30 juin 2017, le directeur de maison centrale d'Ensisheim, président de la commission de discipline de cet établissement, a prononcé à l'encontre de M. B... la sanction de placement en cellule disciplinaire pour une durée de six jours. Par une décision du 8 août 2017, qui s'est substituée à celle du 30 juin 2017, la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a confirmé cette sanction. M. B... relève appel du jugement du 6 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur la légalité de la décision du 8 août 2017 :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Aux termes de l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ". Aux termes de l'article R. 57-7-7 du même code : " Les sanctions disciplinaires sont prononcées, en commission, par le président de la commission de discipline. Les membres assesseurs ont voix consultative ". Enfin, l'article R. 57-7-8 de ce code, dans sa version alors applicable, prévoit que " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs. / Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement. / Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal de grande instance. ".

3. En premier lieu, l'institution, par les dispositions de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale, d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision de la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg prise à la suite du recours formé par M. B... contre la sanction que lui a infligée le directeur de la maison centrale d'Enseisheim se substitue à cette décision et est seule susceptible d'être déférée au juge de la légalité. Par suite, et en tout état de cause, M. B... ne peut utilement invoquer la prétendue incompétence du directeur de la maison centrale d'Ensisheim, président de la commission de discipline résultant d'un défaut de délégation de signature.

4. En deuxième lieu, si la décision prise par le directeur de la maison centrale d'Enseisheim ne comporte pas la mention de la position exprimée par les deux membres assesseurs de la commission de discipline, cette circonstance ne suffit pas à établir, en l'absence d'autres précisions, que ceux-ci n'auraient pas été appelés à exprimer leur position.

En ce qui concerne la légalité interne :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : (...) 5° De refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a exprimé, le 30 juin 2017 à 14 heures, son refus de réintégrer sa cellule et son souhait d'être placé au quartier disciplinaire. Si le rapport d'incident établi par l'administration pénitentiaire précise que l'intéressé a opposé ce refus " sans poser de problème ni violence ", il ressort du rapport d'enquête et du compte rendu de la séance de la commission de discipline que l'intéressé a expliqué son refus de regagner sa cellule par sa volonté de quitter la maison centrale d'Ensisheim pour un établissement plus proche du lieu de résidence de son père âgé et malade, volonté qu'il a assortie de la menace de se venger et de revenir tous les jours devant la commission de discipline dans le cas où son père viendrait à décéder sans qu'il ait obtenu satisfaction à sa requête. Au regard de la raison invoquée par l'intéressé pour refuser de regagner sa cellule et des menaces proférées, la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a pu légalement estimer que ce refus, exprimé sans ambiguïté par l'intéressé, avait eu lieu dans des conditions ou circonstances telles qu'il mettait en cause le respect des règles de sécurité prévues par les textes. Le prononcé de la sanction prévue par le 5° de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale n'était pas subordonné à une injonction répétée des personnels pénitentiaires à l'intéressé d'avoir à regagner sa cellule.

7. En deuxième lieu, le requérant soutient que les conditions légales de son placement préventif en quartier disciplinaire n'étaient pas réunies. Toutefois, la sanction prononcée à son encontre par la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg ne constitue pas une mesure d'application du placement préventif de M. B... en quartier disciplinaire. Dès lors, celui-ci ne peut pas utilement exciper de l'illégalité de ce placement préventif à l'encontre de la sanction qu'il conteste.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-20 du code de procédure pénale : " La durée effectuée en confinement ou en cellule disciplinaire à titre préventif s'impute sur celle de la sanction à subir lorsqu'est prononcée à l'encontre de la personne détenue la sanction de confinement en cellule individuelle ordinaire ou la sanction de placement en cellule disciplinaire ".

9. Si M. B... soutient que cette règle d'imputation n'aurait pas été respectée par l'administration pénitentiaire, qui l'aurait maintenu en quartier disciplinaire au-delà de la durée fixée par la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg diminuée du temps passé dans ce quartier disciplinaire à titre préventif, cette circonstance affecte l'exécution de la sanction prononcée contre l'intéressé et non sa légalité. Le moyen invoqué doit donc être écarté comme inopérant.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-33 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Lorsque la personne détenue est majeure, peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° L'interdiction de recevoir des subsides de l'extérieur pendant une période maximum de deux mois ; / 3° La privation pendant une période maximum de deux mois de la faculté d'effectuer en cantine tout achat autre que celui de produits d'hygiène, du nécessaire de correspondance et de tabac ; / 4° La privation pendant une durée maximum d'un mois de tout appareil acheté ou loué par l'intermédiaire de l'administration ; / 5° La privation d'une activité culturelle, sportive ou de loisirs pour une période maximum d'un mois ; / 6° Le confinement en cellule individuelle ordinaire assorti, le cas échéant, de la privation de tout appareil acheté ou loué par l'intermédiaire de l'administration pendant la durée de l'exécution de la sanction ; / 7° La mise en cellule disciplinaire ". Aux termes de l'article R. 57-7-47 du même code : " Pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder vingt jours pour une faute disciplinaire du premier degré, quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré et sept jours pour une faute disciplinaire du troisième degré ".

11. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. A cet égard, le comportement général d'un détenu depuis le début de son incarcération peut être pris en compte pour le choix du quantum de la sanction.

12. Eu égard, d'une part, aux revendications mises en avant par M. B... pour justifier son refus de regagner sa cellule et aux menaces proférées à l'encontre de l'administration pénitentiaire dans le cas où il n'obtiendrait pas satisfaction à ses demandes en temps utile, d'autre part, au comportement général de l'intéressé depuis son incarcération, lui ayant valu plusieurs mesures d'isolement entre 2006 et 2017 pour des faits de nature à troubler le bon ordre au sein de l'établissement, la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg n'a pas infligé une sanction disproportionnée en décidant de placer M. B... en cellule disciplinaire pour une durée de six jours.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

15. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de la justice.

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N° 19NC02408


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02408
Date de la décision : 30/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Juridictions administratives et judiciaires - Exécution des jugements - Exécution des peines - Service public pénitentiaire.

Répression - Domaine de la répression administrative Nature de la sanction administrative.


Composition du Tribunal
Président : Mme GROSSRIEDER
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : FILET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-30;19nc02408 ?
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