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22/06/2021 | FRANCE | N°20NC03816

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 22 juin 2021, 20NC03816


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. F... D... et Mme E... B..., épouse D..., ont demandé chacun au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 6 février 2020 par lesquels le préfet de la Marne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2001029 et 2001030 du 17 septembre 2020, le tribunal administrati

f de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande respective.

Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. F... D... et Mme E... B..., épouse D..., ont demandé chacun au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 6 février 2020 par lesquels le préfet de la Marne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2001029 et 2001030 du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande respective.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2020, M. F... D... et Mme E... B..., épouse D..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2001029 et 2001030 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 septembre 2020 en tant qu'il rejette leur demande respective ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Marne du 6 février 2020 les concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne, sous astreinte de cent euros par jour de retard, de leur délivrer un titre de séjour à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à sa charge le versement à leur conseil de la somme de 2 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Ils soutiennent que :

- les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour ont été prises par une autorité incompétente ;

- les décisions en litige sont insuffisamment motivées ;

- les décisions sont entachées d'un défaut d'examen de leur situation personnelle et d'une erreur de fait ;

- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 311-12 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent encore les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français ont été prises par une autorité incompétente ;

- les décisions en litige sont insuffisamment motivées ;

- les décisions sont entachées d'un vice de procédure, dès lors que, en méconnaissance du droit d'être entendu, garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ils n'ont pas été mis à même de présenter des observations sur leur situation familiale et sur l'état de santé de leur fille ;

- elles sont entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation personnelle ;

- elles méconnaissent les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant fixation du pays de destination ont été prises par une autorité incompétente ;

- les décisions en litige sont insuffisamment motivées ;

- elles sont entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation personnelle ;

- les décisions sont entachées d'une erreur de droit, dès lors qu'elles ne mentionnent pas explicitement le pays d'origine à destination duquel ils doivent être éloignés ou ceux dans lesquels ils seraient légalement admissibles ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été régulièrement communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 24 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... D... et Mme E... B..., épouse D..., sont des ressortissants kosovars, nés respectivement les 12 juin 1977 et 26 avril 1980. Ils ont déclaré être entrés irrégulièrement en France, le 18 février 2015, accompagnés de leurs deux enfants mineurs, nés les 18 février 2005 et 15 mai 2008. Ils ont présenté chacun une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 21 novembre 2016, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 2 juin 2017. En conséquence de ces refus, les requérants ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement, le 17 avril 2018, à laquelle ils n'ont pas déféré. Le 13 janvier 2020, ils ont sollicité chacun la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de leur vie privée et familiale en France. Toutefois, par deux arrêtés du 6 février 2020, le préfet de la Marne a refusé de faire droit à leur demande, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite à la frontière. M et Mme D... ont saisi chacun le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 6 février 2020. Ils relèvent appel du jugement n° 2001029 et 2001030 qui rejette leur demande respective.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les décisions en litige ont été signées, " pour le préfet et par délégation ", par M. Denis Gaudin, secrétaire général de la préfecture de la Marne. Or, postérieurement à son entrée en fonction le 15 janvier 2020, le nouveau préfet de la Marne a consenti à l'intéressé, par un arrêté en date du 3 février 2020, régulièrement publié le jour même au recueil n°2 des actes de la préfecture de la Marne, une délégation de signature à l'effet de signer notamment tous arrêtés ou décisions relevant des attributions du représentant de l'Etat dans le département, à l'exception des réquisitions de la force armée et des arrêtés de conflits. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, les décisions en litige énoncent, dans leurs visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Contrairement aux allégations des requérants, elles se réfèrent à la présence en France de leurs trois enfants mineurs et des deux frères de M. D..., bénéficiaires d'une protection internationale. Si le préfet de la Marne ne fait pas mention de l'état de santé de leur fille aînée, cette circonstance, eu égard aux demandes de titre de séjour dont il était saisi, ne suffit pas à caractériser une insuffisance de motivation. Dans ces conditions, les décisions en litige, qui satisfont aux exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, sont suffisamment motivées. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, être accueilli.

4. En troisième lieu, il ne ressort, ni des motifs des décisions en litige, ni des autres pièces du dossier, que le préfet de la Marne se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle et familiale des requérants, ni qu'il aurait négligé de prendre en considération, avant de rejeter les demandes de titre de séjour dont il était saisi, l'ensemble des éléments relatifs à cette situation, qui ont été portés à sa connaissance, y compris l'état de santé de la fille aînée de M. et de Mme D... et le bénéfice de la protection internationale accordé à certains membres de leur famille. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut d'examen.

5. En quatrième lieu, le moyen tiré de l'erreur de fait, dont seraient entachées les décisions en litige, n'est pas assorti de précision suffisante pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, il doit être écarté.

6. En cinquième lieu, il ne ressort pas des termes de leur courrier du 13 janvier 2020 que les requérants ont entendu solliciter leur admission au séjour en raison de l'état de santé de leur fille aînée sur le fondement de l'article L. 311-12 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Par suite, le préfet de la Marne n'ayant pas examiné d'office si M. et Mme D... pouvaient prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en application des dispositions en cause, ainsi qu'il lui était loisible de le faire à titre gracieux, le moyen tiré de la méconnaissance desdites dispositions ne peut qu'être écarté.

7. En sixième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".

8. En se prévalant successivement de l'état de santé de leur fille aînée, du bénéfice de la protection internationale accordée en France à certains membres de leur famille, de la naissance à Epernay d'un troisième enfant le 11 septembre 2019, de la scolarisation des deux autres, de leur bonne intégration dans la société française et de la promesse d'embauche de M. D... par une entreprise du bâtiment, les requérants ne démontrent pas que leur admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En septième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... sont arrivés en France, le 18 février 2015, à l'âge respectivement de trente-sept et de trente-quatre ans. Ils ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 17 avril 2018, à laquelle ils n'ont pas déféré, et se maintiennent irrégulièrement sur le territoire français. Ils n'établissent pas, ni même n'allèguent, être isolés au Kosovo. Nonobstant la naissance en France d'un troisième enfant et la scolarisation des deux autres, il n'est pas démontré que les requérants seraient dans l'impossibilité de reconstituer leur cellule familiale dans leur pays d'origine, ni que leurs deux filles et leur fils ne pourraient y poursuivre une existence et une scolarité normales. Les circonstances que M. et Mme D... ont suivi des cours de français, qu'ils sont bénévoles dans plusieurs associations, que M. D... est bénéficiaire d'une promesse d'embauche et que ses deux frères sont titulaires d'une carte de résident de dix ans en qualité de réfugiés ne suffisent pas à conférer aux intéressés un droit à séjourner sur le territoire français. Enfin, si les requérants se prévalent de l'état de santé de leur fille aînée, atteinte d'une ostéomyélite chronique juvénile mandibulaire, il résulte du courrier du 22 juin 2020, rédigé par un médecin du pôle de médecine bucco-dentaire du centre hospitalier universitaire de Reims, que l'enfant a bénéficié pendant six mois d'un traitement antibiotique qui a permis d'assainir l'os de la mâchoire et qu'elle doit simplement se soumettre à un contrôle dans un an, de préférence par scanner, dont il n'est pas établi qu'il ne pourrait être assuré au Kosovo. Par suite, alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir l'endroit qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il y lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de la méconnaissance de ces stipulations et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étranges et du droit d'asile.

11. En huitième et dernier lieu, pour les motifs qui viennent d'être exposés, le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, il a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de l'incompétence du signataire des décisions en litige, de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, de celle des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ".

14. D'une part, M. et Mme D... ne sauraient utilement invoquer une méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui s'adresse uniquement, ainsi qu'il résulte clairement des dispositions en cause, aux institutions, organes et organismes de l'Union. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.

15. D'autre part, à supposer que les requérants aient entendu invoquer une méconnaissance du droit d'être entendu, tel que garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne, il est constant que, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer que, en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet, le cas échéant, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ou de compléter ses observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français, laquelle est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.

16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme D... auraient vainement sollicité un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'ils auraient été empêchés, lors du dépôt et au cours de l'instruction de leur demande de titre de séjour, de faire valoir auprès de l'administration tous les éléments jugés utiles à la compréhension de leur situation personnelle. Par suite, et alors que les intéressés ne pouvaient raisonnablement ignorer que, en cas de rejet de leur demande de titre, ils étaient susceptibles de faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français dans un délai imparti, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, tel que garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne, ne peut qu'être écarté.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...). ".

18. Les décisions portant refus de délivrance à M. et Mme D... d'un titre de séjour étant suffisamment motivées, ainsi qu'il ressort du point 3 du présent arrêt, les décisions en litige n'avaient pas à faire l'objet d'une motivation spécifique. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elles seraient insuffisamment motivées ne peut être accueilli.

19. En quatrième et dernier lieu, il ne ressort, ni des motifs des décisions en litige, ni des autres pièces du dossier, que le préfet de la Marne se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle et familiale des requérants. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant fixation du pays de destination :

20. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 2 du présent arrêt, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige doit être écarté.

21. En deuxième lieu, contrairement aux allégations des requérants, les décisions en litige énoncent, dans leurs visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elles sont suffisamment motivées au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

22. En troisième lieu, il ne ressort, ni des motifs des décisions en litige, ni des autres pièces du dossier, que le préfet de la Marne se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle et familiale des requérants. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.

23. En quatrième lieu, il est constant que M. et Mme D... sont des ressortissants kosovars. Dans ces conditions, en indiquant que les intéressés, au-delà du délai de départ volontaire, pourront être reconduits d'office à destination de leur pays d'origine ou de tout autre pays dans lequel ils établissent être légalement admissibles, le préfet de la Marne n'a pas commis d'erreur de droit. Par suite, et alors même que les pays concernés n'ont pas été expressément mentionnés dans les décisions en litige, ce moyen ne peut être accueilli.

24. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

25. Si les requérants font valoir qu'ils risquent d'être exposés, en cas de retour au Kosovo, à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la seule production de leur propre récit et d'attestations de témoins faisant état d'une agression, dont M. D... aurait été victime, ne suffit à étayer leurs allégations. Par suite, alors que, au demeurant, leurs demandes d'asile ont été successivement rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause doit être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Marne du 6 février 2020. Par suite, ils ne sont pas davantage fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et Mme E... G... D..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

N° 20NC03816 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20NC03816
Date de la décision : 22/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : GABON

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-22;20nc03816 ?
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